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Deuxième non-linéarité : la limitation en vitesse de l’actionneur

10.2 Deuxième cas : le pilote automatique complet du concept ADOCS

10.2.3 Deuxième non-linéarité : la limitation en vitesse de l’actionneur

mécaniques. Il ne peut atteindre l’état demandé qu’avec une vitesse maximale de 10inch/sec

[Tischler 1987, page 75]. Cette restriction peut donner lieu à du PIO. Mais, comme le limiteur

se trouve dans la boucle de rétro-action ("feedback"), et non plus dans la pré-commande

("feed-forward"), son influence est beaucoup plus déstabilisante. C’est pourquoi pour étudier cette

non-linéarité, dans la configuration choisie (10.20), les différents retards et le filtre du manche

sont supprimés afin de rendre le système le plus stable possible. Dans la même optique, les gains

de la boucle de retour sont réduits et valentK

θ

= 14.52, K

q

= 9.19.

Pour cette étude, il est demandé au pilote de suivre une consigne sinusoïdale. Le modèle de

pilote choisi est précognitif synchrone et est déterminé par la théorie du "crossover". Le pilote

est modélisé par un gain pur deK

p

= 1, ce qui correspond à une phase de "crossover" de−130˚

et à un opérateur nerveux. En effet, la sensibilité du gain pilote est ajustée de telle sorte que

l’angle de "crossover" du système pilote-aéronef en boucle ouverte prenne des valeurs allant de

−90˚(pilote peu nerveux) à−130˚(pilote nerveux) pour une manœuvre se développant sur l’axe

de tangage et de−110˚ à −160˚ pour les mouvements latéraux [Gilbreath 2001, page 2-18].

Pour ce qui est du système examiné ici, il est composé de l’hélicoptère et du pilote en boucle

fermé. Quant aux bifurcations rencontrées, elles vont donner lieu à des sauts en amplitude et en

phase de la réponse périodique. C’est une conséquence du fait que, contrairement à un système

linéaire, un système non-linéaire peut posséder, pour une pulsation et une amplitude de consigne

176 Analyse de bifurcations de cycles limites : les oscillations induites par le pilote

Fig. 10.20. Schéma Simulink de l’ADOCS avec un actionneur limité en vitesse

données, plusieurs orbites périodiques solutions.

En ce qui concerne la non-linéarité du pilote automatique passée à la loupe, tant que les taux

de variations à l’entrée du limiteur en vitesse sont inférieurs à la valeur-plafond, le système

ré-pond de façon linéaire. Quand la pulsation de la consigne augmente (son amplitude restant fixe),

la borne peut être atteinte et la pulsation correspondante est notée ωˆ

onset

. De façon générale

[Hanke 2003], quand la pulsation ω dépasse1.862ˆω

onset

, le limiteur en vitesse est complètement

saturé. L’effet principal du limiteur en vitesse est de rajouter un retard de phase, ce qui se produit

de façon visible dès que ω >1.38ˆω

onset

. Il peut éventuellement se produire un saut de phase i.e.

un brusque surplus de retard dans l’établissement de l’état du système à la valeur de la consigne,

mais l’effet n’est vraiment perceptible que si la phase additionnelle est importante et que la perte

d’amplitude ne l’est pas. Ce phénomène de saut est dénommé résonance non-linéaire ou "jump

resonance" en anglais et est une conséquence de la multiplicité des orbites périodiques solutions

du système et des sauts d’état associés lors du brusque passage de l’une à l’autre de ces solutions

périodiques pour certaines pulsations de la consigne.

Pour calculer l’amplitudeAet le déphasageφde l’état d’entrée du limiteur en vitesse dont le

premier harmonique estN(A, φ), il faut résoudre l’équation suivante qui détermine sa dynamique

en fonction de la consigneθ

c

et qui est issue de l’écriture de la fonction de transfert (quasi-linéaire)

correspondant au dispositif (10.20) :

(1 +Rotor·RigidBody·N(A, φ)·Actuator·(K

p

·Command+F eedback))·Aexp(jφ)

=Actuator·Command·θ

c

Les équations à annuler correspondent aux parties réelle et imaginaire de l’expression

ci-dessus. Les solutions sont déterminées par continuation du problème implicite dont les variables

Deuxième cas : le pilote automatique complet du concept ADOCS 177

sont A,φet le module deθ

c

.

Dans un premier volet de l’analyse, la continuation calcule l’amplitude et le déphasage(A, φ)

du signal d’entrée du limiteur en vitesse x en fonction de l’amplitude de la consigne |θ

c

|. La

situation choisie est celle pour laquelle la consigne est une sinusoïde de pulsation ω= 2rad/set

la nervosité du pilote est donnée par le gainK

p

= 1.

Fig.10.21. Amplitude du signal d’entrée de l’actionneur limité en vitesse en fonction de

l’am-plitude de la consigne

L’aspérité observée est due au raccord réalisé entre les différentes formules du gain complexe

(qui correspondent aux différentes phases de fonctionnement de la non-linéarité). Sur la figure

(10.21), il y a unsaut en amplitude quand la consigne passe de 0.33rad à 0.34rad:

l’am-plitude de l’état d’entrée de la non-linéarité s’élève brusquement de 6 à 10 environ et il existe

une orbite de retournement. Les simulations temporelles associées à ces deux cas sont réalisées

i.e. l’une avant la bifurcation et l’autre après cette dernière.

178 Analyse de bifurcations de cycles limites : les oscillations induites par le pilote

Fig. 10.22. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pourK

p

= 1et|θ

c

|=

0.33rad

Fig. 10.23. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pourK

p

= 1et|θ

c

|=

0.34rad

Pour éviter un certain nombre de problèmes numériques liés à l’utilisation d’un limiteur en

vitesse, celui-ci n’est rendu actif qu’après 40s. En effet, les variations brusques au début de la

simulation font saturer complètement la discontinuité et le régime permanent théorique n’arrive

plus à être atteint. Cependant, à cause de l’instabilité numérique forte induite par la présence

d’une saturation dans une boucle fermée, les simulations divergent dans cette situation. Le

chan-gement violent de leur comportement laisse penser que la prédiction du saut se révèle, quant à

elle, quand même vérifiée.

Après avoir dans un premier temps illustré le cas d’un saut lors d’un balayage en amplitude

de la consigne, la suite des travaux menés cherche à mettre en évidence la possibilité d’un saut

lors d’un balayage en pulsation de la consigne. Pour y arriver, la méthodologie utilisée provient

Deuxième cas : le pilote automatique complet du concept ADOCS 179

de [Gilbreath 2001] qui calcule l’amplitude et la phase (A, φ) de la solution en fonction de la

pulsation de la consigne en minimisant la norme de :

(1 +Rotor·RigidBody·N(A, φ)·Actuator·(K

p

·Command+F eedback))·Aexp(jφ)

−Actuator·Command·θ

c

En effet, la norme de cette dernière a souvent une valeur-plancher nulle, ce qui permet en

cherchant le minimum ou les minima de retrouver indirectement la/les solution(s) de l’équation.

La fonctionnelle présente plusieurs puits qui sont des minima locaux. Quand le minimum global

passe d’un puit à un autre, il se produit alors un phénomène de saut. L’implémentation pratique

se base sur l’exploitation de la routinefminsearch de matlab.

Avec une consigne d’amplitude|θ

c

|= 20π/180rad, une limitation en vitesse deR = 50inch/s

et une nervosité du pilote telle que K

p

= 2, le saut a lieu lorsque la pulsation vaut

ω = 2.65rad/s. Le diagramme de Nichols (10.24) présente le système linéaire (en bleu) et le

système non-linéaire équivalent en boucle ouverte (en vert).

Comme le passage de la fonction de transfert du système en boucle ouverte H

BO

à celle du

système en boucle ferméH

BF

s’effectue par la relation H

BF

=

1+HBOHBO

, la fonction de transfert

en boucle ouverte équivalente du système non-linéaire (quasi-linéaire pour l’application présente)

s’obtient grâce à la formuleH

BO

=

1−HBFHBF

. Cette dernière permet de calculer la deuxième courbe

(verte) à partir de la résolution de l’équation ci-dessus.

Fig. 10.24. Diagramme de Nichols pour

c

|= 20π/180rad etR= 50inch/s

Des simulations temporelles sont accomplies avant et après la bifurcation pour confirmer ou

infirmer la prévision théorique.

180 Analyse de bifurcations de cycles limites : les oscillations induites par le pilote

Fig.10.25. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pour ω= 2.6rad/s

Fig.10.26. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pour ω= 2.7rad/s

Bien que la deuxième saturation diverge, la différence d’évolution constatée indique que le

phénomène de saut ("jump resonance") s’est bien produit et est retrouvé après l’intégration

tem-porelle de Simulink avec un algorithme de Runge et Kutta d’ordre 4 et de pas de temps constant

égal à10

−2

.

Pour illustrer la résonance non-linéaire, comme les simulations temporelles n’ont pu être

menées à bien car de tels systèmes sont trop sensibles, l’examen d’un cas proche de celui du

pilote-dans-la-boucle est exécuté. Il s’agit de la configuration dans laquelle le pilote fournit à

l’hélicoptère une consigne sinusoïdale sans tenir compte de l’assiette longitudinale de l’appareil.

Deuxième cas : le pilote automatique complet du concept ADOCS 181

Fig. 10.27. Schéma du dispositif dans lequel le pilote agit en boucle ouverte

Au cours de l’analyse, les diagrammes de Nichols des systèmes linéaire et non-linéaire sont

comparés dans le cas où la consigne est d’amplitude 20

180π

rad (et la limitation en vitesse est

deR = 10inch/s). La comparaison met en évidence l’existence d’un saut (principalement de

phase)en une pulsation critique ω≈3.27rad/s.

182 Analyse de bifurcations de cycles limites : les oscillations induites par le pilote

Pour ce nouveau dispositif, deux configurations sont simulées, une avant et une après la

bi-furcation.

Fig.10.29. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pour ω= 3.2rad/s

Fig.10.30. Simulations temporelles de θet de l’état d’entrée du limiteur pour ω= 3.3rad/s

Le saut est bien observable et est responsable entre autres d’une augmentation soudaine de

l’amplitude des oscillations à l’entrée du limiteur en vitesse. Par contre, l’influence sur θ ne

semble pas critique et la bifurcation de cycles limites n’est donc pas ici très dangereuse.