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Chapitre 2 Les racines de l'arbre de la gestion des connaissances : partie système, cybernétique

2.1. Les dualités

2.2.3. Le modèle autopoïétique

L'autopoïèse voit le jour en 1969 à l'Université du Chili comme un élargissement de la cybernétique (de deuxième ordre) de Heinz von Foerster, où dans son livre, intitulé Principles of

Self-Organization (publié en 1962), s'introduit le concept d'auto-organisation81. Ce concept sera enrichi par la suite par les concepts d'auto-maintient et d'auto-gestion, donnant naissance ainsi au concept d'autopoïèse. Puis en 1977 à l'Université Catholique de Valparaiso, l'autopoïèse est appliquée à la gestion. Ainsi, nous avons deux approches de l'autopoïèse : l'une est l'approche autopoïétique (ou théorie autopoïétique) de Maturana et Varela, connue sous le nom de l'autopoïèse

de Santiago, l'autre est l'approche autopoïétique de Limone et Bastias, connue sous le nom de

l'autopoïèse de Valparaiso82.

La distinction entre modèle autopoïétique et modèle système se fait en fonction de la dualité observateur/observé. Dans un modèle autopoïétique l'observateur s'intéresse aux relations entre processus de production des composants pour définir l'unité (l'organisation), maintenir l'identité (la

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Bien que la formulation "poétique" du concept d'auto-organisation a été inspirée du livre de Paul Valéry, intitulé De la

simulation (publié en 1927), comme nous avons argumenté plus haut.

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L'approche autopoïétique de Maturana et Varela est née à Santiago du Chili à partir de l'articlé Autopoietic Systems qui a été présenté dans un séminaire de recherche organisé par l'Université de Santiago en 1972, tandis que l'approche autopoïétique de Limone et Bastias a été popularisée à l'École de commerce de l'Université Catholique de Valparaiso, à partir de la thèse de Aquiles Limone (publié en 1977) et le modèle CIBORGA (popularisé de 1998) avec la collaboration de Luis Bastias, Cardemártori et autres [Limone et Cademártori, 98]. D'autre part, le 16 novembre 2001, à l'occasion du congrès Théorie des Systèmes, organisé par l'Université Technique Federico Santa María à Valparaiso, je me suis aperçu pour la première fois de la contribution de Limone et Bastias à cette théorie. Et donc, depuis cette date-là, je partage avec mes amis et collègues de Valparaiso, la passion pour les systèmes autopoïétiques.

structure) et conserver l'autonomie (la dynamique) du système, tandis que dans un modèle système l'observateur s'intéresse aux relations entre composants à travers un processus d'interaction avec l'environnement.

La figure 2.5 montre les concepts d'auto-organisation, d'auto-maintient et d'auto-gestion du modèle autopoïétique. Dans ce modèle l'opération de distinction, est formulé par rapport à une dualité organisation/structure sur la base de l'approche enactiviste de la cognition. Cette opération de distinction permet indiquer que les causes et les effets sont distinguables dans des espaces fort différentes. L'un est le domaine conceptuel (l'organisation) du processus organisationnel (c'est un processus conceptuel de description abstrait de l'organisation). L'autre est le domaine physique (la structure) du processus structurel (c'est un processus physique de description matérielle de la structure, il s'agit bien ici de la description des propriétés des composants de la structure de l'organisation).

Figure 2.5 : Approche enactiviste de la cognition (source propre)

Dans l'approche autopoïétique de Santiago le domaine conceptuel (l'organisation) correspond à un domaine des relations autopoïétiques, et le domaine physique (la structure) correspond à un domaine matériel caractérisé par les propriétés des composants, comme la masse, la force, l'accélération, la distance, le champ, etc.

Dans l'approche autopoïétique de Valparaiso le domaine conceptuel (l'organisation) correspond à un domaine social définis à travers de relations humaines, et le domaine physique (la structure) correspond à un domaine matériel à travers des individus, matière, énergie, et symboles83.

Avant de développer ces approches nous avons trouvé nécessaire ici d'ouvrir une parenthèse, afin d'expliquer les trois approches (plutôt scientifique que philosophique) de la cognition, puisqu'ils nous permettront, d'une part, de clarifier la question de l'intelligence chez l'homme et de l'intelligence

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Les symboles ou signes sont des éléments d'un domaine linguistique, dans ce sens c'est l'observateur qui par une opération de distinction donne de sens aux objets qui les entourent.

l'artificielle chez la machine (où ces approches ont été largement utilisées), et d'autre part, pour comprendre de meilleur forme les outils autopoïétiques afin d'aborder la question de l'autopoïèse et la connaissance (dans le chapitre 3). Cette question est à la base du modèle proposé modèle.

Qu'est-ce que la cognition d'après Maturana et Varela ?

La problématique d'étude de la pensée épistémologique, concerne la relation entre

connaissance et réalité physique84. Cette relation a fait émerger la question épistémologique fondamentale depuis toujours à savoir : comment l'on acquiert une connaissance de la réalité

physique et combien cette connaissance peut être fiable et vraie. La réponse à cette question qui reste

d'ailleurs toujours ouverte a été abordée depuis des siècles par les approches philosophiques et scientifiques de la cognition.

Varela dans son livre, intitulé Invitation aux sciences cognitives (publié en 1989), a donné une classification scientifique de la cognition selon trois catégories, à savoir : les symboles (l'hypothèse cognitiviste : l'approche cognitiviste) ; l'émergence (une alternative à la manipulation de symboles : l'approche connexionniste) ; et l'enaction (une alternative à la représentation : l'approche de l'enaction de la cognition) [Varela, 96].

Nous synthétiserons l'approche cognitiviste et l'approche connexionniste de la cognition, puis nous donnerons la critique de Maturana et Varela sur le manque de nouveaux outils cognitifs pour la recherche biologique, ensuite nous présenterons la contribution de Maturana et Varela aux sciences cognitives : l'approche de l'enaction et l'autopoïèse de Santiago, pour en finir avec l'autopoïèse de Valparaiso.

L'approche cognitiviste

La connaissance dans l'approche cognitiviste est la description ou l'image d'une réalité physique. Comme l'a très bien dit Varela en citant Rorty « la connaissance est un miroir de la nature ». Cela signifie que la connaissance n'est connaissance que si elle reflète la réalité physique telle qu'elle est, alors seulement une réalité physique prédéfinie peut être représentée. A cet égard Glaserfeld dit « la connaissance serait alors le reflet ou l'image d'un monde qui est là, c'est-à-dire existe avant qu'une conscience ne le voie ou en fasse l'expérience d'une quelconque autre façon »85. Glaserfeld veut dire par là que dans un monde objectif, la réalité physique existe indépendamment de

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Glaserfeld utilise le terme "réalité ontologique objective" [Glaserfeld, 95].

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Cette argumentation fait aussi référence à l'expérience que nous verrons dans l'approche de la connaissance par l'épistémologie expérimentale.

l'observateur. Mais si la connaissance est une description ou image d'une réalité physique en soi, nous avons alors besoin d'un critère qui nous permette de juger la véracité de cette représentation. Comme l'a dit Glaserfeld en citant Bateson « dès le début de la connaissance, se pose la question de la vérité. Son introduction fait du processus de la connaissance humaine un problème de savoir » [Glaserfeld, 95]. En d'autres termes, comment pouvons nous savoir si la description ou l'image de quelque chose transmise par nos sens correspond à la réalité physique ? C'est-à-dire cette description ou image est- elle correcte ou vraie ? Ou plus intéressant encore, dans quelle mesure cette description ou image déclanche-t-elle ou fait-elle émerger un comportement intelligent86? Pour illustrer le passé, Glaserfeld donne l'exemple de Sextus Empiricus sur la perception d'une pomme « une pomme apparaît à nos sens comme lisse, parfumée, sucrée et jaune, mais il ne va pas de soi du tout que la pomme possède effectivement ces propriétés, comme il n'est pas évident du tout qu'elle ne possède pas aussi d'autres propriétés que nos sens ne perçoivent simplement pas » [Glaserfeld, 95]. Comment le savoir sans faire l'expérience de goutter la pomme. Cette argumentation montre aussi que la connaissance n'est ni parfaite ni certaine. Enfin, Varela a dit « l'hypothèse cognitiviste prétend que la seule façon de rendre compte de l'intelligence et de l'intentionnalité est de postuler que la cognition consiste à agir sur la base de représentations qui ont une réalité physique sous forme de code symbolique dans un cerveau ou une machine » [Varela, 96].

Ainsi, un systèmes des connaissances selon l'approche cognitiviste correspond à la manipulation de symboles à partir de règles, normes, instructions, etc. Ce système fonctionne par n'importe quel dispositif pouvant représenter et manipuler des symboles (éléments physiques discontinus). Le système n'interagit qu'avec des codes symboliques (attributs physiques des symboles), et non leurs sens (signification). Un système de connaissance fonctionne de manière appropriée quand les symboles représentent de façon adéquate quelque aspect de la réalité, et que le traitement de l'information aboutit à une solution efficace du problème soumis au système.

L'approche connexionniste

La connaissance dans l'approche connexionniste correspond à l'émergence d'états globaux dans un réseau de composants simples. La manipulation de symboles (de l'approche cognitiviste) est remplacée donc par des opérations numériques. L'émergence de schémas globaux, comme l'explique Varela en faisant une analogie au système nerveux « ici, chaque constituant fonctionne seulement dans son environnement local de sorte que le système ne peut être actionné par un agent extérieur qui en tournerait en quelque sort la manivelle. Mais grâce à la nature configurationnelle du système, une coopération globale en émerge spontanément lorsque les états de chaque neurone en cause atteignent un stade satisfaisant » [Varela, 96].

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L'aspect de l'intelligence sera vue avec la contribution de Jean Piaget.

L'émergence de nouveaux outils cognitifs de la théorie autopoïétique de Maturana et Varela a été possible grâce à une remise en questions des hypothèses de recherche sur l'étude des systèmes vivants à travers des systèmes cognitifs (parce que les outils cognitifs du moment ne permettaient pas l'étude du système nerveux). Pour synthétiser les savoirs en sciences cognitives courantes, Varela dit, en citant Kuffler et Nichols, « le cerveau est un assemblage actif de cellules qui reçoit constamment de l'information, qui la perçoit et la traite, et qui prend des décisions » [Varela, 96], puis il ajoute en citant Neisser « j'ai trouvé nécessaire de supposer que celui qui perçoit, possède certaines structures cognitives (nommées schémas), dont la fonction est de ramasser les informations offertes par l'environnement ». Nous constatons que les sciences cognitives du moment peuvent être généralisées sur deux axes : l’un relatif à la représentation de l'information (le quoi), et l'autre relatif au traitement de l'information (le faire) par le cerveau.

Ainsi, le système nerveux d'une part recueille des informations en provenance de son environnement qu'il traite, et d'autre part, leur traitement de l'information aboutit à une représentation de la réalité physique à l'intérieur du cerveau. Cette représentation de la réalité est vraie si le traitement de l'information fonctionne de manière appropriée [Varela, 89].

La critique fondamentale de Maturana et Varela à l'utilisation de l'approche symbolique pour la compréhension des systèmes vivants est que la connaissance est toujours la représentation adéquate d'une réalité physique prédéterminée, et donc le cerveau serait une machine qui produit une image exacte de cette réalité physique où la seule façon de rendre compte de l'intelligence et de l'intentionnalité est de postuler que la cognition consiste à agir sur la base de représentations qui ont une réalité physique sous forme de code symbolique dans ce cerveau87. A cet égard Varela dit « notre activité cognitive quotidienne révèle que cette image est incomplète. La plus importante faculté de toute cognition vivante est précisément, dans une large mesure, de poser les questions pertinentes qui surgissent à chaque moment de notre vie. Elles ne sont pas prédéfinies mais enactées, on les fait

émerger sur un arrière plan, et les critères de pertinence sont dictés par notre sens commun » [Varela,

89]. Et Maturana ajoute « l'affirmation a priori selon laquelle la connaissance objective constitue une description de ce qui est connu … appelle les questions qu'est-ce que savoir ? et comment savons-

nous ? » [Maturana et Varela, 73].

Comme nous pouvons le constater, la pensée de Maturana et Varela est très attachée aux grandes questions épistémologiques et cognitives fondamentales, que nous avons déjà anticipées (comment on acquiert une connaissance de la réalité physique et combien cette connaissance peut

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Ceci nous renvoie aussi à la classique analogie de l'intelligence artificielle qui compare le cerveau (soit de l'animal, soit de l'homme) avec l'ordinateur à partir de l'approche symbolique et de l'émergence.

être fiable et vraie), que l'on peut résumer par trois voies de recherche à savoir : (1) comment acquiert-on une connaissance de la réalité et combien cette connaissance peut être fiable et vraie ; (2) dans quelle mesure l'image d'un objet transmise par nos sens correspond-elle à la réalité physique ; et (3) dans quelle mesure cette image déclanche-t-elle ou fait-elle émerger un comportement intelligent ?

Ces trois chemins réflexifs ont renvoyé les auteurs à se poser des questions sur le rôle de l'observateur qui perçoit cette réalité physique. Pour Maturana et Varela il y a deux chemins explicatifs possibles de la connaissance dans le domaine biologique : l'un est relatif à la perception et la description, l'autre à la perception et l'action. Le premier chemin explicatif, ou ontologies

transcendantes, suppose que la réalité physique existe indépendamment de l'observateur. La

connaissance est alors une description exacte (image fidèle) de la réalité physique. Cette connaissance est vraie si elle repose sur un ensemble de savoirs tenus pour acquis. Ici la connaissance est générée à partir des symboles. Le deuxième chemin explicatif, en ontologies constitutives, suppose au contraire que la réalité physique existe seulement pour l'observateur dans l'action, c'est-à- dire l'acte de langage (c'est-à-dire le langage et ses émotions) et la culture (c'est-à-dire la structure sociale). La connaissance est alors un système d'actions constitue par une opération de distinction qui est propre à l'observateur par ce qu'il fait, où parce qu'il est capable de distinguer. Ici la connaissance est générée à partir des émotions. Nous constatons que ces chemins explicatifs coïncident exactement avec la problématique de l'épistémologie traditionnelle et de l'épistémologie expérimentale que nous avons explicitées plus haut, mais les chemins d'explication sont fort différents.

Comme l'a si bien dit Varela « c'est notre réalisation sociale, par l'acte de langage, qui prête vie à notre monde. Il y a des actions linguistiques que nous effectuons constamment : des affirmations, des promesses, des requêtes et des déclarations. En fait, un tel réseau continu de gestes conversationnels, comportant leurs conditions de satisfaction, constitue non pas un outil de communication, mais la véritable trame sur laquelle se dessine notre identité » [Varela, 89]. Un exemple, de système d'actions est le réseau de compromis social de Fernando Flores88. Il s'agit d'un mode d'organisation du travail coopératif basé sur les modes d'être, les modes de faire pour achever l'objectif (le quoi faire) [Flores, 96a], [Flores, 96b].

Ces diverses critiques ont remis en cause le manque de nouveaux outils pour la compréhension des processus cognitifs des systèmes vivants, ce qui a donné naissance à une nouvelle approche de la cognition caractérisée, d'une part, par l'autonomie du système vivant, et d'autre part,

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Ces idées sur les actes du langage ont été réfléchies par lui pendant son séjour de deux ans dans l'un des camps de concentration de la dictature militaire au Chili, à partir des visites que Humberto Maturana et Francisco Varela lui ont rendu. Néanmoins, son modèle autopoïétique a été développé plus tard dans le cadre de sa thèse sous la direction de Winograd à l'Université de Bercley aux Etats-Unis [Winograd et Flores, 89].

par la création et l'évolution des connaissances à partir des émotions : l'approche de l'enaction. Maturana et Varela utilisent une analogie avec un "arbre" pour représenter ce concept [Maturana et Varela, 73].

L'approche de l'enaction

Dans l'épistémologie expérimentale, la connaissance est l'interprétation d'une réalité physique qui est constituée par notre expérience et non par la description ou l'image d'une réalité physique indépendante de toute expérience comme dans le cas antérieur. Ici, il y a la construction interprétative d'un modèle de la réalité physique grâce à notre expérience. Comme l'a dit Glaserfeld « le constructivisme radical … développe une théorie de la connaissance dans laquelle la connaissance ne reflète pas une réalité ontologique "objective", mais concerne exclusivement la mise en ordre et l'organisation d'un monde constitué par notre expérience » [Glaserfeld, 95]. Puis, il ajoute en faisant allusion à la pensée de Emmanuel Kant « étant donné les manières dont nous faisons l'expérience du réel, nous ne pouvons en aucun cas concevoir un monde indépendant de notre expérience » [Glaserfeld, 95]. Cela signifie que l'observateur est le seul responsable de sa pensée, de sa connaissance, et donc de ce qu'il veut et peut distinguer avec ce qu'il fait. Nous constatons alors que la véracité de la connaissance se trouve dans le domaine de l'expérience. Pour Le Moigne en citant Giambattista Vico « la seule manière de "connaître" une chose est de l'avoir faite, parce que alors seulement on sait quels sont ses composants et comment ils ont été assemblés » [Le Moigne, 99]. Pour Vico le passé a été résumé par lui dans un slogan : verum ipsum factum (le vrai est le même que le fait)89. Pour construire le domaine d'expérience Vico emploie le terme d'opération, et anticipe par là le concept d'opération de distinction (le fait d'être distinguable de son environnement et donc des autres unités) de Maturana et Varela90. Mais aussi d'après Glaserfeld, Vico anticipe les concepts d'organisation et de structure dans sa pensée, lorsqu'il a dit « l'utilisation explicite du terme facere par Vico, sa constante référence à la composition et au fait d'assembler » [Glaserfeld, 95].

Ainsi, l'idée centrale de l'approche de l'enaction de la cognition a été fondée sur trois constatations : (1) l'observateur occupe une place centrale dans toute connaissance ; (2) c'est l'observateur qui donne de sens à la réalité ; et (3) ce sont les observateurs qui constituent dans le langage et la culture notre identité.

L'approche de l'enaction considère que la connaissance est définie comme un système d'actions, qui prend en charge l'historique du couplage structurel qui enacte (fait émerger) un monde.

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Factum (fait) vient de facere (faire).

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Le terme opération nous le trouvons aussi chez d'autres constructivistes. Par exemple, Silvio Ceccato utilise le terme

consapevoleza operative (conscience opérationnelle). Cité dans [Le Moigne, 99].

Ce système fonctionne comme un réseau d'éléments inter-connectés, capables de subir des changements structuraux au cours d'un historique non interrompu. Dans ce sens, un système de connaissance fonctionne de manière approprié quand il s'adjoint à un domaine de signification préexistant, en continuel développement (ou qu'il en forme un nouveau) [Varela, 89]. A cet égard Varela dit « c'est là une conception de la connaissance et de la réalité qui tient compte du fait que nous participons à leur élaboration, et nous pouvons voir qu'elles s'enracinent dans les formes cellulaires les plus élémentaires des processus cognitifs et informationnels » [Varela, 89].

Alors, selon l'approche de l'enaction : (1) le système nerveux est un système autonome de connaissance qui est défini par son organisation et qui fonctionne par clôture opérationnelle, c'est-à- dire les résultats des transformations du système sont les transformations du système. Le terme clôture se réfère au fait que le résultat de la transformation se situe à l'intérieur des frontières du système lui-même. Cela ne signifie pas pour autant que le système autonome soit fermé, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'interactions avec son environnement (sans entrées ni sorties) ; et (2) la connaissance est une conduite (mécanismes et moyens d'agir) qui permet à l'organisme de faire seulement des choses qui n'affectent pas sa survie. Par conséquent, la connaissance ne doit pas obligatoirement impliquer des représentations vraies de la réalité objective. Autrement dit, l'approche de l'enaction de la cognition correspond au fait de faire émerger un comportement intelligent. Comme si bien l'a dit Varela « l'intelligence ne se définit plus comme la faculté de résoudre un problème mais comme celle de pénétrer un monde partagé » [Varela, 89]. Et donc, l'enaction est un mécanisme "circulant" et "d'émergence de signification".

En conséquence, l'enaction (faire-émerger) de Maturana et Varela n'as pas le même sens que le concept d'enaction de Karl Weick, où le problème centrale la relation organisation-environnement comme un processus d'interaction, où chacun se construit elle-même par cette interaction. Cette idée de Weick se trouve dans son livre, intitulé The Social Psychology of Organizing (publié en 1979) [Weick, 79].

C'est pour cette raison que nous utilisions le terme enactiviste (faire-émerger) pour faire la