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6.3 Effet des ions froids sur le champ de Hall

6.3.1 Introduction à la problématique

Comme nous l’avons vu dans le chapitre 1, le champ électrique de Hall découle du découplage successif des ions et des électrons vis-à-vis du champ magnétique.

Ce découplage produit un courant perpendiculaire au champ magnétique qui fait apparaître un champ électrique. Cependant, une caractéristique des ions froids est de rester gelés dans le champ magnétique à plus petite échelle que les autres ions.

Autrement dit, le découplage entre ions et électrons se produit en deux temps : un premier temps où seuls les ions "chauds" se découplent du champ magnétique, puis un second temps où les ions froids se découplent à leur tour. Un effet des ions froids est donc attendu sur le champ de Hall.

L’effet des ions froids sur le champ de Hall a déjà été étudié avec des observa-tions par Toledo-Redondo et al. (2015) (avec CLUSTER), puis par André et al.

(2016) (avec MMS). Ces études ont conclu que les ions froids avaient pour effet de réduire le terme Hall j×B/endans la loi d’Ohm. Cependant, le champ électrique n’est pas réduit, car le terme Hall est compensé par un terme de dérive électrique idéale des ions froids. En effet, en présence d’ions froids, il est possible de scinder le terme idéal de la loi d’Ohm ainsi (en négligeant le terme d’inertie des électrons) :

E = −vi×B+ 1

enj×B− 1 en·

→−

Pe (6.14)

= −nic

n vic×Bnih

n vih×B+ 1

enj×B− 1 en·

→−

Pe (6.15)

ic représente les ions froids et ih les autres ions ("chauds"). De plus, comme nous l’avons déjà montré dans les annexes du chapitre 4 (Eq.4.24), nous pouvons développer le terme Hall ainsi :

1

enj×B= (viveB= nih

n (vihveB (6.16) Sachant que n=nic+nih, cela signifie bien que l’augmentation du nombre d’ions froids réduit d’autant le terme de Hall. Cependant, cette perte est compensée dans les observations par l’apparition du terme −nic/n vic×B.

Figure 6.5 – Estimations des termes de la loi d’Ohm lors d’une traversée du champ de Hall par Toledo-Redondo et al. (2015) (graphea) et André et al. (2016) (graphe b). (a) - Données du 8 Avril 2008 par Cluster II (satellites C3 et C4).

Les zones de champ de Hall sont indiquées en jaune. La légende associant chaque courbe de couleur à un terme de la loi d’Ohm est donnée dans le graphe. Les données de champ électriques sont estimées comme peu fiables dans la région marquée en gris. (b) - Données du 11 Décembre 2015 par MMS (moyenne sur les quatre satellites). La légende associant chaque courbe de couleur à un terme de la loi d’Ohm est donnée dans le graphe.Ec, Em et Eh sont les termes −ns/nvs×B associés respectivement aux ions froids (∼50 eV dans ce cas), aux ions tièdes (de la magnétogaine,∼0,8−1 keV) et aux ions chauds (7−25 keV). EeP représente le terme de divergence de la pression dans la loi d’Ohm. La courbe pointillée rouge montre la somme de ces différents termes.

Nous pouvons voir sur les Fig.6.5aetbles différents termes de la loi d’Ohm dans le cadre de deux événements avec ions froids observés par Toledo-Redondo et al.

(2015) et André et al. (2016), respectivement. Dans la Fig.6.5a, tout d’abord, nous observons deux traversées du champ de Hall, marquées en jaune. Dans ces deux

zones, nous observons un pic de champ électrique (courbe noire). Chronologique-ment, le satellite vient de la magnétosphère, puis entre dans le jet en franchissant le champ de Hall (t ∼ 12 :25 :30), avant de retourner dans la magnétosphère (t ∼ 12 :26 :40). La séparation entre les deux populations d’ions est fixée par un seuil d’énergie de 1 keV. Les ions froids sont les ions définis comme ayant entre 5 eV et 1 keV, tandis que les ions chauds ont entre 1 keV et 32 keV. Nous remar-quons qu’en dehors du champ de Hall, les courbes associées au terme idéal des ions froids et chauds sont semblables : étant gelés, les vitesses perpendiculaires des deux espèces sont identiques, et de surcroit, leur différence en densité n’est pas significative. Le terme de Hall (courbe mauve) a une valeur faible partout, sauf au niveau des pics de champ électrique. Notez que le calcul du courant par Cluster ne peut pas se faire de manière fiable avec les distributions de particules. Dans ce cas, son estimation se fait avec une méthode à deux multi-satellites basée sur la loi d’Ampère stationnaire (Eq.2.18). Le gradient de champ magnétique est calculé en utilisant successivement les données de champ magnétique des satellites C3 et C4, suffisamment proches, et à l’aide d’une hypothèse sur la magnétopause, supposée plane à l’échelle de la séparation entre les satellites. Dans les régions de champ de Hall, deux termes se distinguent pour soutenir le champ électrique : le terme idéal des ions froids et le terme Hall. En l’absence d’ions froids, le terme Hall est le terme soutenant la quasi-totalité du champ électrique de Hall. En présence d’ions froids, nous observons comme dans la Fig.6.5aque le terme idéal qui leur est asso-cié participe grandement au champ électrique. Dans le cas de la seconde traversée, c’est même lui qui supporte l’essentiel de ce champ. Ces observations confirment donc bien que la présence d’ions froids affaiblit le terme Hall (ce dernier disparaît quasiment lors de la seconde traversée), mais également que le terme idéal associé aux ions froids compense au moins partiellement cette perte.

La Fig.6.5b, issue de André et al. (2016), confirme ce résultat. Cette courbe est la moyenne des résultats obtenus indépendamment pour chaque satellite. Contrai-rement à Cluster, la précision de l’instrument FPI de MMS permet de calculer le courant indépendamment pour chaque satellite, ce qui rend une approche multi-satellites inutile pour ce travail et renforce la fiabilité des résultats en comparaison avec Toledo-Redondo et al. (2015). Cette courbe se concentre sur une seule tra-versée du champ de Hall, allant chronologiquement du jet vers la magnétosphère.

Dans ce travail, André et al. (2016) distinguent les ions chauds magnétosphériques des ions "tièdes" issus de la magnétogaine. La densité des ions magnétosphériques (chauds et froids) est à peu près constante à travers cette couche, tandis que la densité des ions issus de la magnétogaine diminue à mesure que nous traversons la couche. Cela a pour effet de faire baisser la densité totale, avec pour corollaire d’augmenter les termes de champ idéal Ec et Eh, associés aux ions magnétosphé-riques. Cela a également pour effet d’avoir un terme Hall plus important du côté

du jet, en raison de la proportion plus grande d’ions démagnétisés (Eq.6.16), qui décroit à mesure que nous nous rapprochons de la magnétosphère et finit par se faire dépasser par la participation croissante des ions froids au champ électrique.

Par cette configuration, nous observons en une seule traversée le fait que la pro-portion d’ions froids réduit effectivement le terme Hall, sans pour autant affecter le champ électrique de Hall, dont le maximum se situe d’ailleurs proche du temps auquel les termes Hall et Ec sont égaux. La somme de tous les termes de la loi d’Ohm est représentée en pointillée rouge et colle particulièrement bien au champ électrique, ce qui montre l’excellente précision des mesures. Les résultats de André et al. (2016) viennent donc confirmer ceux de Toledo-Redondo et al. (2015).