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Chapitre 3 Le modèle proposé : Le modèle autopoïétique de la gestion des connaissances imparfaites

3.2. Evolution de la connaissance dans le modèle autopoïétique de la gestion des connaissances

3.2.1. Autopoïèse et connaissance

Dans le champ managérial, Aquiles Limone et Luis Bastias, dans un article récent (dont nous avons déjà fait référence dans l'introduction du chapitre 1), intitulé : Autopoiésis y Conocimento en la

Organización. Fundamento Conceptual para una Auténtica Gestión del Conocimiento, et que nous

traduisons comme « Autopoïèse et connaissance dans l'organisation. Fondement conceptuel pour une authentique gestion des connaissances » [Limone et Bastias, 02b], ont situé, à notre avis, pour la première fois, la justification de la relation autopoïèse et connaissance. Nous pensons que cette avancée intellectuelle, est utile pour justifier davantage le modèle proposé.

Comme nous l'avons vu dans le chapitre 2, le système autopoïétique permet (1) de décrire l'unité dans un domaine de détermination interne, c'est-à-dire, à travers une description organisationnelle de l'unité, à partir de trois processus génériques (de production de ces mêmes composants génériques) : constitutifs, de spécification, et d'ordre ; et simultanément et nécessairement, (2) de décrire le fonctionnement de l'unité dans un domaine de composition, c'est-à- dire, une description structurelle de l'unité à travers l'espace matériel des propriétés des composants. Ce fonctionnement opère sous trois contraintes génériques, à savoir : clôture opérationnelle, couplage structurel, et détermination structurelle.

Dans le système autopoïétique, la distinction entre système ouvert et système fermé se fait en fonction de l'organisation de l'unité, le maintient de l'identité, et la contrainte de l'autonomie, et non pas en fonction de la relation avec l'environnement, ce qui donne naissance au système clos et à la

clôture opérationnelle qui correspond au fonctionnement du système clos. Dans ce contexte, on parle

de clôture et non pas de fermeture du système.

3.2.2. Création de sens dans un système clos : clôture opérationnelle

Un système clos a-t-il la capacité de créer de sens ? Un système clos est une explication symbolique de l'unité (organisation) et du fonctionnement de l'unité, afin de maintenir l'identité (structure) du système clos sous la contrainte d'autonomie entre l'unité et l'identité. L'autonomie traduit alors la capacité du système clos pour gérer la dualité organisation/structure.

Pour expliquer un système clos, on fait une analogie avec un système ouvert, qui est décrit comme : entrées/transformation/sorties. Autrement dit le résultat de la transformation se situe à l'extérieur des frontières du système lui-même.

En revanche, les entrées d'un système clos sont des perturbations et non pas des inputs, tandis que les sorties sont le résultat d'une opération de transformation. Ce résultat se situe à l'intérieur de la frontière du système clos, c'est-à-dire que les sorties d'un système clos ne font pas partie de l'environnement.

Il y a deux cas particuliers :

- Si le résultat de l'opération de transformation est l'opération de transformation alors on parle de système autopoïétique25. En fait, il s'agit d'1/3 de système autopoïétique, car cette condition est seulement relative à la clôture opérationnelle. L'autre 2/3 est le couplage structurel et la détermination structurelle.

- Si le résultat de l'opération de transformation est autre chose que l'opération elle-même, mais qu'il reste à l'intérieur de la frontière du système clos, alors on parle de système

allopoïétique26.

Un exemple de système clos est le système autonome. D'où, la relation autonomie et connaissance.

Pour Maturana et Varela « l'idée d'autonomie fait référence à un système à forte détermination interne, ou auto-affirmation … l'identité du système s'affirme dans et par son fonctionnement » [Varela, 89]. Et donc, nous pouvons dire qu'un système autonome possède une unité (le fait d'être distinguable de son environnement et donc des autres unités) qui lui permet d'être distinguable comme un système autonome, et une structure qui lui permet de fonctionner pour maintenir son identité et son autonomie. Pour gérer l'autonomie « la structure d'un système autonome spécifie un domaine d'interaction possible avec son environnement. Les seules interactions permises sont celles qui sont spécifiées par les composants du système et qui sont compatibles avec le maintien de sa clôture. Ce domaine d'interactions, nous l'appelons domaine cognitif »27.

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A la différence du terme allopoïétique le terme autopoïétique veut dire auto-création (qui se créée elle-même) ou auto- produit (qui se produit lui-même) [Limone, 77], [Varela, 89].

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Le terme allopoïétique veut dire autre-création (allo = autre, et poiein = création). [Limone, 77], [Varela, 89].

27 Ceci justifie en peu ce que nous avons dit au chapitre 2, relatif à l'auto-organisation de l'unité (l'organisation), d'auto- maintient de l'identité (la structure), et l'auto-gestion de l'autonomie (la dynamique) d'un système autopoïétique.

Ce qui pose la question de savoir : qu'est-ce qu'un domaine cognitif pour un système de connaissance ?

Nous explorons maintenant cette question avec les arguments chez Maturana et Varela, pour la description du système nerveux. Dans chaque paragraphe nous faisons une analogie avec un système de connaissance.

Pour Maturana et Varela, « la caractérisation classique d'un système repose sur l'existence d'un flux : une entrée, une transformation, une sortie » [Varela, 89].

Ce qui est le cas pour le système de connaissances du modèle OIDC. Ce système est décrit à travers des flux cognitifs et des flux de compétences.

Selon Maturana et Varela, le système nerveux ne peut pas être décrit par un modèle système. En effet, ils ont dit par rapport à ce modèle « cette caractérisation est pertinente dans de nombreux cas, comme les ordinateurs et les organes de commande ; mais elle n'est pas appropriée pour d'autres comme le système nerveux … l'idée que nous emmagasinons des représentations de l'environnement ou que nous emmagasinons des informations au sujet de l'environnement ne correspond en rien au fonctionnement du système nerveux … de notions comme celles de mémoire ou de souvenir, ce sont des descriptions qui relèvent du domaine de l'observateur et non du domaine d'opération du système nerveux » [Varela, 89]. Puis, ils ont ajouté « ces systèmes peuvent être utilement décrits, non en termes d'input/output et de transformations, mais ayant une forme spécifique de clôture opérationnelle : les résultats des opérations du système sont les opérations du système, dans une situation autoréférentielle » [Varela, 89].

Dans ce contexte, l'hypothèse de la clôture opérationnelle, est formulée de la façon suivante :

tout système autonome est opérationnellement clos. Autrement dit, un système clos est un système

autonome qui fonctionne par clôture opérationnelle. Maturana et Varela insistent sur le fait que la clôture opérationnelle n'a rien à voir avec la fermeture ou l'isolement du système nerveux. A ce propos, ils disent « il faut noter que la clôture n'est pas une fermeture : le terme de clôture se réfère au fait que le résultat d'une opération se situe à l'intérieur des frontières du système lui-même ; il ne présuppose pas que le système n'a pas d'interaction avec l'extérieur, ce qui serait la fermeture. Notre étude n'a pas pour objet les systèmes isolés ».

Nous constatons donc, qu'un système clos fonctionne sans inputs ni outputs, et d'autre part, que le résultat de la transformation est la transformation elle-même. En effet, ils ont dit « dans le cas du système nerveux, le résultat de l'activité neuronale est l'activité neuronale … ainsi les activités des ---

neurones se définissent mutuellement, et leur activité coopérative produit un état global autodéterminé ou comportement propre »28.

Dans ce cas, si le système de connaissance est un système clos, alors les entrées ne sont pas d'inputs mais des perturbations. Mais qu'est-ce qu'une perturbation ?

D'autre part, un système clos, ne peut pas être décrit comme un système fermé (ou isolé, ni entrées, ni sorties), on ne peut pas dire non plus que la distinction entre un système clos et un système ouvert se fait par rapport à l'environnement (comme c'est le cas pour un système fermé), ou par rapport à la connaissance imparfaite de l'un par rapport à l'autre, etc., mais par rapport à son autonomie.

Cela signifie que c'est dans l'autonomie du système clos que réside la connaissance. A ce propos Maturana et Varela ont dit « la clôture opérationnelle du système nerveux … les conclusions auxquelles nous arrivons à ce sujet auront un impact plus grand sur notre compréhension de ce qu'est la connaissance … il nous faut concevoir le système nerveux comme un système autonome ; et il faut accepter les conséquences qui en découlent au niveau de notre conception de la communication et de la représentation … afin que vous ne pensiez pas qu'il est complètement fou de croire que le système nerveux fonctionne sans inputs ni outputs » [Varela, 89].

Pour eux, le système nerveux est « un réseau d'interactions, déterminant récursivement un domaine cognitif macromoléculaire de l'organisme » [Varela, 89].

Dans ce contexte, la création de sens dans le système nerveux est un phénomène propre de la clôture opérationnelle car il n'y a pas ni inputs ni outputs.

Or, cette capacité de clôture du système est la justification théorique de l'approche de l'enaction de Maturana et Varela, à ce propos ils ont dit « en postulant que la clôture d'un système est l'aspect majeur à considérer, nous avons abandonné les notions d'entrée et de sortie ; et la direction du flux d'information a perdu toute signification … par exemple, notre monde visuel est plein d'objets : chaises, voitures, personnes, etc. L'attitude représentationnelle suppose que nous parvenons à les connaître en construisant une image interne de ce qu'ils sont. Mais, si nous renonçons à regarder le cerveau comme ayant une entrée bien définie d'informations, nous ne pouvons plus postuler une représentation … comment un système existe dans un monde (ou dans son monde), s'il n'en a pas

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Par rapport, à d'autres exemples de clôture opérationnelle (systèmes qui ont une activité coopérative et un comportement propre), ils ont dit « le système nerveux n'est qu'un exemple d'une telle classe de systèmes. Le système immunitaire et les animaux multicellulaires appartiennent aussi à cette classe » [Varela, 89].

construit une représentation interne. La réponse consiste à s'apercevoir que la clôture d'un système peut faire émerger un monde, et créer son propre monde de signification » [Varela, 89].

Cela signifie que la détermination interne de l'unité d'un système clos est un domaine cognitif29. Et donc, pour un système de connaissance ce doit être vrai aussi.

Dans cette argumentation, notre analogie entre système clos et système de connaissance d'une entreprise, peut être formulée de la façon suivante : Le système de connaissance est-il un lieu de rencontre ? C'est-à-dire, le système de connaissance est-il un domaine d'interactions cognitives ? Ce lieu cognitif, crée-t-il en sens entre ses interactions ? Si la réponse est oui. Reste à savoir d'où viennent-elles ces interactions, qui les génèrent,…

Nous pensons que le problème de la validité de cette analogie se pose au niveau des sources de ces interactions porteuses de sens, mais elle se pose au niveau des sources de ces interactions, car ces interactions sont à la base de création de connaissances nouvelles.

Au niveau de la description d'un système de connaissance par rapport à un système clos, l'imagination peut donner un point de réflexion et d'explication. Par exemple, pour le système nerveux, Maturana et Varela ont dit « le système nerveux doit être conçu comme une unité autonome, c'est-à-dire comme un réseau d'interactions cellulaires qui à chaque instant, détermine sa propre identité. Ce qu'il importe de comprendre, c'est comment cette identité et maintenue et réalisée » [Varela, 89].

Mais, au niveau de la source de ces interactions du système clos, ils ont dit « la clôture opérationnelle engendre une unité, qui à son tour spécifie un domaine phénoménal ». Ainsi, « la vie a émergé à travers la constitution d'unités autopoïétiques, capables d'engendrer leurs propres frontières » [Varela, 89].

Alors, on peut dire que la création de sens dans un système de connaissance se fait à travers la constitution d'unités autopoïétiques dans le système de connaissance. Mais, qu'est-ce que cela peut signifier ?

Néanmoins, le modèle autopoïétique offre un regard nouveau, car avant l'apparition de ce modèle la description du système nerveux se faisait par la modélisation analytique, système ou

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Dans le chapitre 2 on a dit que la description de l'unité a lieu, simultanément et nécessairement, dans deux domaines. L'un est la détermination interne (l'organisation), l'autre est la composition (la structure).

cybernétique. A ce propos Maturana et Varela ont dit « le système nerveux était expliqué par la distinction entre le soi et le non-soi. A l'inverse, nous partons de l'autonomie du système nerveux, de son identité qui n'est qu'un processus d'interactions coopératives. Cette idée nous conduit tout naturellement à la notion d'un réseau, puis à sa spécification génétique, à son domaine cognitif, à son histoire récursive » [Varela, 89].

D'où l'idée de formuler une explication du modèle OIDC, non pas à partir d'un modèle système (relations entre composants) comme c'est souvent le cas, mais plutôt à partir du modèle autopoïétique (relations entre processus de production des composants). Cela implique de faire la description d'un système de connaissance non pas à travers des entrées et des sorties, mais bien à travers l'autonomie et l'identité du système, puis au niveau de la clôture opérationnelle.

Dans une telle situation, l'organisation de l'unité de ces quatre composants (O,I,D,C), doit être pensée au niveau de l'organisation de l'unité et du fonctionnement de la structure de l'unité, ce qui pose une description à travers l'autonomie et l'identité de ces composants, et non pas à travers les entrées et sorties de chaque composant.