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Chapitre 2. Cheminement et modélisation théoriques

2.2 Un modèle écologique pour réconcilier usage et pratique

2.2.4 Modèle écologique d’analyse des usages et pratiques

Nous présentons dans cette section notre modèle d’analyse des usages, ce à partir notamment d’emprunts au modèle de la construction sociale des usages de Serge Proulx (2004).

a. Focale sur les emprunts au modèle de Serge Proulx

Comme nous l’avons vu, la méthodologie se fonde sur une enquête exploratoire (analyses de documents, questionnaires, entretiens, observations), sur des questionnaires à l’échelle nationale (usages et non-usages) et sur des observations ; elle a pour objectifs :

1. de connaître les genèses et cadres d’usages (en fonction aussi de trajectoires personnelles et professionnelles) ;

2. de proposer des récits de pratiques afin d’identifier les utilisations des TIC et d’étudier des discours sur des pratiques ;

3. d’effectuer des analyses in situ des pratiques professionnelles et personnelles (les deux sphères étant mêlées au sein des établissements).

En conséquence, ce travail s’inscrit dans la lignée méthodologique des travaux de Pierre Bélanger, Serge Proulx, Jocelyne Voisin (1995 : 11) sur les usages de la télévision ; ces auteurs en appellent aux récits de vie49 et ils se situent « à l’intérieur d’un paradigme interprétatif, c’est-à-dire une approche qui fait une large place aux significations que les acteurs attribuent eux-mêmes à leur actions et à leur pratiques ». En effet, comme ces auteurs (Bélanger, Proulx, Voisin, 1995 : 11) le précisent, « la manière dont les informateurs- narrateurs raconteront leurs souvenirs de pratiques dévoilera la nature de leurs rapports à la télévision ». En outre, « prolongeant l’analyse de Simondon, Jacques Perriault note ainsi que “La relation d’usage est un composé complexe d’instrumentalité et de symbolique” » (Musso, 2009 : 108 citant Perriault, 1989 : 213). Les significations d’usage transparaissent dans « les discours tenus par les usagers sont partie prenante des pratiques de communication. Ils témoignent des représentations qui se rattachent d’une part au discours social sur la modernité et qui se construisent, d’autre part, dans l’expérience concrète des technologies de communication. Les représentations se forgent en effet dans la confrontation à la technique, dans l’usage concret des outils de communication » (Jouët, 1993 : 113).

155 Les travaux de Serge Proulx (2005 : 7) se fondent sur un paradigme interprétatif qu’une citation de Luc Boltanski (1990) permet de circonscrire : « (Le chercheur s’astreint) “à suivre les acteurs au plus près de leur travail interprétatif [...]. Il prend au sérieux leurs arguments et les preuves qu’ils apportent, sans chercher à les réduire ou à les disqualifier en leur opposant une interprétation plus forte” ».

Précisons tout de même une forme de relativité du paradigme interprétatif-constructiviste grâce à l’éclairage de Bernard Lahire (1998 : 28) émanant d’un article sur les logiques pratiques. Il mentionne qu’il s’agit de « toute une théorie de la pratique, de l’action, de la connaissance et de la réflexivité qui est en jeu dans ces questions. Si nous pensions, comme certains représentants de courants subjectivistes en sciences sociales, que “tout individu est toujours le mieux placé pour mettre en vue ses propres savoirs au travers du compte rendu et de l’exposé qu’il donne de ses propres pratiques”, alors il ne serait pas pertinent de concevoir l’intervention du sociologue comme un travail ou une construction complexes ». Le modèle interprétatif-compréhensif n’est pas remis en question, est plutôt en jeu la reconnaissance du travail de chercheur s’inscrivant dans ce paradigme. Il n’est pas un seul transcripteur ou porte- parole de l’humain mais un traducteur des « filtres des structures culturelles de perception et d’expression » (ibid. : 28). Mais comme le remarque Serge Proulx (2005 : 8), « en même temps, ces procès de construction subjective du sens par les acteurs (mondes vécus) s’inscrivent dans des rapports sociaux de pouvoir (domination économique, rapports de sexes, relations entre générations) ».

Finalement, le modèle d’analyse des usages de Serge Proulx (ibid.) peut être présenté. Il le désigne par l’expression de « construction sociale des usages », puisque « l’usage n’est jamais stabilisé une fois pour toute ». L’auteur (2006 : 15) donne une définition du constructivisme social : « Conception selon laquelle la connaissance est le produit des pratiques sociales et des institutions. On distingue un constructivisme fort, qui réduit l’activité de connaissance à des facteurs sociaux, et un constructivisme modéré, qui se contente d’accorder à ceux-ci un certain pouvoir de détermination. On dit aussi constructionnisme social » (Christian Godin, Dictionnaire de philosophie, Fayard, 2004 : 254). Par ailleurs, l’auteur (ibid., citant Bijker, Hugues et Pinch) rapporte les trois spécificités principales des approches constructivistes dans l’étude des phénomènes techniques : « a) ces démarches s’éloignent d’une sociologie qui ne chercherait qu’à dépeindre une série de portraits individuels des inventeurs pour expliquer l’innovation; b) elles marquent une rupture vis-à-vis du déterminisme technique; c) elles

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proposent des schémas d’explication où les aspects techniques, sociaux, économiques et politiques sont enchevêtrés et où des distinctions nettes entre ces différents aspects s’avèrent impossibles (Bijker, Hugues et Pinch, 1987) » (ibid.). Enfin, l’auteur (ibid. : 12-13) met en avant cinq niveaux d’interprétation des pratiques d’usage observées : « l’interaction dialogique entre l’utilisateur et le dispositif technique » ; « la coordination entre l’usager et le concepteur du dispositif » ; « la situation de l’usage dans un contexte de pratiques (c’est à ce niveau que l’on pourrait parler de l’expérience de l’usager) » ; « l’inscription de dimensions politique et morale dans le design de l’objet technique et dans la configuration de l’usager » ; « l’ancrage social et historique des usages dans un ensemble de macrostructures (formations discursives, matrices culturelles, systèmes de rapports sociaux) qui en constituent les formes ».

Ces cinq registres nous ont aidée à mettre en place la modélisation de notre analyse sans toutefois les appliquer stricto sensu. In fine, Serge Proulx rapporte (ibid. : 13) que « les travaux de sociologie critique des usages ont montré que les TIC sont catalyseurs de rapports de force et constituent un enjeu de pouvoir au moment de leur introduction dans un contexte social et organisationnel donné (Vedel, 1994) ». En effet, un ensemble de tensions et d’usages polarisé est décelé. Ces tensions et usages conduisent à une étude du changement en termes d’actualisation (et de transformation) de conduites et pratiques sociales et communicationnelles antérieures, de régularités (et de mutation) des conduites et pratiques avec les technologies, et de cristallisation (novatio) sur certaines situations emblématiques d’usage (qui peuvent participer à l’institutionnalisation des pratiques).

b. Théorie des processus de la communication

Alex Mucchielli et al. (1998) proposent une théorie des processus de communication se fondant sur l’analyse de sept contextes fondateurs. Premièrement, les contextes « spatial » et, « physique ou sensoriel » (ibid. : 33-40) seront étudiés dans la deuxième et troisième partie de cette thèse. Ils sont analysés à partir des observations menées et servent de validation des typologies d’objets et d’analyse des situations d’usage.

Deuxièmement, un autre cadrage contextuel est aussi celui temporel ou historique (ibid.). Le rôle des perspectives (ou mise en contexte), des rituels et du cadrage temporel choisi sont des éléments essentiels afin de mettre à jour la contextualisation de la communication par l’histoire. La mise en contexte se fait à partir de l’histoire de l’institutionnalisation et de la

157 catégorisation du handicap, où les prises en charge médicale, psychologique et (ré)éducative ont des incidences sur les usages de l’informatique et/ou de l’Internet par les personnes handicapées mentales. Il s’agit de s’intéresser à l’histoire de la prise en charge du handicap par la technique et par extension par la technologie et les médias. Le cadrage temporel choisi est long, s’agissant de l’étude des utilisations de ces outils et médias à partir de recherches antérieures participant, entre autres, à la construction du champ de la recherche sur le handicap. Les récits de pratique permettent de s’inscrire dans une temporalité relativement échelonnée. Les observations portent sur des interactions ayant lieu dans un ici et maintenant que l’on a tenté de replacer dans une temporalité plus longue, celle de l’histoire des usages des TIC dans l’institution et celle de l’individu. L’histoire des institutions se fonde sur une analyse davantage méso-systémique et macro-systémique tout en gardant à l’esprit les impacts sur le développement de la personne en situation de handicap.

Troisièmement, les processus de positionnement et de structuration des relations sont plus précisément en jeu lorsqu’il s’agit d’analyser les actualisations, régularités et cristallisations des pratiques qui se déclinent en différentes approches (ibid. : 43-55). D’abord, le positionnement et la lutte pour le positionnement, sont des phénomènes sociaux généraux, c’est-à-dire pour se faire sa place (« jamais définitivement acquise »), à la différence des rôles et statuts qui sont imposés par l’organisation (ibid. : 43), ce que nous étayerons en chapitre 10. De plus, « les processus contribuant au positionnement jouent sur quatre paramètres » : la relation peut être intime ou distante ; égalitaire ou hiérarchique ; consensuelle ou conflictuelle ; influencée ou influençante, selon Alex Mucchielli et al. (ibid. : 46) citant Guy Bajoit (1992). Ensuite, la relation de l’homme au monde est à mettre en perspective avec les nouvelles technologies. Il s’agit de la dimension instrumentale et de médiation. Plusieurs cas de figure se présentent : l’objet apparaît comme le prolongement de l’être humain, « nous “habitons” alors l’objet, nous sommes avec lui dans une relation d’incarnation », le prolongement est corporel. La perception naturelle « sera à la fois réduite et amplifiée ». L’utilisateur peut aussi « se détacher de la réalité humaine cristallisée dans l’objet technique et s’en mettre à distance » notamment par le prolongement du langage (ibid. : 50). Alors « les études sur les usages des technologies de communication devront donc se poser la question du positionnement adopté, par telle ou telle catégorie d’utilisateurs » (ibid.) ce que le chapitre 9 soutiendra. Enfin, « le processus de structuration des relations est en synergie avec le processus d’expression de l’identité. […] Corrélativement, toute la problématique du

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changement de positionnement et d’identité est à considérer du point de vue du changement systémique des relations entre les acteurs » (ibid. : 51).

Quatrièmement, selon Alex Mucchielli et al. (1998 : 56), la communication relève aussi d’un processus d’appel, de construction ou d’émergence de normes, car elle suppose le partage de référents communs construits par les hommes et amenant à des « accords implicites ». En effet, « l’ensemble des “morales des histoires vécues” » donne sens aux actions de communication (ibid. : 56-57). De plus, « outre les normes sociales, qui sont “déjà là” et servent de référents permanents à la communication, la culture offre les autres points de repères que sont les représentations sociales et les archétypes faisant fonction bien souvent “d’interprétants finaux” comme le dit la sémiotique » (ibid. : 57). En somme, trois catégories normatives sont décelables : les procédures d’appels, les constructions collectives et les émergences systémiques. Premièrement, les procédures d’appels se réfèrent aux normes déjà existantes dans les organisations en faisant écho aux rôles et statuts et, plus largement, aux appels implicites aux normes culturelles et sociétales. De plus, la construction des normes se réalise ou s’actualise au cours des communications (orales comme écrites). Enfin, de nouvelles normes implicites peuvent émerger (phases d’acceptation, de négociation ou de contestation de la norme) (ibid. : 61-62).

Cinquièmement, les processus de construction de la qualité des relations engagent à « étudier comment ce contexte relationnel est structuré et comment des “processus” l’organisent ou le modifient […] pour comprendre les phénomènes de communication » (ibid. : 64). La relation apparaît comme « la finalité essentielle de la communication » d’autant plus lorsqu’il s’agit d’accompagner des personnes handicapées mentales. Le travail des équipes éducatives se situe, entre autres, sur la qualité de cette relation (parfois de pouvoir) entre professionnels et personnes handicapées. En effet, avant de véhiculer une information voire du sens, l’enjeu de la communication est de tisser une relation, de créer un certain rapport (Mucchielli et al., 1998 : 65, citant J. Derrida, 1984). En conséquence, « par sa forme, toute communication participe à la construction de la nature des relations entre les acteurs » (ibid. : 71). Des phénomènes tels que l’identification ou la contre-identification ou encore de projection et de transfert sont repérables dans ce processus. En somme, « toute communication participe à la détermination de la relation que l’on entend avoir avec son interlocuteur ».

159 Enfin, les processus d’expression identitaire, abordés lors de l’étude des représentations et des pratiques professionnelles comme socio-culturelles, est le dernier contexte à prendre en considération. D’emblée, dans toute communication, on assume d’abord, « à travers cette activité, une identité. Car, communiquer a toujours la finalité générale d’expression de cette identité. En communiquant, je ne peux qu’affirmer mon être personnel et donc positionner ma “personnalité” par rapport à celle d’autrui » (ibid. : 73). À cet effet, « les manières de communiquer expriment aussi les identités » (ibid. : 73), il s’agit aussi plus largement des formes et intentions de la communication. De plus, trois niveaux d’intentionnalité peuvent être explicités : une « intentionnalité générale » fixée en fonction de l’histoire de vie ; une « intentionnalité présente » qui est celle de la situation elle-même et une « intentionnalité réactionnelle » s’attachant à la résolution des problèmes dans la situation (ibid. : 75-76). L’intérêt de l’intentionnalité est de rendre intelligibles les phénomènes de signification d’usage. En outre, chaque acteur interprète la situation selon « son système de pertinence » qui est « porteur des intentionnalités des acteurs » (ibid. : 76-77).

c. Présentation du modèle

Notre modèle peut être résumé en trois mouvements d’analyse éco-systémique qui seront illustrés au sein de différents tableaux et schémas récapitulatifs.

- Des logiques organisationnelles et d’acteurs (activité) à l’actualisation des pratiques et transformation des organisations

Si certains usages sont devenus coutumes dans une société ou un groupe, ils n’ont de cesse de devoir s’actualiser par les pratiques. Ce rapprochement nous enjoint à penser les pratiques dans leur capacité à devenir des « us et coutume » sur le long terme. On peut parler de pratiques coutumières et d’usage activé et/ou actualisé. On est dans le cadre d’usages sociaux (Proulx, 2006). La définition que propose Serge Proulx (ibid.) est celle-ci : « Les usages sociaux sont définis comme les patterns d’usages d’individus ou de collectifs d’individus (strates, catégories, classes) qui s’avèrent relativement stabilisés sur une période historique plus ou moins longue, à l’échelle d’ensembles sociaux plus larges (groupes, communautés, sociétés, civilisations) ». De surcroît, tout usage ou toute pratique doit être pensé en termes économiques ; il semble impossible de s’affranchir d’une analyse socio-économique si l’on souhaite prendre en compte la complexité des usages et des pratiques.

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Les usages et les pratiques s’insèrent dans des activités socio-éco-politiques où les contextes et situations d’usage d’outils et de médias permettent d’étudier un processus de transformation. Nous nous intéresserons aux contextes et situations d’interventions spécialisées avec les outils et médias socio-(ré)éducommunicationnels. Les contextes sur lesquels doit porter notre attention sont alors multiples : temporel, normatif, institutionnel, technologique et socio-économique, culturel et subculturel. Le rôle des contextes a déjà été relevé dans des études d’usages, notamment portant sur des pratiques éducatives (Bruillard, Baron, 2006). À ces niveaux-là, nous explicitons le cadrage temporel choisi pour analyser les usages et les pratiques en formation. Le cinquième niveau d’analyse des usages de Serge Proulx (2002) formule l’enjeu de ce mouvement de contextualisation (du macro- et micro- système : « L’ancrage social et historique des usages dans un ensemble de macrostructures (formations discursives, matrices culturelles, systèmes de rapports sociaux) qui en constituent les formes ».

Le modèle d’analyse socio-éco-politique des usages permet de comprendre ce mouvement d’institutionnalisation des usages par la fabrique des pratiques, et d’actualisation des usages par des pratiques coutumières. Les gammes d’usages peuvent s’étudier initialement par la mise en marché des technologies (Paquienséguy, 2006). D’ailleurs, selon Françoise Paquienséguy (2007), « il faut donc commencer par lire les caractéristiques de l’offre avant de porter le regard sur les usages des Tic numériques, mais sans jamais perdre de vue le niveau des pratiques communicationnelles, soumises au poids du social ; manière de procéder qui relève d’une approche communicationnelle (Miège, 2004b) ».

L’usage est « faire avec » (intention) et les logiques organisationnelles façonnent « les manières de faire » (pratique). Dès lors, pour s’intéresser à la situation de l’usage, il faut la mettre en perspective avec un contexte de pratiques qui peut être étudié « dans la rencontre des études d’usage avec les approches sociocognitives » pour « saisir l’usage dans un contexte organisationnel élargi ». Ce contexte organisationnel est considéré par certains comme « un prolongement des capacités cognitives des êtres humains qui le constituent (Proulx, 2006 : 307). L’approche socio-cognitive renouvelle la vision de l’organisation qui n’est plus conçue sur un mode linéaire causaliste et contraignant, mais aussi intégrée comme participant dans la co-construction des usages et pratiques. Nous ne considérons pas l’organisation comme acteur mais comme environnement cognitif (Proulx, 2006 : 306) ou écosystème dans lequel rentrent également les politiques institutionnelles, les lois et règlements législatifs ainsi

161 que l’innovation technologique, qui doivent être appréhendés comme pratiques, c’est-à-dire comme actualisation de ces politiques et innovations. Cette vision de l’organisation est compatible avec la théorie de l’auto-éco-organisation d’Edgar Morin (1979).

Après avoir analysé les strates d’usages en fonction de l’environnement socio-éco-politique et organisationnel, nous pouvons rentrer dans l’analyse des pratiques. Il s’agit de décrire les pratiques afférentes à l’utilisation d’outils et de médias grâce à l’analyse contextuelle précédente. La genèse des pratiques, c’est-à-dire la prise en compte des pratiques antérieures, offre une comparaison aux pratiques actuelles afin de faire émerger la part sociale des pratiques (leur actualisation et/ou reproduction). Pour cela, nous nous référons aux travaux socio-médiatiques et sociotiques de Vincent Meyer (2004) et de Jean-Yves Trépos (2002) quant à la sociologie de la compétence. Nous pourrons ainsi mettre en avant la tension entre performance de sa culture (processus d’acculturation voire d’assimilation technique, numérique, professionnelle) et compétence communicationnelle. Tous deux passent par des manifestations et des équipements de sa professionnalité (accompagnant) et de son humanité, au sens de processus d’identisation (prothèse cognitive, a-normalisation du handicap et théorie du double). Pour ce faire, nous faisons également appel à des études statistiques sur les usages et les pratiques technologiques en France. Une tension trouve ses fondements dans deux conceptions de l’action : l’agir technique (l’expérimentation par l’action) et l’activité intellectuelle (changer les représentations), que le principe dialogique nous permet de penser ensemble car nous considérons la parole comme action. Les professionnels « ne font pas à la place de » (performance culturelle), mais « disent pour faire-faire » (compétence communicactionnelle), c’est un acte performatif ; les discours des personnes handicapées sont la trace d’une compétence culturelle (connaissance et emploi du vocabulaire approprié pour décrire un usage).

- Des logiques sociales (relation) à la régularité et mutation des postures, compétences, légitimités

L’ambition de ce mouvement est d’articuler les logiques sociales (via notamment les significations d’usage) à l’évolution des postures professionnelles. Les interactions homme- machine et les travaux sur la communication médiatisée rentrent dans cette section. La tension entre instrumentalisation, médiatisation et médiation sont au cœur de ces recherches (Rabardel, 2009 ; Grosjean, 2004 ; Mœglin, 2005 ; Peraya et Ott, 2001, Peraya, 1998, 1999, 2001). Ces approches se scindent finalement en deux problématiques avec des choix de

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cadrages théoriques différents mais inclusifs (Paquienséguy, 2006) : les dispositifs et les pratiques de médiation notamment communicationnelles. Nous considérons, à l’instar de Madeleine Akrich (1993 : 87), que l’activité de médiation caractérisant les pratiques professionnelles est une « mise en relation active entre l’homme et certains éléments de son environnement » ; bien que l’auteur propose cette définition pour celle de dispositif (nous avons déjà explicité notre choix de parler de système auto-éco-organisateur). De surcroît, comme le remarque Joël le Marec (2004 : 141), « des travaux sur les usages et les médiations se développent contre une structuration bipolaire des rapports sociaux (rapports dominants/dominés, rapports de production/consommation, rapports d’émission/réception, rapports d’offre/demande, etc.) ».

Nous tenons pour acquis que l’usage et la pratique ont une visée instrumentale, l’usage est alors action sur et la pratique est être avec. Un résultat de l’instrumentation peut être la médiation et tour à tour le sujet, son mobile et l’artefact peuvent remplir cette fonction et endosser ce rôle selon la situation. L’analyse en termes d’usage prescrits par les concepteurs d’objets est réalisée au sein de différentes études. En revanche, les pratiques sont moins appréhendées dans leurs influences réciproques. Par exemple, comment les pratiques des TIC au sein d’un écosystème et entre écosystèmes se façonnent-elles ? Quelle(s) théorie(s) est