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5.2 Signatures des ions froids

5.2.4 Chauffage parallèle des ions froids aux séparatrices

Nous avons remarqué dans la Sec.5.2.3 que les fonctions de distributions des ions froids sont anisotropes le long des séparatrices. Comme nous pouvons le voir sur la Fig.5.7, les ions froids sont chauffés parallèlement (en rouge) à cet endroit.

Figure 5.7 – Rapport des températures parallèle sur perpendiculaire. Les lignes noires représentent les lignes de champ magnétique. Un seuil a été appliqué afin de ne montrer ce rapport que lorsque la densité des ions froids est supérieure à 0,02 n0.

Nous notons également qu’au niveau de la région de diffusion, leur température montre au contraire une anisotropie telle que la température perpendiculaire est plus grande. Pour le reste, les températures sont globalement isotropes dans la magnétosphère, malgré une tendance légèrement "parallèle" qui s’inverse pour de-venir "perpendiculaire" pourx <130 etx >190. L’explication de cette anisotropie découle probablement de la conservation du moment magnétique des particules.

Le moment magnétique moyen d’une population peut s’écrire < µ >= kBT/B (Baumjohann & Treumann 1997). Quand le plasma froid se rapproche de la région de diffusion, le champ magnétique B diminue. Pour conserver ce moment, T di-minue donc également, tandis queT|| reste inchangé. À l’inverse, loin de la région de reconnexion, l’empilement des lignes de champ magnétosphérique au niveau de la séparatrice provoque une augmentation deB, et donc deT. Dans le jet, les ions froids ont une température perpendiculaire plus grande, à l’exception du coeur du jet, où se situe le plasma originel de la couche, c’est-à-dire celui qui n’a pas connu la reconnexion. À cet endroit, la température devient parallèle, mais étant donné la très faible densité des ions froids (nic < 0,04), la pertinence de ces mesures est discutable car la statistique d’ions froids y devient trop faible (moins de 7 macroparticules par cellule de la simulation). Les séparatrices magnétosphériques constituent donc le seul endroit où les ions froids ont à la fois une température anisotrope et une densité significative. Sachant depuis la Sec.5.2.1 que la plupart des ions froids pénétrant la magnétosphère le font précisément à travers ces sé-paratrices, nous cherchons maintenant à comprendre le lien entre l’anisotropie de

température et le chauffage des ions froids lors de la pénétration dans le jet.

Une anisotropie de la fonction de distribution, comme sur la Fig.5.6d peut si-gnifier une anisotropie de température, mais peut également provenir d’un autre effet : l’aliasing. Une distribution de vitesse doit se construire en théorie pour des particules situées spatialement dans un espace de taille infinitésimale. En pratique, pour avoir suffisamment de particules, nous sélectionnons ces dernières dans une zone, qui doit être suffisamment petite pour considérer que leur fonction de distri-bution n’est pas modifiée à travers elle. L’aliasing est un effet qui apparaît quand l’étendue spatiale de la zone de sélection des particules est trop grande, de telle sorte que nous mélangeons des particules provenant de zones où les distributions sont physiquement différentes. Pour prendre un exemple extrême, si nous sélection-nons nos particules à cheval entre la magnétosphère et le jet pour représenter une fonction de distribution, il y aura un effet d’aliasing dû au fait que les particules dans le jet ont une vitesse d’ensemble très supérieure à celles de la magnétosphère.

Cela provoquera un étalement de la fonction de distribution semblable à celui que nous observons sur la Fig.5.6d. Dans notre cas, les zones utilisées pour la sélection des particules sont des carrés de 1δi de côté, ce qui après vérification est suffisam-ment petit pour que l’effet de l’aliasing soit négligeable. En revanche, en raison du champ de Hall aux séparatrices, le champ magnétique varie de manière significa-tive au travers de la zone de sélection. Autrement dit le système de coordonnées selon (v//, v⊥,1, v⊥,2), que nous pouvons définir à chaque emplacement de particule, change sensiblement en fonction de la position dans la zone. Ainsi, deux particules avec strictement les mêmes vitesses dans le repère (vx, vy, vz) mais situées aux deux extrémités de la zone pourraient avoir des orientations différentes dans le repère (v//, v⊥,1, v⊥,2), en fonction du champ magnétique local. Cet effet peut être contourné en considérant un champ magnétique moyen identique que nous appli-quons à toutes les particules sélectionnées, mais ce choix repose sur l’hypothèse de faible variation spatiale du champ magnétique. C’est pourquoi, pour la suite de ce travail, les fonctions de distributions resteront dans un repère (vx, vy, vz).

Pour se faire une idée de la distribution selon le repère (v//, v⊥,1, v⊥,2), il suffit de considérer que vx se rapproche de v//.

À partir de la Fig.5.8, nous cherchons à comprendre l’origine du chauffage parallèle des ions froids. Dans cette figure, nous avons utilisé des particules "tests"

pour comprendre l’anisotropie de la fonction de distribution 5.6d. Pour cela, nous avons sélectionné 4 particules de la simulation, situées à diverses positions dans la fonction de distribution de la Fig.5.8b. Ces particules ont servi à initialiser des particules "tests" dont nous avons pu suivre la trajectoire et l’évolution de l’énergie cinétique (Fig.5.8a et c respectivement). La Fig.5.8a montre également le champ électrique selon x, dans un zoom sur la région d’intérêt de la boite de simulation.

Nous remarquons que la séparatrice, et plus précisément la région du champ de

Figure 5.8 – (a) - Champ électrique selon x représenté pour un zoom dans la région de la boite avec les carrés bleus dans la Fig.5.2. Sur cette image sont repré-sentées les trajectoires de quatre particules tests initialisées avec des particules de la simulation choisies spatialement dans le rond mauve àt = 120.(b)- Fonction de distribution des ions froids issues de la Fig.5.6. Chaque carré représente la position de l’espace des vitesse dans laquelle ont été choisies les particules. La couleur de chaque carré est associée à la trajectoire correspondante dans les panneaux (a) et (c). (c) - Énergie cinétique de chaque particule test en fonction du temps. Les énergies cinétiques de toutes les particules sont fixées à 0 à t= 120.

Hall, correspond à une couche ayant un Ex négatif. Nous pouvons comprendre grâce à ce champ pourquoi la fonction de distribution s’étire selonvx de telle sorte à créer une anisotropie. Sur la Fig.5.8, nous nous apercevons que les particules situées auxvx les plus importants correspondent aux particules ayant passé le plus

de temps dans la région de champ Ex important, les amenant à se faire accélérer (particule rouge). En effet, en raison de leur faible vitesse perpendiculaire, elles mettent plus de temps à traverser la couche. Ceci leur donne davantage de temps pour être accélérées par le champ Ex et accumuler de l’énergie cinétique, comme nous pouvons le voir sur la Fig.5.8c. Au contraire, les particules avec une vitesse principalement perpendiculaire au champ magnétique (particules jaune et verte) mettent moins de temps pour parvenir à un emplacement donné dans la couche et sont donc moins accélérées que la particule rouge de la même distribution.

Enfin, les particules ayant une vitesse opposée au champ électrique, comme la particule bleue ciel, font demi-tour en entrant dans le champ et constituent ainsi les particules de faiblevx de la distribution. Nous pouvons en conclure qu’en fonction de l’orientation par rapport à Ex de la vitesse d’une particule entrant dans la couche, son accélération sera plus ou moins longue, ce qui explique le chauffage anisotrope des ions froids. Il est important de noter que cette explication n’est valable que pour la direction parallèle au champ magnétique, qui dans cette étude est assez proche de la directionx. Si nous nous plaçons dans le repère orthonormal (//,⊥1,2), où//est la direction parallèle au champ magnétique et⊥1la direction normal au champ située dans le repère (B,U) (U la vitesse moyenne de tous les ions), nous pouvons écrire les vitesses ainsi :

v//(t) = q

mE//t+v//,0 (5.15)

v1(t) = Acos(ωc+ Φ) +v1,0 (5.16) v2(t) = Asin(ωc+ Φ) +v2,0 (5.17) oùAet Φ sont des constantes dépendantes deB,Eetv0. La vitesse d’une particule dépend par conséquent du temps qu’elle a passé dans le champ E//, ainsi que de l’intensité de ce dernier. Plus le champ électrique est important, plus le chauffage sera rapide.

La Fig.5.9 appuie l’argumentaire présenté précédemment. Sur cette figure, pan-neau (a), nous pouvons voir la température le long de la ligne d’écoulement re-présentée sur la Fig.5.2a. Au cours de l’écoulement, nous remarquons qu’avant l’arrivée à la séparatrice (à x∼140), les trois composantes de la température sont semblables : la distribution est isotrope. Une fois à l’entrée de la couche de champ de Hall, les ions froids chauffent tout d’abord parallèlement, puis perpendiculaire-ment et tendent ainsi à s’isotropiser. Sur le panneau (b) est représenté le champ électrique dans les directions x,yet parallèle au champ magnétique. Le champ Ey permet de localiser la présence du champ de Hall le long de la ligne d’écoulement.

Nous pouvons remarquer que les champs Ex et E// sont bien plus faibles et assez proches l’un de l’autre. Nous remarquons aussi que les variations deE// semblent liées à celles deT// : quandE// est positif, le chauffage parallèle est plus rapide, et inversement, quand E// est négatif, le chauffage parallèle devient moins efficace.

Figure 5.9 – Composantes de la température et du champ électrique le long de la ligne d’écoulement représentée sur la Fig.5.2 en fonction de la position selon x.

(a) - Composantes diagonales du tenseur de température, présentées dans le repère (//,⊥1,2). (b) - Composante x, y et// du champ électrique.

Cette relation n’est pas stricte car les particules situées à un endroit donné n’ont pas suivi strictement la ligne d’écoulement. Ce sont leurs trajectoires individuelles qui engendrent l’anisotropie. Toutefois, le résultat est cohérent avec l’explication précédente.

La présence d’un champ électrique parallèle, orienté dans le sens du jet de surcroit, peut s’expliquer par le découplage des ions et des électrons le long des séparatrices. Du fait de leur plus faible inertie, les électrons se propagent plus rapidement que les ions le long d’une ligne de champ. Cette séparation de charge le long d’une ligne de champ magnétique entraine l’apparition d’un champ électrique parallèle au champ magnétique, appelé champ ambipolaire (Scudder et al. 2002).

De plus, comme les électrons sont plus rapides que les ions, ce champ électrique est orienté selon le même sens que le jet.