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A - Les surcoûts de dépenses de personnel (titre 2), reflet de la politique indemnitaire en OPEX

IV - L’analyse détaillée des surcoûts des opérations extérieures

individualisée en tant que telle au sein d’un compte. Les montants en jeu sont sans doute faibles, les indemnités de résidence à l’étranger excédant généralement l’ISSE et l’indemnité compensatoire représentant seulement un différentiel de solde, mais ils ne sont pas identifiés, faussant ainsi notamment l’analyse des montants unitaires d’indemnités.

Les surcoûts de titre 2 comportent également, pour des montants marginaux, les salaires et charges des personnels civils recrutés localement (PCRL), lorsque les besoins opérationnels le nécessitent et que le recours à des sociétés de travail temporaire, beaucoup plus souple, n’est pas envisageable (exemple : interprètes). Ces dépenses, en forte baisse en 2012-2015, sont maîtrisées grâce à l’accord préalable du CPCO/J8 avant embauche, à l’établissement d’effectifs plafonds (opération Daman) et au suivi effectué d’une part par la direction du commissariat sur le théâtre lorsqu’elle existe et d’autre part, au niveau central, par le CIAO. Cependant, l’évolution de ces dépenses ne renseigne pas sur le niveau de recours à des personnels civils locaux, puisque les dépenses relatives au personnel intérimaire éventuellement mis à disposition par des sociétés (entre 80 et 90 agents pour Serval, par exemple) ne sont pas comptabilisées dans les surcoûts de titre 2 mais dans ceux de titre 3.

2 -Le suivi des surcoûts de titre 2 est imparfait

Les surcoûts de titre 2 présentés ci-dessus résultent d’une estimation, calculée à partir d’un coût standard (coût annuel moyen de l’ISSE par personnel qui en bénéficie) et de l’effectif réel projeté en OPEX par les armées, directions et services. Au fil du processus d’attribution et de versement de l’ISSE en OPEX, mis en œuvre à travers des systèmes d’information successifs (SIRH d’armée et de direction interarmées, Louvois, Chorus), les informations relatives à l’opération concernée, à la date d’arrivée en OPEX (fait générateur du versement), à la date de départ, à l’armée de rattachement, présentes dans les SIRH, ne sont en effet plus traçables. Le calculateur de solde Louvois ne distingue que des centres de coût géographiques, correspondant au lieu d’affectation du personnel en métropole, tandis qu’en bout de chaîne, CHORUS ne retrace que des dépenses par compte. Il s’opère ainsi au sein de la chaîne de solde une déconnexion entre les données physiques et les faits générateurs de la paie d’une part et les données financières d’autre part. L’armée de l’air, qui n’utilise pas Louvois, constitue une exception : ses données sont plus fiables.

Du fait de cette déconnexion physico-financière, la consommation du titre 2 sur le BOP OPEX a connu au cours de la période 2012-2015 des évolutions que l’EMA n’a pas toujours été en mesure de mettre en relation avec celles des effectifs présents sur les théâtres. Si les écarts constatés sont en partie expliqués a posteriori27, la prévision reste un exercice difficile.

Certaines évolutions erratiques ont été liées au calculateur Louvois, dont les dysfonctionnements, soulignés par la Cour à plusieurs reprises28, ont fortement perturbé la

27 Par exemple : retards de paiement et rattrapages de paie imprévisibles ; dates plus ou moins précoces de clôture de la solde ; niveau des relèves sur le terrain, pour lesquelles le tuilage entre partants et arrivants créent des sureffectifs ponctuels.

28 Cour des comptes, Référé, le système de paye Louvois. 27 décembre 2013, 6 p., et Rapport public annuel 2016, Tome II. Le versement de la solde des militaires : en dépit des efforts engagés, des dysfonctionnements persistants, p. 589-604, La documentation française, janvier 2016, disponibles sur www.ccomptes.fr.

gestion du titre 2. Dès 2011, des erreurs d’imputation massive ont été déplorées. À compter de septembre 2013, les rappels de solde de 23 000 militaires (18 000 de l’armée de terre et 5 000 de la marine) ont été bloqués dans le système Louvois. Ils ont été repris progressivement depuis la solde de juillet 2014. S’agissant en particulier des OPEX, ce sont les reprises des fractions de solde, versées mensuellement aux militaires sur les théâtres afin de leur permettre l’achat de petits effets en l’absence de réseau bancaire sur place, qui étaient concernées (en 2013, 81 000 fractions avaient été accordées, représentant 38 M€). La récupération des indus est toujours en cours.

3 - Le processus d’attribution et d’imputation budgétaire de l’ISSE n’est pas formalisé, mais en partie contrôlé

Ni les conditions d’ouverture et de fermeture du droit à l’ISSE ni les conditions d’imputation budgétaire de l’ISSE ne sont formalisées. Le référentiel dit MEDROFIM29 tenu par la DRH-MD, sans avoir de force réglementaire, constitue l’unique formalisation des conditions de versement de l’ISSE, au-delà du décret instituant cette indemnité. Ce référentiel n’est guère plus précis que le décret et comporte de plus de légers écarts par rapport à la réalité de l’application de l’ISSE au titre des opérations extérieures et du calcul des surcoûts OPEX, qui concernent les pièces justificatives (les particularités de la marine expliquées infra ne sont pas mentionnées) et la prise en compte des avances dans les surcoûts.

Les trois armées appliquent, en pratique, la même procédure pour les déploiements à terre, le cas du personnel embarqué sur les bâtiments de la marine étant différent.

Modalités d’attribution et d’imputation budgétaire de l’ISSE

Le fait générateur du versement de l’indemnité est un message dit « de débarquement » de la cellule « effectifs » du théâtre qui accueille un nouveau personnel, adressé à l’organisme gestionnaire de ce personnel (groupement de soutien de la base de défense de rattachement du soldat). Ce message est la pièce justificative pour la saisie dans les systèmes d’information ressources humaines (SIRH) des armées et des services.

Le droit à l’imputation sur le BOP OPEX est ouvert par la directive administrative et logistique émise par l’EMA pour chaque opération. Le CPCO demande à la DRH du ministère de la défense, qui est chargé du référentiel interarmées applicable aux SIRH, l’ouverture, la modification, la clôture des codes d’imputation propres à chaque OPEX, précisant le périmètre géographique et les dates d’activation de ces codes. Ces données du référentiel sont déclinées par chaque armée dans leur SIRH respectif, permettant ainsi la saisie des informations relatives à chaque soldat en opération (dont le droit à l’ISSE).

29 Instruction n° 101000/DEF/SGA/DRH-MD relative aux droits financiers du personnel militaire et de ses ayants cause, régulièrement mise à jour (édition du 13 janvier 2015), publiée au bulletin officiel des armées.

Le bénéfice de l’ISSE est suspendu à la fin du mois précédant la date normale de fin de projection, afin d’éviter les versements en excès, à régulariser ensuite. Lors du départ du théâtre, le trésorier dont dépend le militaire en OPEX émet une attestation individuelle dite « de fin de séjour » qui précise le jour d’arrivée, de départ et la valeur des fractions de solde perçues pendant son déploiement en opération. Cette attestation doit être remise par le militaire à son gestionnaire RH à son arrivée en métropole, ce qui permet à ce dernier de procéder à la liquidation du montant dû au titre du dernier mois passé en OPEX.

Pour les équipages embarqués, la marine applique une procédure légèrement plus simple : lors de l’arrivée en zone de navigation OPEX, le bâtiment émet un message auprès du groupement de soutien de base de défense de son port de rattachement, qui est la pièce justificative de la saisie de l’ouverture du droit pour l’ensemble de l’équipage présent à bord. Il en est de même lors de la sortie de la zone OPEX, qui entraîne la clôture du bénéfice de l’ISSE.

L’EMA a indiqué que la charte de gestion du BOP support des dépenses de titre 2 liées aux OPEX, qui est en préparation, formaliserait les règles d’imputation budgétaire de l’ISSE.

La juste imputation de l’ISSE fait néanmoins déjà l’objet de contrôles. La qualité des imputations budgétaires constitue en effet un des axes majeurs du dispositif de contrôle interne et budgétaire mis en place. Celui-ci se matérialise notamment par un suivi mensuel des dysfonctionnements de Louvois et des erreurs d'imputation. Pour l’ISSE, les taux d’erreur d’imputation constatés, en moyenne annuelle, en 2012-2015, sont faibles (entre 0,13 % et 1,98 %).

Le déclenchement de l’ouverture des droits, qui fait intervenir de nombreux acteurs, ne fait en revanche pas l’objet de contrôles internes, portant notamment sur les pièces justificatives apportées. La maîtrise des risques en la matière repose essentiellement sur le paramétrage, bloquant, des systèmes d’information, plus en aval du processus.

4 - Les conditions d’attribution de l’ISSE sont davantage adaptées à l’armée de terre qu’aux autres armées

La Cour observe que la simplicité de la condition géographique du décret établissant l’ISSE30 s’accorde mal avec la complexité des situations rencontrées sur le terrain, pour la marine et l’armée de l’air. Cette condition montre que l’ISSE est davantage conçue pour récompenser l’absence de métropole que la participation à des actions de combat et les risques que cela comporte31. En revanche, l’imputation budgétaire sur le BOP OPEX de l’ISSE versée suppose, elle, la participation effective à une OPEX, en étant intégré dans la chaîne de commandement de cette OPEX, reconnue comme telle par le CPCO. La coexistence de ces

30 Elle court à compter du jour inclus d’arrivée dans l’état étranger ou la zone d’opération fixée par le commandement jusqu’au lendemain du jour de départ de l’état étranger ou de la zone d’opération.

31 La rémunération en OPEX des forces britanniques repose par exemple sur un mécanisme différent. À la rémunération de base s’ajoutent des primes calculées à partir d’un taux journalier et associées aux différents types d’affectations du personnel militaire. Elles sont au nombre de six et cumulables, généralement identiques pour tous, sans lien avec le grade, mais peuvent varier avec l’ancienneté. Elles sont destinées à compenser l’éloignement, la participation à des déploiements opérationnels, l’affectation à certains emplois (états-majors de théâtre par exemple) ou encore des conditions de vie particulièrement rudes ou de risques élevés.

deux notions crée des incompréhensions au sein de la marine, ainsi que des disparités de traitement au sein d’une même zone géographique ou pour une même situation opérationnelle.

S’agissant de la marine, les équipages embarqués sont, par définition, toujours éloignés de leur base et participent à diverses missions opérationnelles, qui alternent au cours d’un même embarquement. Les opérations extérieures en font partie. Pourtant, la prise en compte de cet éloignement à travers les primes peut varier : l’ISSE est ainsi exclusive des majorations pour navigation à l’extérieur ou de l’indemnité de sujétion d’absence du port base et offre une rémunération supérieure, tout en étant non imposable. La simple présence dans une zone d’opérations pourrait suffire à justifier le versement de l’ISSE, au terme du décret instituant cette dernière, mais elle n’ouvre cependant pas droit à l’imputation de cette ISSE sur le BOP OPEX32 : le bâtiment doit en effet avoir été reconnu par une décision du CPCO comme participant à l’opération. Ainsi, certaines évacuations de ressortissants (comme celle menée au printemps 2015 au Yémen, en partie sous le feu) ou des missions de soutien d’une opération (par exemple, en matière de renseignement), quand bien même elles se déroulent dans une zone d’opération OPEX et présentent des risques, peuvent ne pas être considérées comme des OPEX, avec les avantages en découlant, conduisant à des incompréhensions. Outre le rattachement effectif à une OPEX des unités présentes dans une zone d’OPEX, l’enjeu pour la marine est de s’assurer que la délimitation de la zone en question correspond bien aux besoins opérationnels des bâtiments (zones maritimes, points d’appui potentiels, escales, etc.).

Pour l’armée de l’air, il arrive que sur un même territoire géographique cohabitent plusieurs régimes de rémunération (exemples : Emirats Arabes Unis, Djibouti). Le fait que les opérations puissent être menées à partir d’un territoire distant de celui de l’OPEX, voire depuis la métropole, ajoute en effet à la complexité. Pour l’opération Harmattan (Libye, 2011) par exemple, les mêmes missions pouvaient être menées depuis la métropole, depuis un territoire étranger hors zone OPEX, depuis un territoire étranger en zone OPEX ou depuis un bâtiment en zone OPEX, ce qui donne lieu à des régimes de rémunération différents pour une même situation opérationnelle.

B - Les surcoûts de fonctionnement (titre 3) : un périmètre et des

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