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Un modèle électrostatique

Le comportement macroscopique est étudié en écrivant l’énergie libre molaire F d’un en- semble de complexes à transition de spin en fonction de la fraction molaire x de molécules dans l’état HS. L’énergie totale (nucléaire et électronique) d’un complexe isolé est notée E(g)

α . L’en-

tropie d’un complexe isolé est notée S(g)

α (α = HS ou BS). L’effet des fluctuations du champ de

Madelung sur le comportement collectif est pris en compte en écrivant respectivement Qα et qα

les charges atomiques du métal et du ligand (typiquement Fe et N), ainsi que Vα et vαles poten-

tiels générés par le champ de Madelung aux positions du métal et du ligand (cf. figure 3.10). Le nombre de voisins du métal est noté η (typiquement η = 6).

Le potentiel électrostatique étant additif, Vα se calcule à partir des positions et de la valeur

des charges de l’environnement d’une unité singularisée.

Vα = X metaux M′ Qα rM M′ + X ligands L′ qα rM L′ (3.1) vα = X metaux M′ Qα rLM′ + X ligands L′ qα rLL′ (3.2) Alors, l’énergie d’interaction d’un complexe HS dans un environnement moyen de x molé- cules HS et 1−x molécules BS s’écrit x QHSVHS+(1−x) QHSVBSpour le métal et x qHSvHS+

(1 − x) qHSvBS au niveau du ligand. Des expressions similaires sont écrites pour les complexes

BS. Ce traitement est celui d’un champ moyen d’origine électrostatique.

{QHS ; VHS}

{qHS ; vHS}

{QBS ; VBS}

{qBS ; vBS}

(a) HS (b) BS

FIGURE 3.10 – Paramètres utilisés. Qα et qαreprésentent respectivement les charges atomiques

de Fe et de N dans l’état α (α = HS ou BS). Vα et vα représentent respectivement le potentiel

électrostatique aux positions de Fe et de N dans l’état α. L’énergie libre F s’écrit alors :

F = xEHS(g) + x(QHSVHS+ η qHSvHS) + (1 − x)(QHSVBS+ η qHSvBS)



+ (1 − x)EBS(g) + x(QBSVHS+ η qBSvHS) + (1 − x)(QBSVBS + η qBSvBS)



+ RTx ln(x) + (1 − x) ln(1 − x)− RTxSHS(g) + (1 − x)SBS(g). (3.3) Le premier terme en x représente l’énergie totale (avec la contribution du champ) d’un com- plexe HS dans un environnement de x molécules HS et (1 − x) molécules BS. Le second est le

terme miroir pour un complexe BS. Le troisième terme représente l’entropie de mélange et le dernier la contribution de l’entropie moléculaire. Ces deux derniers termes sont décisifs pour la transition en particulier par la contribution entropique vibrationnelle qu’elle contient. Toutefois ces termes ne contribuent pas à la coopérativité. En prenant l’état BS comme référence, l’énergie libre F devient : F = x2QHSVHS+ η qHSvHS  + (1 − x)2QBSVBS+ η qBSvBS  + x(1 − x)QHSVBS+ η qHSvBS+ QBSVHS+ η qBSvhS)  + xEHS(g) − RT SHS(g)+ RTx ln(x) + (1 − x) ln(1 − x). (3.4) On retrouve alors une formulation semblable à celle de C. P. Slichter et H. G. Drickamer6

et des simulations peuvent être menées (cf. figure 3.11). Elles montrent un double puits dans le tracé de F qui permet de remonter au tracé d’une transition présentant un cycle d’hystérésis.

(a) Double puits pour F en fonction de x à T = 255 K.

(b) Courbe de transition simulée.

FIGURE 3.11 – Simulations de F et de la courbe de transition pour QHS = 1, 92 ; QBS = 1, 40 ;

VHS = −0, 2241 ; VBS = −0, 2418 ; vHS = −0, 2035 ; et vBS = −0, 2261. Toutes les grandeurs

sont données en unités atomiques.

Dans le modèle de C. P. Slichter et H. G. Drickamer, la coopérativité est donnée par le terme quadratique. En regroupant les contributions en x2, il vient

Γ = QHSVHS + η qHSvHS+ QBSVBS+ η qBSvBS

Si on note ∆V = VHS− VBS, ∆v = vHS− vBS, ∆Q = QHS− QBS et ∆q = qHS− qBS, alors

Γ = QHS∆V + η qHS∆v − QBS∆V − η qBS∆v (3.6)

= ∆Q∆V + η ∆q∆v. (3.7)

Or, la conservation de la charge assure que :

∆q = −1η∆Q. D’où

Γ = ∆Q∆V − ∆v. (3.8)

L’effet du champ apparaît plus clairement en faisant apparaître δVα = Vα− vα (α = HS ou

BS) la polarisation induite sur une liaison Fe–N par le champ de Madelung. Il vient alors : Γ = ∆QδVHS− δVBS



. (3.9)

La contribution électrostatique module la polarisation des liaisons metal–ligand. Il est à noter que tous les ingrédients de Γ sont appréciables par la connaissance des positions des atomes, issues des données cristallographiques, et celle de leurs charges tirées des calculs ab initio. L’évaluation de la contribution électrostatique ne dépend donc pas de paramètres ad hoc.

L’étude des effets de polarisation dans la transition de [Fe(NCH)6]2+permet d’établir un scé-

nario quant aux mécanismes de la bistabilité induite par le champ de Madelung. En l’absence de polarisation (VHS = vHS et VBS = vBS), la transition de spin se déroule « sans coopérati-

vité », i.e. les simulations de F (x) présentent un seul puits quelle que soit la température. La transition a lieu pour T = Tnonpol (cf. figure 3.12). La prise en compte du champ va modifier

ce déroulement. Partons de la situation à basse température. Tous les complexes sont dans l’état BS. δVBS = VBS − vBS étant négatif, le champ de Madelung favorise le positionnement de

l’électron sur le ligand et donc l’état HS. La température et le champ de Madelung agissent donc dans le même sens et la température de transition au cours de la montée T↑ est abaissée par rap-

FIGURE 3.12 – a) Représentation schématique d’une transition de spin avec hystérésis attribuée aux fluctuations du potentiel aux positions du métal et du ligand ∆(δV ) = δVHS − δVBS. b)

Représentation de la polarisation induite par le champ de Madelung sur les positions du fer et des ligands. La différence de potentiel subie dans l’état HS retarde le retour de l’électron lors du refroidissement.

liaisons subissent alors la différence de potentiel δVHS = VHS − vHS à nouveau négative. Une

compétition prend donc place entre le champ de ligand qui favorise l’état BS et le champ de Ma- delung qui bloque l’électron sur le ligand et favorise donc l’état HS. Cette entrave au retour de l’électron sur le métal diminue la température de transition T↓ par rapport à Tnonpol. Si, de plus,

|δVHS| > |δVBS|, T↓est inférieure à T↑ et l’ouverture du cycle d’hystérésis apparaît. Par ailleurs,

des simulations montrent que la largeur du cycle d’hystérésis est d’autant plus importante que la fluctuation ∆(δV ) est importante (cf. figure 3.13). La mise en équation de ce modèle étant simi- laire à celle du modèle de C. P. Slichter et H. G. Drickamer,6la condition Γ > 2RT

1/2(avec T1/2

la moyenne des températures de transition) reste nécessaire pour l’obtention d’un comportement hystérétique.

FIGURE 3.13 – Largeur du cycle d’hystérésis ∆T (K) en fonction de la fluctuation de la diffé- rence de potentiels ∆(δV ) (u.a.) pour le modèle [Fe(NCH)6]2+avec ∆Q = 0,52 et T1/2= 256 K.