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Le choix résidentiel : une des traductions spatiales des modes de vie qui structurent les mobilités

1) le délassement : ce temps sert à délivrer de la fatigue physique des obligations quotidiennes, en particulier du travail ;

3.2.  Les liens entre territoires et modes de vie

3.3.2. Le choix résidentiel : une des traductions spatiales des modes de vie qui structurent les mobilités

Si les modes de vie sont fortement associés à des types de mobilité, c’est notamment en raison de leur prégnance dans le choix résidentiel des citadins. Celui-ci peut, en effet, être considéré comme une des traductions spatiales les plus visibles de ces agencements quotidiens et des valeurs qui les sous-tendent. Ce choix comporte ensuite des conséquences très importantes sur les mobilités qu’ils réalisent, comme nous l’ont montré les nombreuses études que nous avons mentionnées supra. Comprendre les logiques inhérentes au choix résidentiel des individus devient dès lors primordial si l’on veut mieux saisir comment ceux-ci agencent leurs déplacements. Face à l’abondante littérature existante sur les migrations résidentielles et le choix du lieu de vie6, on se contentera de mentionner les principaux enseignements utiles à l’objet de recherche examiné ici.

Comme son nom l’indique, le choix résidentiel est d’abord un choix, c’est-à-dire qu’il suppose, par définition, l’existence d’une marge de manœuvre, même minime, chez les acteurs concernés. Ce choix s’inscrit dans un système de contraintes plus ou

moins lourd qui s’impose naturellement à ces derniers (Bonvalet et Dureau, 2000). Parmi ces contraintes qui définissent le champ des possibles, on trouve celles concer-nant une échelle macro, comme le marché immobilier, le régime économique, les politiques du logement et les systèmes de financement pour l’accession à la propriété. Parmi celles relevant d’une échelle micro, le revenu et la fortune des ménages, leur composition et leur dynamique, leurs besoins physiques, leurs réseaux sociaux et leur distribution spatiale, leurs connaissances ou leur capital culturel, etc. Pour mieux expliciter cette marge de manœuvre, certains auteurs évoquent des stratégies résidentielles, comme Jacques Brun, qui souligne que l’« on admet que les individus et les ménages disposent au cours de leur vie d’un minimum de liberté d’action et de lucidité dans leurs pratiques résidentielles » (Brun, 1990, p. 299). Aborder ces straté-gies consiste à comprendre comment les acteurs font des compromis et hiérarchisent leurs préférences face aux contraintes qui pèsent sur eux (Authier, Bonvalet et Lévy, 2010). Ce point de vue est crucial, puisqu’il suppose que les habitants des territoires urbains centraux, suburbains ou périurbains ne sont pas prisonniers de leur localisa-tion et que cette dernière résulte d’un choix plus ou moins actif. Selon ce point de vue théorique, la décision de rester à l’endroit où l’on a grandi, même si cela suppose une sorte de statu quo plus passif, doit aussi être considérée comme un choix.

Pour Catherine Bonvalet et Françoise Dureau (2000), les facteurs décisifs dans ces stratégies sont au nombre de trois. C’est le statut d’occupation qui, selon les auteures, semble « gouverner les autres décisions » (p. 136). Un rôle majeur qui découle du fait que l’accession à la propriété, une étape très fortement ancrée dans certaines cultures nationales, est très généralement synonyme d’ascension sociale et constitue donc une forte aspiration pour beaucoup de ménages. Le type d’habitat représente un deuxième facteur clé. Les préférences, rarement substituables, pour une maison individuelle, un appartement ou encore un habitat en coopérative orientent fortement le choix résidentiel. Enfin, la localisation, qui constitue, selon Bonvalet et Dureau, le choix d’un rapport à la métropole, à la centralité, aux accessibilités et aux fonction-nalités variées proposées, à l’entre-soi ou à la différence sociale. Pour Jacques Lévy (2012), la localisation implique un véritable choix de société (voir l’encadré ci- dessous). Pour reprendre les concepts présentés plus haut, la stratégie résidentielle se rattache donc à une vision assez précise des offres fonctionnelle, sociale et sensible que son cadre de vie doit comprendre, indépendamment du statut d’occupation ou du type d’habitat. À ces trois facteurs dont la combinaison est propre à chaque acteur et à chaque contexte, les deux auteures ajoutent les réseaux sociaux et familiaux, dont les configurations, normes et localisations ont une influence déterminante sur ces stratégies (Bonvalet et Masson, 1999).

Un autre enseignement clé de la littérature sur le sujet est relatif à l’occurrence des choix résidentiels. Ces derniers interviennent à des moments bien précis du parcours de vie. Pour Clark et Onaka (1983), qui ont établi une typologie des mouvements résidentiels, les mouvements volontaires qui s’opposent aux mouvements forcés (par exemple à la suite de la destruction du logement) peuvent relever d’ajustements

ou être induits. Les ajustements concernent une recherche d’amélioration des conditions générales de logement ou de localisation (par exemple, de plus grandes surfaces, ou plus près du centre) sans qu’une contrainte spécifique ne le provoque. Dans le cas des mouvements induits, un changement structurel dans la composition du ménage ou dans la situation professionnelle est à l’origine du déménagement. Ce type de changement peut aussi impliquer une dégradation de la qualité de vie, par exemple l’emménagement dans un logement beaucoup plus petit pour faire face à des variations importantes de revenu (chômage, divorce, retraite, etc.). Comme Rérat le précise (2009, p. 49), ces catégories peuvent s’imbriquer, et un mouvement peut à la fois relever d’une recherche d’amélioration de la satisfaction résidentielle et être induit par un changement structurel important (naissance, nouvel emploi, etc.).

Legéotypecommechoixdesociété

Pour Jacques Lévy (2012), la ville contemporaine « suppose et engendre une exposition multiple des urbains à différents types d’altérité » (p. 203). Elle se caractérise par des degrés variés d’urbanité préférés par certains groupes sociaux. Selon lui, deux logiques résidentielles tendent alors à s’opposer : celle de la « ville assumée », véhiculée par celles et ceux qui apprécient la ville dans sa densité, sa diversité et sa sérendipité, et celle de la « ville refusée », celle de citadins aspirant à une mise à l’écart vis- à- vis des populations les plus précaires tout en profitant des avantages fonctionnels procurés par la ville. Le choix des géotypes comme lieu de résidence découle ainsi avant tout d’un choix de société. Un argument que Lévy appuie en soulignant les corrélations fortes existant entre ce choix et d’autres choix de société, notamment politiques, en se référant au vote Front national plus présent dans le périurbain, la forme urbaine typique de cette diversité refusée.

Ne prêtant aucune espèce de vertu à la forme périurbaine et surtout pas celle de retenir ses habitants durant les loisirs comme le suggère l’hypothèse de compensation, Jacques Lévy insiste en affirmant que « le périurbain est un choix aux conséquences lourdes pour la société » (p. 207), notamment parce qu’il s’oppose à la productivité économique, à la cohésion sociale et à l’utilisation parcimonieuse des ressources naturelles, c’est-à-dire les trois piliers du développement durable.

Cette argumentation au vitriol de Lévy n’a pas manqué d’animer un vif débat en France. Se fondant sur une étude qualitative, Charmes, Launay et Vermeersch (2013) rétorquent par exemple que le périurbain ne s’oppose en rien à la ville, et que ses habitants ne se caractérisent pas tous, et de loin, par un repli sur soi et un rapport hostile à la diversité, mais plutôt par la volonté de profiter d’aménités parti-culières absentes dans les villes- centres. Ce à quoi Lévy (2013) répond en souli-gnant, entre autres, que la force des faits statistiques appuyant son argumentation (force avérée du vote FN dans ces territoires) ne saurait être remise en cause par la preuve qualitative de l’existence de différents cas de figure parmi les résidents du périurbain.

3.4. Une variable intermédiaire à la base des associations