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2.2 Modèles descriptifs de plasmas astrophysiques

2.2.1 Le modèle cinétique de Vlasov

Un plasma ne peut être décrit que pour des échelles telles que la quasi-neutralité soit respectée. En pratique, cela revient à regarder des échelles spatiales supérieures à la longueur de Debye λDe. À ces échelles-là, tout élément de volume inclut un nombre suffisamment important de particules pour pouvoir assurer continûment la quasi-neutralité du plasma. Ces particules peuvent être décrites par une fonction de distributionf(r,v, t) représentant la densité statistique de particules dans l’espace

des phases (r,v) à un instant t. La théorie cinétique de Vlasov-Maxwell décrit, pour un plasma non collisionnel, l’évolution de cette fonction f, couplée à celle du champ électromagnétique. Du fait du caractère non collisionnel du plasma, elle considère également qu’une particule ne sera jamais soumise au champ produit par une unique autre particule, mais toujours à un champ électromagnétique moyen résultant de toutes les particules. Par conséquent, nous pouvons supposer que ce qui s’applique à une particule sera vrai pour toutes les particules. C’est le principe d’indiscernabilité des particules. Nous pouvons donc considérer que seul le champ électromagnétique moyen aura un effet sur l’évolution de la fonction de distribution.

Pour introduire la théorie de Vlasov, nous nous concentrerons sur un élément de l’espace des phasesdΩ = drdvdont nous regarderons l’évolution. Il existe trois moyens pour les particules de faire varier f dans dΩ. Le premier moyen est de se déplacer, c’est-à-dire entrer ou sortir de l’espace des positions dr. Cet effet génère un flux de la forme r ·(fv) à travers l’hypersurface dΩ. Le second moyen est d’accélérer ou ralentir, de manière à entrer ou sortir de l’espace des vitessesdvde dΩ. Le flux engendré par cet effet est de la formev·(fa), oùa est l’accélération Le troisième moyen est, pour une particule, d’apparaître ou disparaître de dΩ.

Physiquement, cela peut signifier deux choses. Premièrement, un effet peut avoir fait varier la vitesse/position de la particule plus rapidement que les échelles de variations temporelles considérées. De tels effets sont liés aux collisions1. Sinon, l’ionisation de particules neutre (respectivement la neutralisation d’une particule chargée) peut faire apparaître (respectivement disparaître) des particules de la population décrite. Étant dans un milieu non collisionnel et totalement ionisé, nous ne considérerons pas ce troisième terme. Il existe d’autres phénomènes pou-vant produire les mêmes effets (ex : réactions nucléaires), mais ces derniers sont complètement négligeables dans des milieux astrophysiques diffus, tels que le vent solaire ou la magnétosphère. La variation du nombre de particule dans dΩ se ré-sume donc simplement au flux net à travers la surface de dΩ. Cela se traduit par l’équation de conservation de la densité dans l’espace des phases :

∂f

∂t +r·(fv) +v·(fa) = 0 (2.1)

1. Une collision binaire correspond à une interaction de très courte portée entre deux particules animées d’un mouvement rectiligne uniforme et conduisant au changement de direction de ce mouvement rectiligne uniforme. Ce changement se fait à des échelles telles que cela revient à voir la particule sauter instantanément d’un point de l’espace des vitesses à un autre. Notez qu’une collision entre particules chargées résulte des forces de Coulomb,1/r2, tandis qu’une collision avec une particule neutre se fera à des échelles plus petites car découlant des forces de Van der Waals, 1/r7, où r la distance entre les particules. Nous parlons également de collision dans un plasma pour désigner l’ensemble des collisions binaires subi par une particule traversant un volume donné de plasma (Sec.1.1.2).

Nous avons vu que dans ce modèle que seul le champ électromagnétique moyen affecte les particules. Par conséquent, l’accélération ne dépend que de lui et peut s’écrire suivant l’équation générale de la dynamique : ma =q(E+v×B), où m et q sont respectivement la masse et la charge de l’espèce considérée. a dépend de la vitesse. Mais la vitesse selon une direction i donnée est indépendante de la vitesse selon les autres directionsj etk. Grâce au produit vectoriel, nous dérivons selon vi un terme ai dépendant seulement de vj et vk. Nous pouvons donc écrire

v·(fa) = a·vf. Du reste, la vitesse v ne dépend pas de la position r, donc nous pouvons déduire de l’Eq.2.1 l’équation de Vlasov :

∂f

∂t +v·rf + q

m(E+v×B)·vf = 0 (2.2) Cette équation décrit l’évolution eulérienne de la densité de particules dans l’espace des phases. L’Eq.2.1 peut aussi se réécrire ainsi :

∂f

Cette équation revient à suivre l’ensemble des particules situées à un (r0,v0) donné de l’espace des phases. Elle signifie que la fonction de distribution est une constante du mouvement d’une particule. Autrement dit, toute fonction des invariants du mouvement sera une solution de l’équation de Vlasov. Cette propriété trouvera une application au chapitre 3.

La théorie de Vlasov permet de décrire le système de manière cinétique, mais elle ne se suffit pas pour décrire un plasma. Pour cela, il faut également une des-cription des champs électromagnétiques, qui repose sur les équations de Maxwell :

·E = ρ

ρ, la densité de charge, et J, la densité de courant. Le modèle permettant de décrire les échelles cinétiques s’appelle donc le système de Vlasov-Maxwell. Mais d’après les équations de Maxwell, les champsEetB ont comme sources la densité de charge ρ et de courant électrique J, c’est-à-dire des grandeurs macroscopiques du plasma. Il faut donc savoir passer de la description microscopique du plasma à celle macroscopique.

Passer du microscopique au macroscopique

Une description fluide du plasma repose sur l’évolution de ses grandeurs ma-croscopiques. Pour passer d’une description cinétique à une description fluide, il faut donc faire le lien entre grandeurs microscopiques et macroscopiques. Dans le cas deρ, cela revient simplement à faire une somme sur la charge q des particules de chaque espèce s :

ρ(r, t) = X

s

Z

qsfs(r,v, t)dv (2.8) La densité de courantJ se traduit quant à elle par une somme sur le déplacement de chargeqvde chaque particule, c’est-à-dire :

J(r, t) = X

s

Z

qsvfs(r,v, t)dv (2.9) Nous remarquerons que ces équations représentent simplement, à la charge près, les premiers moments de l’équation de la fonction de distribution. Ainsi, pour une espèce s quelconque, la densité ns sera donnée par le moment d’ordre zéro de la fonction de distribution (Eq.2.10), la vitesse moyenne us à partir du moment d’ordre un et dens (Eq.2.11) et le tenseur de pression

− oùms la masse d’une particule de l’espèces. Grâce à ces équations, nous pouvons faire le lien entre les fonctions de distributions (description microscopique) et les grandeurs macroscopiques. De même, les équations fluides se dérivent de l’équation de Vlasov. En intégrant l’Eq.2.2 sur le volume des vitesses dv de l’espace des phases, c’est-à-dire en prenant le moment d’ordre zéro, nous obtenons l’équation fluide de continuité :

∂ns

∂t +r·(nsus) = 0 (2.13)

De même, si nous intègrons l’Eq.2.2 multipliée par msvsur le volume des vitesses dv de l’espace des phase, c’est-à-dire en prenant le moment d’ordre un, nous ob-tenons cette fois l’équation fluide de l’impulsion :

msns∂us

∂t +msnsus·rus =−∇·

→−

Ps+qsns(E+us×B) (2.14)

Nous noterons que les équations 2.13 et 2.14 comptent au total trois variables fluides (ns, us et

→−

Ps) pour seulement deux équations, ce qui en fait un système d’équation ouvert. Pour résoudre les équations fluides, il faut donc choisir une relation de fermeture. Le passage des valeurs cinétiques aux valeurs fluides se fait sans plus d’hypothèses. Au contraire, pour passer d’un modèle fluide à une description cinétique, il faut faire des hypothèses supplémentaires sur la fonction de distribution, ce qui est délicat. C’est pourquoi le passage d’une description cinétique vers fluide est bien plus aisé que l’inverse, comme nous le verrons dans le chapitre 3.

Pour un même système, les grandeurs macroscopiques obtenues avec un mo-dèle cinétique différent généralement de celles d’un momo-dèle fluide. En effet, pour peu que localement les hypothèses de ce dernier ne soient plus vérifiées, les deux modèles peuvent donner des résultats différents. C’est pourquoi il convient de bien faire attention au domaine de validité d’un modèle fluide. Réciproquement, un modèle cinétique est très contraint dans son application. Par exemple, dans la pratique, le principe d’indiscernabilité impose d’avoir partout et pour tout temps un échantillon de particules suffisamment important. Si le nombre de particules devient trop faible pour un emplacement et un moment donné, cela remettra en cause les hypothèses de base du modèle et faussera les résultats.