7.6 Organisation d’un calcul HOST-ASDOBI
8.1.1 Mise en forme du problème pour le calcul de la courbe des points d’équilibre121
Soit un système dynamique X˙ = f(X, U) dont les points d’équilibre sont recherchés. Ces
derniers sont assimilés aux valeurs d’états et de commandes(X, U) qui annulent la dynamique
du système.
La mise en œuvre de la méthodologie nécessite l’utilisation de l’algorithme de continuation.
Cependant, comme expliqué dans la section 5.1, l’algorithme de continuation résout un
problème impliciteayantnéquations et (n+ 1)variables. Il s’ensuit qu’il n’utilise qu’un seul
paramètre de contrôle et qu’il est nécessaire de choisir celui à faire varier pour cette étude de
bifurcation.
Pour un hélicoptère, la traction développée par le rotor est directement liée à l’angle d’attaque
des pales dont la valeur moyenne est commandée par le pas collectif DT0 du rotor principal,
c’est donc cette commande qui a été choisie comme paramètre de contrôle du diagramme de
bifurcation dans le cas de l’étude du Vortex Ring State. En effet, ce phénomène apparaissant au
niveau du rotor principal en vol de descente, le pas collectif est la commande prédominante dans
122 Etude d’un cas de bifurcation réelle : l’état d’anneaux tourbillonnaires
ce type de vol.
Dans un premier temps, une tentative est faite de procéder de la même façon que pour
les études menées sur les avions. Elle consiste à concevoir des lois qui font varier les autres
commandes de façon linéaire par rapport à DT0 en rajoutant des équations qui gouvernent les
commandes directement, comme DT A=k
0×DT0 +k
1.
Mais la dynamique non-linéaire très forte et les couplages importants de l’hélicoptère rendent
de telles lois totalement inefficaces pour fixer le cas de vol et stabiliser l’appareil en un point
donné. Même en asservissant chacune des commandes (par des lois linéaires), l’hélicoptère
de-vient immédiatement instable dès qu’il s’éloigne légèrement du point d’équilibre initial.
Fig. 8.1. Lois implicites pour imposer le cas de vol
Par conséquent, la décision est prise d’imposer les conditions de vol avec des lois qui sont
en fait définies de façon implicite (schéma 8.1). Elles sont construites par l’intermédiaire des
équations algébriques qui correspondent au cas des vols de descente i.e. dans un plan vertical et
de vitesse de lacet nulle :
R
hel(X, U, DT C, DT S,DTA) = 0
V
Y(X, U,DTC, DT S, DT A) = 0
V
X(X, U, DT C,DTS, DT A) =const
La commande qui se retrouve principalement déterminée par chaque équation est marquée
en gras :
– la condition de vitesse de lacet nulle détermine la commande du rotor arrièreDT A
– la condition de vitesse latérale nulle impose le pas cyclique latéral DT C
– la condition de vitesse longitudinale constante fixe le pas cyclique longitudinalDT S
Ces équations algébriques permettent de spécifier ou d’imposer un cas de vol donné sans
qu’il ne soit nécessaire de construire une loi de commande explicite qui, de toute façon, ne serait
valide qu’aux alentours immédiats du point choisi pour la conception de cette loi. En effet, les
très nombreux couplages et les fortes non-linéarités de l’hélicoptère rendent (la validité de) toute
boucle de retour figée inadaptée dès que l’état s’écarte du point de conception de cette loi de
commande. En agissant de la sorte, le pas collectif DT0 peut être choisi comme paramètre de
continuation tandis que les trois commandes(DT C, DT S, DT A) sont déterminées par les
équa-tions algébriques complémentaires.
Courbe caractéristique des points d’équilibre (diagramme de bifurcation) 123
En résumé, la description mathématique du problème est la suivante. Le modèle d’hélicoptère
se compose de 13 équations pour 14 variables. Les variables sont constituées de 10 états et de 4
commandes. Quant aux équations, il y a d’une part celles qui correspondent à l’annulation des
dynamiques :
˙
X=nU˙
hel,V˙
hel,W˙
hel,P˙
hel,Q˙
hel,R˙
hel,φ,˙ θ,˙ V im˙
RP,V im˙
RAo= 0
et d’autre part celles qui correspondent aux contraintes algébriques imposant le cas de vol :
{R
hel, V
Y, V
X}={0,0, const}
La commande principale est le pas collectif DT0 et les commandes supplémentaires sont
{DT C, DT S, DT A}.
La formulation mathématique adoptée n’est plus celle usuelle d’un système différentiel. Comme
des équations algébriques sont prises en compte, il s’agit en fait d’unsystème algébro-différentiel
(DAE). La méthodologie d’analyse devra s’adapter à cette situation.
La figure (8.2) montre une comparaison de la courbe de gauche obtenue par balayage avec
l’al-gorithme de Newton-Raphson du HOST avec celle de droite issue de la continuation d’ASDOBI.
Elle certifie que les mêmes valeurs sont bien retrouvées et valide le travail de couplage.
Fig.8.2. Comparaison des courbes de points d’équilibre obtenues par balayage avec le HOST (à
gauche) ou par continuation avec ASDOBI (à droite)
Les travaux de théorie des bifurcations appliquée recherchent souvent à appliquer la
mé-thodologie sur le modèle le plus réduit possible et commencent la plupart du temps par une
phase de réduction de modèles. Suivant cette démarche habituelle et dans un premier temps, les
investigations se limitaient aux états {W
hel, V im
RP} afin de choisir un modèle de petite taille
mais contenant toute l’information nécessaire au cas de vol étudié i.e. l’état d’anneaux
tourbillon-naires en vol de descente. Cependant, l’approximation se révèle mauvaise après comparaison avec
le balayage d’équilibre correspondant. Cela provient du fait que dans le cas du système restreint
les autres états de l’hélicoptère ne varient pas, comme les assiettes latérales et longitudinalesφ
124 Etude d’un cas de bifurcation réelle : l’état d’anneaux tourbillonnaires
A noter qu’à première vue, il peut sembler paradoxal de considérer les vitesses induites comme
des variables d’état mais en fait pour un hélicoptère, il est important d’avoir des variables qui
ca-ractérisent le rotor et en particulier sa dynamique représentée ici par la vitesse induite moyenne.
Par ailleurs, la prise en compte de la dynamique de la vitesse induite permet aussi d’équilibrer
celle-ci, la traction et les angles de conicité, qui sont tous interdépendants, la conicité désignant
l’angle de battement moyen des pales β
0.
Une alternative pratique à cette première formulation consiste à réécrire le problème en
ra-joutant l’équation algébrique : V
Z(X, U,DT0, DT C, DT S, DT A) = V
Z0. Le pas collectif DT0
est alors gouverné grâce à une équation implicite et le paramètre de contrôle devient alors la
vitesse de descente verticale V
Z0.
Le problème est alors décrit par14 équations et15 variables. Les paramètres de contrôle
sont V
Z0etV
H0, ces derniers définissent les conditions du vol de descente.
8.1.2 Résultat et interprétation
L’application du couple de codes HOST-ASDOBI au cas du vol de descente de l’hélicoptère
Dauphin traversant le Vortex Ring State permet de déterminer la courbe des points d’équilibre,
appeléediagramme de bifurcation, obtenue après calcul avec l’algorithme de continuation et
illustrée par (8.3). Le paramètre de contrôle utilisé est ici le pas collectif DT0. C’est donc lui qui
se retrouve en abscisse. Les états du système et les variables contraintes sont en ordonnée.
Lieu des points de bifurcation 125
Il y a 2 branches d’équilibres stables (en vert) au milieu desquelles se trouve une
branche instable(en rouge). Les deux bifurcations sont despoints de retournement, cas
particulier de bifurcation (associée à une valeur propre) réelle. Entre les deux points de
bifurcation, la branche est instable et pour une valeur du paramètre de contrôle comprise entre
ces deux valeurs critiques, il apparaît 3 états d’équilibre. En dehors de cette zone, il ne reste plus
qu’un seul état d’équilibre stable. Lediagramme de bifurcationest typique d’unhystérésis.
Concrètement, pour le type de vol étudié (descente dans un plan vertical), l’instabilité
pos-sible liée au VRS apparaît sur le mouvement du centre de gravité. La stabilité du système peut
donc être caractérisée par le jeu de variables{V
X, V
Z, V im
RP}, ce qui dans le repère hélicoptère
correspond à {U
hel, V
hel, W
hel, V im
RP}. Les autres variables sont prises en compte afin d’avoir
des résultats réalistes (sinon des variables resteraient fixées arbitrairement). Mais ces dernières
ne caractérisent pas physiquement la stabilité du système.
Au niveau du premier point de bifurcation dont la vitesse de descente est la moins forte et du
deuxième de vitesse de descente la plus importante, les matrices jacobiennes du système complet
ont pour vecteurs propres associés à la valeur propre nulle :
0.0212 -0.0039 -0.0464 0.0511 -0.6957 0.6968 -0.0000 0.0000 0.0000 0.0000 0.0000 0.0000 -0.0000 -0.0001 0.0011 -0.0012 -0.7162 0.7146 0.0205 -0.0337 -0.0001 0.0002 -0.0013 0.0018 0.0000 -0.0000
Les composantes dominantes sontW
heletV im
RPqui sont effectivement des variables
forte-ment liés à l’état d’anneaux tourbillonnaires.
Au point de bifurcation, comme le système ne peut se stabiliser sur une branche instable et
que le nombre de points d’équilibre pour une commande donnée change, il se produit un saut
qui s’observe sur le diagramme de bifurcation (8.3). Il rend compte de la perte de stabilité
de l’hélicoptère quand il rentre en état d’anneaux tourbillonnaires et des vitesses de
descente importantesqui animent soudainementl’appareil.
Transition : La courbe des points d’équilibre de l’hélicoptère en Vortex Ring State a été
déterminée par continuation et ses propriétés ont été dégagées. Le calcul du lieu des points de
bifurcation permettra ensuite de délimiter la zone critique du VRS.
Dans le document
Théorie des bifurcations appliquée à l'analyse de la dynamique du vol des hélicoptères
(Page 122-126)