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B - Un modèle de constitution de forces en OPEX complexe et contraint

L’interopérabilité en OPEX avec les partenaires de l’OTAN, et singulièrement américains, a connu des avancées notables dans le domaine maritime. Elle se sont confirmées lors de l’opération Chammal. Lors de son engagement en Méditerranée et dans le Golfe Persique, de la fin de 2015 au début de 2016, le groupe aéronaval français (GAN), constitué autour du porte-avion Charles de Gaulle, a été engagé au sein de la Task force 50.

Habituellement dévolu aux États-Unis, le commandement de cette force a pour la première fois été confié au chef français du GAN qui avait l’autorité sur l’ensemble des forces alliées, y compris le groupe aéronaval américain. Cette intégration des forces aéronavales américaines et françaises a débouché sur des opérations combinant les moyens des deux groupes (« dual carrier operations »).

pouvoir être relevées tous les quatre mois, voire de façon bimestrielle pour certaines compétences (navigants par exemple). Les soldats doivent préalablement disposer du niveau d’entraînement optimal attendu pour le théâtre.

La tenue dans la durée de la capacité à mettre en œuvre et à renouveler les moyens des OPEX dépend de la possibilité de régénérer à un rythme suffisant tant les équipements majeurs que l’aptitude opérationnelle des personnels en leur fournissant la préparation adéquate.

Cette double nécessité n’est actuellement pas assurée au niveau suffisant pour faire face aux besoins. Il en résulte qu’un effort croissant est nécessaire pour soutenir les OPEX, au prix d’une érosion des capacités d’ensemble de l’outil militaire, notamment en métropole. En attendant notamment la remontée en puissance des effectifs de la force opérationnelle terrestre (FOT)52et la livraison complète des nouveaux matériels, les armées doivent affronter la réduction de l’entraînement, l’obsolescence de leurs moyens et des réductions de capacité opérationnelle, ce qui pèse sur la génération des forces en OPEX.

Pour ce qui est de l’armée de terre, le contrat opérationnel décline pour les OPEX un effectif à tenir dont l’efficacité dépendra du matériel disponible. En s’appuyant sur le maintien de l’organisation régimentaire de l’armée de terre qui sert de réservoir, les forces en OPEX y sont puisées par prélèvement de tout ou partie d’une unité. Pour dégager des compétences supplémentaires, des renoncements temporaires d’effectifs sont aussi parfois consentis dans certaines forces (forces de souveraineté par exemple). En outre, les forces pré-positionnées servent de réserve de force pour les OPEX, en particulier en cas d’engagement, mais aussi dans le soutien dans la durée. La mobilisation des capacités critiques rares conduit la plupart du temps à la constitution d’unités ad hoc, avec le risque d’une perte en cohérence.

Pour l’armée de l’air, la projection en OPEX s’appuie sur les bases aériennes projetables (BAP). Elles sont constituées par l’agrégation d’escadrons venus des différentes bases françaises, voire de simples détachements issus d’escadrons (patrouille légère de trois appareils, dont un de rechange). Dans la constitution des flottes en déploiement, l’EMA veille à éviter dans la mesure du possible l’hétérogénéité des appareils.

Comme cela a été évoqué en introduction, les OPEX ont été en permanente évolution au cours de la période considérée. Au sein d’un même théâtre ou entre eux, les restrictions de moyens rendent nécessaire une ré-articulation constante du dispositif. Cette logique de bascule des efforts impose des arbitrages en fonction des nécessités opérationnelles, comme par exemple l’affectation à l’opération Chammal des avions Rafale déployés dans l’opération Barkhane pour les remplacer par des Mirage 2000.

2 -La constitution et la configuration des forces projetées

Même si le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) travaille sur des schémas prévisionnels, le déclenchement des OPEX est peu prévisible. Ces opérations extérieures sont déployées souvent dans l’urgence (opération Serval, opération Sangaris) et

52 L’actualisation de la LPM 2014-2019 permettra de porter les effectifs de la force terrestre de 66 000 hommes à 77 000 hommes.

leur dispositif doit ensuite s’adapter aux variations de la situation. La procédure de constitution et d’adaptation des capacités nécessaires aux OPEX est devenue complexe.

Le choix a été fait, au cours de la période 2012 à 2015, de privilégier les OPEX, au prix toutefois d’arbitrages difficiles, car il a fallu mener simultanément d’autres générations de forces : au profit des unités pré-positionnées et de celles dans les DOM et les COM ou pour armer les composants des forces en alerte dans le cadre de l’OTAN (NATO Reaction Force) et de l’UE (GTUE). Les engagements pris à l’égard de ces deux organisations sont précis et contraignants aussi bien en termes d’effectifs projetables à rendre disponibles que de délais de mise en alerte. Il a fallu enfin assurer au niveau national la tenue, prévue dans le contrat opérationnel, de l’échelon national d’urgence (ENU).

Dans le cadre des moyens budgétaires des armées, et compte tenu de la priorité qui s’attache aux OPEX, ces exercices de mobilisation capacitaire ne se font pas sans une part assumée et momentanée de suremploi des moyens.

Sous le pilotage du CEMA, sous-chefferie « opérations », la planification des moyens et l’élaboration de diverses options opérationnelles se révèlent essentielles pour guider les choix capacitaires, assurer la cohérence des divers engagements et donner un cadre réaliste au déploiement d’une OPEX. Sont donc examinés les moyens disponibles, les niveaux d’engagement souhaités et les possibilités d’agir dans un cadre national ou multilatéral. À partir de l’option retenue, souvent arrêtée en Conseil de défense, et fréquemment exprimée en termes d’effectifs autorisés, le CPCO définit le cadre précis du déploiement de l’OPEX. Il procède à la génération de forces qui permet d’identifier les moyens d’action et de soutien nécessaires pour parvenir à l’effet à obtenir, « l’effet final recherché ». Ce dernier est le guide logique de la génération de forces et un critère pour le choix des moyens à mobiliser. La génération de forces est également dépendante de la ressource disponible et des coûts, qui constituent un critère discriminant.

3 -La gestion de l’effectif d’une opération, un exercice contraint

Le CPCO constitue et met à jour pour chaque théâtre un tableau unique des effectifs et des matériels (TUEM), dans le cadre d’un processus interactif avec chacune des armées. Le TUEM décrit le dispositif en opération. Ce tableau d’effectifs établit la composition, poste par poste, de la force à projeter. Il regroupe les quatre grandes composantes d’une force : le commandement, la mêlée, l’appui et le soutien. Les armées, directions et services doivent pourvoir les postes qui leur ont été attribués, avec le personnel qualifié et préparé.

On constate que l’effectif estimé nécessaire par le CPCO pour permettre, à l’issue d’une durée fixée, d’obtenir l’effet final recherché est généralement supérieur à l’effectif autorisé (donnée contraignante fixée par le pouvoir exécutif pour une opération spécifique, comme dans le cas de l’opération Sangaris) ou à l’effectif de référence de l’opération, tenant compte de la totalité des autres engagements des armées (comme pour l’opération Barkhane).

Dans le cas d’une opération déployée sur de nombreux sites, comme Barkhane, cette contrainte se trouve amplifiée par des effets de seuil correspondant aux projections minimales indispensables à chaque implantation.

Dans les arbitrages qui doivent donc être rendus, l’effet militaire est naturellement privilégié, ce qui conduit à préserver les composantes de mêlée et d’appui, au détriment du soutien. La projection en bloc d’unités opérationnelles constituées va dans le même sens. En l’absence de ratios normatifs (effectif de soutien par rapport à l’effectif de combat), le juste équilibre entre la diminution de l’empreinte au sol des forces, pour les rendre plus réactives et diminuer les coûts comme les risques, et un dimensionnement permettant une bonne qualité de soutien aux forces, n’a pas toujours été trouvé.

Ainsi, pour l’opération Sangaris, décidée en 2013 pour une durée de 6 mois et un effectif de 1 600 hommes, la pénurie de mécaniciens de maintenance, de personnels assurant le soutien vie, le contrôle des munitions ou encore l’alimentation a rapidement été ressentie.

Pour Barkhane, les équipes de maintenance des matériels terrestres demeurent largement sous-dimensionnées et les effectifs de soutien de l’homme restent déficitaires.

L’exercice de constitution de l’effectif se répète au cours de chaque opération, ce qui constitue un second niveau de contrainte. La composition de la force doit en effet tenir compte de l’évolution de la situation sur le théâtre et s’adapter au dimensionnement global de l’opération, également évolutif. Pour l’opération Sangaris, sept tableaux d’effectifs, issus d’ajustements ou de révisions complètes, ont ainsi été produits en un an et demi. Pour Serval, le tableau d’effectifs, davantage contraint après quelques mois, a conduit à supprimer certains postes de maintenance des matériels terrestres et à privilégier la maintenance curative au détriment de la maintenance préventive, aggravant la dégradation des matériels.

Il faut enfin gérer les rotations nombreuses des personnels, dues aux différentes durées d’engagement, allant de deux à six mois. Ceci complique notamment la manœuvre de transport, en nécessitant de recourir parfois à la voie civile, et peut constituer ainsi un facteur de renchérissement des coûts.

Pour pallier les insuffisances de personnel, le commandement de la force peut faire appel à des renforts ponctuels, n’excédant pas quatre mois, hors tableau d’effectifs. Le volume de ces renforts, qui tendent à devenir un recours permanent, s’avère important. En 2015, afin de compléter les effectifs, pour des missions principalement liées au génie et à la logistique, Barkhane comptait ainsi en moyenne 700 personnels en renfort. Plus récemment, le CPCO a retracé à titre illustratif les nombreuses demandes de renforts émanant de ce même théâtre de janvier à mi-avril 2016 (près de 300 demandes, pour des durées allant de 5 à 150 jours et s’élevant en moyenne à 47 jours), acceptées à 90 %.

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