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La mobilité générée par les loisirs

1) le délassement : ce temps sert à délivrer de la fatigue physique des obligations quotidiennes, en particulier du travail ;

2.3.  La mobilité générée par les loisirs

2.3.1. Les espaces du temps libre

La durée importante du temps libéré des obligations du travail et des contraintes du ménage implique le développement d’activités variées visant à répondre aux besoins et aux aspirations des individus.

Les études montrent que la majorité de ce temps est passé à domicile. Götz (2007) souligne que, dans les enquêtes allemandes de l’institut BAT sur le temps libre, sept des activités les plus citées par les enquêtés relèvent plutôt d’activités domestiques : regarder la télévision, lire les journaux, écouter la radio ou de la musique, téléphoner, dormir, se reposer, entretenir le jardin. En outre, avec le développement récent des outils de communication et de divertissement, on observe une tendance continue à l’augmentation des budgets-temps consacrés aux activités conduites à la maison – Internet, télévision, DVD, radio, ordinateur, jeux vidéo – qui indique un certain repli vers le domicile et vers la sphère privée durant les temps de loisirs.

Inévitablement, le temps libre est également associé à un nombre important d’activités réalisées à l’extérieur du domicile. Götz montre que vingt-six des cinquante-cinq activités citées par les enquêtés impliquent, directement ou indirectement, la fréquentation d’espaces géographiques situés en dehors du lieu de résidence. Parmi ces activités, le maintien des liens sociaux et familiaux constitue clairement le groupe d’activités dominant. Les visites à des proches ou à des amis, la fréquentation de lieux de sociabilité et d’« être ensemble » (bars, restaurants, fêtes, etc.) constituent ainsi les activités typiques pour lesquelles l’espace domestique est délaissé durant le temps libre. Les occupations de plein air, le sport, la détente et l’évasion appartiennent, quant à elles, à la deuxième grande famille d’activités accomplies à l’extérieur.

Plusieurs auteurs mettent ici en évidence que la propension à passer le temps libre à domicile ou à l’extérieur est, en réalité, très dépendante des milieux sociaux et des revenus familiaux. Cette valorisation différente du temps libéré commence dès le plus jeune âge. Les enfants des ménages aisés réalisent ainsi plus d’activités sportives, culturelles ou associatives, et cette tendance se poursuit chez les adultes jusqu’à la retraite. Les loisirs des ménages plus modestes se caractérisent par une plus forte domesticité de leurs activités (Orfeuil, 2008 ; Paulo, 2006 ; Potier et Zegel, 2003). Götz (2007) abonde également dans ce sens, démontrant à partir d’une analyse en

cluster l’existence de différentes variantes de rapport aux activités domestiques et

extérieures.

2.3.2. Les mobilités de loisirs et leur importance croissante

Même si les activités passées à domicile représentent la part principale des budgets-temps de loisirs et que cette dernière tend plutôt à s’accroître, la croissance générale du temps libre dégagé pendant la vie éveillée des individus implique une croissance en

valeur absolue du nombre des activités réalisées hors du domicile. Le développement du temps libre a donc également pour corollaire une croissance de la part de la mobilité réalisée pour le motif loisirs dans l’ensemble des déplacements des individus.

Cette part majoritaire et grandissante du motif loisirs caractérise l’ensemble des pays occidentaux depuis plusieurs décennies déjà (Banister et Button, 1993), et est particulièrement bien observée en Suisse. Selon les résultats du MRMT 2005 et 2010 (OFS, 2007, 2012), les loisirs constituent désormais le premier motif de déplacement des résidents suisses, avant le motif travail et le motif achats. Cette position dominante est vérifiée s’agissant aussi bien des distances journalières parcourues – 44 % – que de la durée des déplacements – 50 %.

Parallèlement aux grandes évolutions sociétales – diminution générale du temps de travail, augmentation des revenus, évolution des modes de vie et des rapports de genre, allongement de l’espérance de vie, etc. –, d’autres facteurs ont contribué à l’augmentation des mobilités réalisées pour le motif loisirs :

– l’amélioration des conditions de transport : le développement des réseaux routiers, l’offre de trains à grande vitesse et la multiplication des liaisons aériennes rendent plus accessibles les destinations les plus éloignées, notamment grâce aux offres low-cost qui ont révolutionné l’accès aux déplacements aériens (Barrett, 2004 ; Doganis, 2009) ;

– les nouvelles localisations des grands équipements de loisirs en périphérie des grands centres urbains ;

– la spatialité des réseaux sociaux : les visites à des proches ou à des connaissances représentent une part importante des déplacements de loisirs, et la dispersion progressive des membres des réseaux sociaux, rendue possible par une opacité de l’espace toujours plus faible, a par conséquent entraîné une augmentation des distances parcourues pour ce motif (Axhausen, 2007, 2008 ; Schlich, Schönfelder, Hanson et Axhausen, 2004, 2002) ;

– la croissance globale des déplacements à longue distance avec l’apparition

d’individus « hypermobiles » (Ascher, 2005), notamment pour motif professionnel

(Viry et Kaufmann, 2015 ; Ravalet et al., 2015) ; ces derniers constituent une frange de la population dont le mode de vie est fortement marqué par la consommation de distances et l’utilisation de moyens de transport rapides ; ces voyageurs développent un capital-mobilité important qu’ils investissent aussi dans la sphère du temps libre.

2.3.3. Les déplacements de loisirs routiniers et occasionnels

Contrairement à une idée répandue, la mobilité de loisirs ne relève pas uniquement de la mobilité occasionnelle, mais s’inscrit aussi en grande partie dans les rythmes quotidiens ou hebdomadaires des individus et des ménages.

mobiLitédeLoisirsquotidienne,

occasionneLLe, excursions, etvoyages

La littérature opère généralement une distinction selon la temporalité et l’espace dans lesquels s’inscrit la mobilité de loisirs :

 lorsque le déplacement de loisir commence et se termine dans la même journée

et est fréquemment réalisé (soit au minimum une fois par mois), on parlera de mobilité de loisirs quotidienne ou routinière ;

 lorsque ce déplacement est réalisé plus rarement qu’une fois par mois et concerne un autre bassin de vie, on évoquera une mobilité  de  loisirs  occasionnelle qui se répartit elle- même entre :

o les excursions ou les voyages  d’une  journée, qui commencent et se terminent au cours de la même journée ;

o les voyages avec nuitées, qui impliquent une ou plusieurs nuits passées à l’extérieur du domicile principal.

Les limites proposées par cette définition se heurtent bien sûr aux situations dans lesquelles les mobilités de loisirs revêtent à la fois un aspect occasionnel, en raison de la sortie du bassin de vie et de leur durée excédant la journée, mais sont suffisamment répétées pour s’apparenter à de réelles routines hebdomadaires ou mensuelles. Cela peut être le cas, par exemple, des déplacements vers une résidence secondaire, une mobilité qui entre dans ce que Vincent Kaufmann appelle les « formes hybrides de déplacements » (Kaufmann, 2008).

Cette faiblesse de définition n’a que peu de conséquences sur les conclusions et sur les enseignements que nous formulerons, dès lors que nous proposons d’additionner

in fine tous les types de déplacements.

En 2010, 50 % des distances parcourues pour le motif loisirs par les résidents suisses, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, concernent une mobilité de loisirs quotidienne. Parmi les déplacements réalisés du lundi au vendredi, 30 % se rattachaient au motif loisirs, la plupart du temps dans le prolongement du travail (déjeuner, apéritif, visites, sport, etc.). Le dimanche, cette part s’élève même à 76 % (OFS, 2012). La place de la mobilité de loisirs dans la mobilité quotidienne a par ailleurs sensiblement augmenté durant les deux dernières décennies. Une augmentation à mettre en lien avec l’accroissement des enchaînements d’activités au cours d’une journée sans passage par le domicile, que l’on désigne par le terme de « boucles de déplacements » (Boulahbal, 1995 ; Jones et Orfeuil, 1990 ; Minvielle, 2000). Avec la complexification spatiale et temporelle de ces boucles, le recours à l’automobile pour la mobilité de loisirs est aussi devenu plus fréquent (Ascher, 1998 ; Flamm, 2003). Cette tendance a encore été renforcée par une localisation des grands équipements sportifs et de loisirs (cinémas, parcs d’attractions, salons d’expositions, etc.) généralement tournée vers l’accessibilité automobile (Dupuy, 1999).

La mobilité de loisirs occasionnelle (voyages d’une journée et voyages avec nuitées) représente l’autre moitié des distances parcourues annuellement pour le motif loisirs en Suisse. La place très importante de l’avion est remarquable pour ces déplacements qui ne s’inscrivent pas dans les routines des individus. En 2010, des 6 600 km parcourus par les résidents suisses dans le cadre de leur mobilité de loisirs occasionnelle, plus de la moitié concernaient des déplacements réalisés en avion et environ 30 % les transports individuels motorisés (OFS, 2012).

3. L

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Aborder finement les mécanismes d’interaction entre les territoires et les mobilités qui y sont associées requiert une approche par les modes de vie. Ce concept offre, en effet, une grille d’analyse qui met en relation représentations, aspirations et pratiques et qui, dans ce sens, s’avère extrêmement précieuse pour interpréter les spatialités propres à chaque individu.