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Comme nous l’avions évoqué dans la partie méthode, une autre thèse a été conduite en parallèle

par Elsa Donguy sur les représentations des patients. Il s’agit d’une étude quantitative auprès des

patients des médecins interviewés (68).

340 patients entre 18 et 70 ans ont répondu au questionnaire. La population étudiée est

majoritairement féminine avec 69% de femmes, avec une répartition des âges à peu près similaire à

celle du recensement INSEE 2009.

Les homosexuels représentent 3,2% de l’échantillon, ce qui est un peu en-dessous des chiffres

retrouvés dans les études comme l’enquête CSF (38). L’échantillon n’est donc pas parfaitement

représentatif de la population de l’Ile de France, mais permet d’envisager des résultats plus globaux

72% (76% des femmes et 66% des hommes) des personnes interrogées déclarent avoir déjà

réalisé un test de dépistage du VIH. Ces chiffres sont comparables à ceux retrouvés dans l’enquête

KABP 2010.

44% des jeunes de 18 à 25 ans n’ont jamais réalisé de test. Cette proportion est élevée car elle

tient compte des patients qui n’ont jamais eu de relation sexuelle, mais elle révèle que les jeunes

sont trop peu dépistés. Cela peut être mis en relation avec l’impression des médecins interviewés de

notre étude qui craignent un relâchement des conduites de prévention et de dépistage chez les

jeunes.

35% des personnes de plus de 50 ans déclarent n’avoir jamais réalisé de test de dépistage du

VIH. Même s’il ne s’agit pas de la tranche d’âge la plus à risque, elle représente 18% des

découvertes de séropositivité chez les hommes et 14% chez les femmes. Ces patients sont en

revanche à risque de dépistage tardif car très peu ciblés par les campagnes de dépistage. Dans notre

étude, les médecins pensent en priorité plus aux adultes jeunes qu’aux plus de 50 ans dans le cadre

du dépistage VIH. Il faudrait donc encourager le dépistage de cette population par leur médecin

généraliste, notamment lors de changement dans la vie affective (nouveaux partenaires, séparation,

divorce…) ou dans le cadre de mesures plus globales de dépistage.

40% des 26-40 ans effectuent des tests de dépistage régulièrement et se sentent plus concernés

par les IST que les autres tranches d’âge. Il s’agit de la génération qui a commencé sa sexualité au

moment de l’apparition du sida, ils sont probablement plus sensibilisés aux risques d’IST.

Les tests sont le plus souvent réalisés à la demande du patient (45%) ce qui correspond bien

aux résultats de notre étude sur les médecins. Les patients s’adressent à le ur médecin traitant

principalement (37%) pour avoir une prescription du test. Le médecin traitant est donc bien

l’interlocuteur de choix pour effectuer le dépistage.

Le test du VIH est effectué lors d’un bilan systématique dans la moitié des cas, avant

d’envisager des rapports non protégés dans 20% des cas et après un rapport à risque dans 17% des

cas. Le dépistage systématique est donc le cas le plus fréquent.

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L’étude d’Elsa Donguy met en évidence une très bonne acceptabilité du dépistage

systématique. Près de 80% des patients interrogés accepteraient un test de dépistage systématique

dans un bilan de routine en cas de proposition du médecin et deux tiers des patients n’ayant jamais

fait de test accepteraient le test de dépistage systématique.

Les TROD sont également très bien acceptés par les patients puisque près de 90% des patients

sondés accepteraient de réaliser un TROD au cabinet de leur médecin. 81% des répondants n’ayant

jamais réalisé de test accepteraient le TROD. En comparaison avec notre étude, l’acceptabilité des

TROD par les médecins semble plus mitigée.

Concernant l’abord de la sexualité, on remarque que 68% des patients n’ont jamais parlé de

sexualité avec leur médecin. Et pourtant 72% des patients ont déjà réalisé un test de dépistage du

VIH. On remarque que le dépistage VIH n’est pas forcément lié à l’abord de la sexualité.

Les patients qui ont déjà abordé la sexualité avec leur médecin sont majoritairement ceux qui

connaissent leur médecin depuis plus de 10 ans. Cela souligne l’importance de la confiance dans la

relation médecin-patient pour aborder plus facilement la sexualité.

Parmi les patients n’ayant jamais parlé de sexualité avec leur médecin, un tiers préfèrerait en

discuter avec un spécialiste, 20% ne voit pas l’utilité d’en parler à un médecin, 1,2% a peur de

gêner le médecin, et 7,9% a honte d’en parler à son médecin. Dans la majorité des cas, on s’aperçoit

que la gêne du patient n’est pas un facteur aussi limitant que les médecins de notre étude le pensent.

Trois quarts des patients ne souhaiteraient pas parler plus souvent de sexualité avec leur

médecin. Ce constat est concordant avec ce que les médecins interviewés imaginent de leurs

patients.

Ceux qui aimeraient aborder la sexualité avec leur médecin sont principalement les hommes, la

tranche d’âge 26-40 ans, ceux dont le médecin ne soigne pas d’autres membres de la famille.

60% des patients pensent que c’est au patient d’initier le sujet de la sexualité. Ceux qui

préfèrent que ce soit le médecin qui aborde le sujet en premier sont la tranche d’âge 18-25 ans et

ceux qui ne vivent pas en couple.

En conclusion, l’étude d’Elsa Donguy démontre une très bonne acceptabilité par les patients du

dépistage systématique du VIH et des TROD. En revanche, ils ne souhaitent pas aborder davantage

la sexualité avec leur médecin généraliste.

Le rapprochement des points de vue des patients et des médecins est intéressant, d’autant plus

qu’il s’agit des patients des médecins interviewés. Il est difficile de comparer une étude qualitative

et une étude quantitative, mais de grandes notions ressortent de ces deux études.

En ce qui concerne le dépistage du VIH, les médecins généralistes montrent plus de réserves

que les patients. Les patients acceptent tout à fait l’idée d’un dépistage systématique et sont assez

ouverts aux TROD, ils ont finalement moins de tabous par rapport à la maladie que les médecins ne

l’imaginent. Les médecins souhaiteraient plutôt un renforcement du dépistage ciblé en étant aidé par

des campagnes de santé publique.

En ce qui concerne l’abord de la sexualité, notamment dans le cadre de la prévention du VIH,

les médecins comme les patients émettent des réticences. La sexualité est un sujet délicat qui

dépend fortement de la relation médecin-patient. Le médecin n’est pas neutre et sa manière

d’évoquer la sexualité dépend de son genre, de son âge et de son vécu personnel plutôt que de sa

formation universitaire. L’abord de la sexualité est donc variable au cours de l’exercice de chaque

médecin.

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E. En pratique : comment aider les médecins à améliorer la prise en charge