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a. Première partie du XXème siècle - Naissance de la sexologie

Plusieurs mouvements contestataires naissent au début du XXème siècle, comme le

mouvement néo-malthusien, qui dénonce les interdits sexuels, la loi du mariage et l'aliénation de la

femme. On assiste ainsi à la naissance d’un militantisme pour le libre choix de la maternité,

largement appuyé par les premiers mouvements de libération de la femme. Face à ces ébauches

d’évolution des mentalités, on constate un mouvement inverse de repli sur les valeurs familiales, qui

atteindra son apogée sous le régime de Vichy pendant la deuxième guerre mondiale (33). En 1920,

le parlement français vote une loi interdisant la propagande anti-conceptionnelle. En 1942, pour le

gouvernement de Vichy, l’avortement est un crime passible de peine de mort.

Le fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud, exerce une influence considérable sur

l’approche de la sexualité tout au long du XXème siècle et ses travaux sont au cœur de l’évolution

des mentalités dans ce domaine. Il dérange profondément l’ordre social en bousculant de

nombreuses normes évoquées ci-dessus. Notamment dans son ouvrage Trois essais sur la théorie

sexuelle (1905), il est l’un des premiers à instituer la séparation théorique entre sexualité et

procréation. La découverte de la sexualité infantile et de la quête du plaisir prouve que le but de la

sexualité n’est pas la procréation. Freud est qualifié d’immoral et d’obscène, ses textes lui vaudront

l’opprobre général avant de connaître un succès international.

La sexologie clinique fait ses premiers pas dans la foulée de ces premières avancées

théoriques. Le premier institut de sexologie est ainsi fondé à Berlin en 1919 par Magnus Hirschfeld,

l’un des précurseurs de la révolution sexuelle. Il préconise l’égalité politique et sexuelle de

l’homme et de la femme, la libération du mariage de la tutelle de l’Église et de l’État, l’abolition des

lois sur la contraception, la réforme des lois entravant l’avortement, l’éducation sexuelle des jeunes

et la tolérance envers les homosexuels. Son institut sera détruit par les nazis en 1933.

Dans les années 50, le Dr Alfred Kinsey publie deux livres sur le comportement sexuel

humain : Sexual behavior in the human male (1948) et Sexual behavior in the human female (1953).

Il établit que la majorité des enfants et adolescents se masturbent, que le mariage n’est pas

nécessaire pour commencer son activité sexuelle, que les couples ont des relations bien plus

fréquentes que celles nécessaires à la procréation et qu’une bonne majorité utilise des stimulations

bucco-génitales, considérées comme un délit dans certains états américains. A l'époque, ces

publications provoquent une polémique, et même si la méthodologie utilisée pour ces enquêtes est

discutable, il s'agit des premières statistiques sur les comportements sexuels humains.

Avec la création de la Masters and Johnson Clinic à Saint-Louis, Missouri, à la fin des

années 50, William Masters, médecin et Virginia Johnson, psychologue entreprennent une vaste

étude physiologique des comportements sexuels.

Jusqu’à l’apparition du sida, il y aura très peu d’autres études sociologiques sur les

comportements sexuels.

Ces pionniers de la sexologie clinique avaient des formations de médecin, de

psychothérapeute, psychologue ou psychanalyste. Chacun analysait les difficultés sexuelles soit

d'un point de vue plutôt organique et biophysiologique soit plutôt d'un point de vue psychologique.

Ces prismes se sont peu à peu confondus pour donner naissance à une approche plus comp lexe et

globale de la sexologie, qui s’est aujourd’hui affirmée comme une discipline à part entière. Elle

prend notamment en compte l'évaluation « péri-sexologique » des patients, approche qui intègre des

composantes biologiques, psychologiques, socio-culturelles et du fonctionnement du couple, mais

aussi une composante plus spécifique à la sexualité avec notamment l'excitation sexuelle. (34)

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En dépit de ce début de reconnaissance de la sexologie en tant que discipline médicale, nous

verrons dans la partie suivante qu’elle reste encore peu enseignée dans le cursus de formation des

médecins généralistes. Un manque que nous questionnerons, comme pouvant avoir un

retentissement sur la prise en charge des patients.

b. Révolution sexuelle

En 1959, dans une enquête française de l’IFOP, les Françaises et l’amour, un tiers des

femmes mariées déclarent « s’être données à leur futur mari avant le mariage». Cependant deux

tiers des hommes et trois quart des femmes pensent qu’une femme devrait être vierge le jour de ses

noces. Le mariage semble alors être le point d’apprentissage de la sexualité.

Depuis le début du XXème siècle le mariage d’amour remplace le mariage arrangé avec la

généralisation du flirt. La jeune fille grandit dans l’idée du mariage comme seul mode d’insertion et

de promotion sociale. La liberté de choix du conjoint semble plus apparente que réelle malgré la

disparition des mariages arrangés en France.

A partir des années 60, cette évolution s’accélère, la question du statut social de la femme

devenant l’une des principales luttes sociales de cette époque. Rappelons que le droit de vote n’a été

accordé aux femmes qu’en 1944 et qu’elles n’obtiennent l’indépendance financière au sein du

couple marital qu’à partir de 1965. La question de la liberté sexuelle émerge dans la foulée de ces

premières évolutions. Elle se confondra largement avec l’apparition de la pilule contraceptive qui

apporte aux femmes, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un contrôle entier de leur

sexualité, qui n’est plus automatiquement associée à la maternité. Ce combat se prolongera jusque

dans les années 1970 puisque la mise en vente libre de la pilule contraceptive, autorisée dès 1967

par la Loi Neuwirth, ne deviendra effective qu’en 1974 après promulgation des décrets

d’application. Enfin, en 1975, la loi Veil autorise « la femme en situation de détresse » à

interrompre sa grossesse dans les dix premières semaines. Ce dernier acte législatif vient clore la

période historique de la « révolution sexuelle » en donnant à la femme le choix de la libre maternité.

Une nouvelle forme de « cohabitation consensuelle » apparaît dès lors, qui précède où même

se substitue à l’union légale. En 1971, un enfant sur quatre a été conçu avant le mariage. La

conjugalité s’est complexifiée, l’amour réciproque étant désormais le fondement revendiqué du

couple. La sexualité y prend une place nouvelle et grandissante, comme facteur de cohésion du

couple.

Les autorités publiques prennent acte de ces évolutions. En 1969, l’État mène la première

grande enquête nationale sur les comportements sexuels, afin de définir une politique d’éducation

sexuelle.

Cette période a véritablement transformé les conceptions et les comportements sociaux vis-

à-vis de la sexualité. L’institution de la famille en ressort bouleversée et l’on note une augmentation

rapide des divorces (un mariage sur 10 en 1960, un sur trois en 1985).

Surtout, le droit au plaisir sexuel devient une réalité vécue librement par beaucoup et la courte

période qui sépare l’apparition de la pilule contraceptive de celle de l’épidémie du VIH/Sida, au

début des années 1980, sera surnommée par certain « la parenthèse enchantée ».

c. Définition de la sexualité et droits sexuels par l'OMS

Le concept de santé sexuelle est défini par l'OMS à cette même époque. L'origine de ce

concept provient d'une part de la définition de la santé de 1946 « la santé est un état de complet

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bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou

d'infirmité » et d'autre part de l'apparition d'une sexualité récréative et libérée de la reproduction

depuis l'arrivée de la contraception.

En 1975, l’OMS définit la santé sexuelle comme « l'intégration des aspects somatiques,

affectifs, intellectuels et sociaux de l'être sexué, de façon à parveni r à un enrichissement et un

épanouissement de la personnalité humaine, de la communication et de l'amour. »

Le concept, formulé à l’époque de la libéralisation des mœurs, prend un relief nouveau avec

l’apparition du sida. La maladie fait prendre conscience de l'importance de la santé sexuelle et des

comportements qui permettent de la conserver et de l'améliorer.

Les nouvelles définitions des concepts de « sexualité » et de « santé sexuelle » publiées en

2002 par l’OMS représentent une synthèse de ces évolutions.

La sexualité y est définie comme « un aspect central de la personne humaine tout au long de

la vie et comprend le sexe biologique, l’identité et le rôle sexuel, l’orientation sexuelle, l’érotisme,

le plaisir, l’intimité et la reproduction. La sexualité est vécue et exprimée sous forme de pensées, de

fantasmes, de désirs, de croyances, d’attitudes, de valeurs, de comportements, de pratiques, de rôles

et de relations. Alors que la sexualité peut inclure toutes ces dimensions, ces dernières ne sont pas

toujours vécues ou exprimées simultanément. La sexualité est influencée par des facteurs

biologiques, psychologiques, sociaux, économiques, politiques, culturels, éthiques, juridiques,

historiques, religieux et spirituels. »

Et la santé sexuelle comme « un état de bien-être physique, émotionnel, mental et sociétal

relié à la sexualité [qui] ne saurait être réduit à l’absence de maladies, de dysfonctions ou

d’infirmités. La santé sexuelle exige une approche positive et respectueuse de la sexualité et des

relations sexuelles, ainsi que la possibilité d’avoir des expériences plaisantes et sécuritaires, sans

coercition, discrimination et violence. Pour réaliser la santé sexuelle et la maintenir, il faut protéger

les droits sexuels de chacun. »

Marqueur essentiel de plusieurs décennies d’évolution des comportements sociaux, le

concept de droits sexuels y apparaît pour la première fois. Les droits sexuels s'inscrivent désormais

dans les droits humains déjà reconnus par les législations nationales, les instruments internationaux

relatifs aux droits humains et autres textes bénéficiant d'un large consensus.

Ils incluent, entre autres droits accordés à toute personne, sans aucune contrainte,

discrimination ni violence :

•le droit de jouir du meilleur état de santé sexuelle possible grâce notamment à l'accès à des services

médicaux spécialisés en matière de santé sexuelle et de reproduction,

•le droit de demander, d'obtenir et de transmettre des informations ayant trait à la sexualité,

•le droit à une éducation sexuelle,

•le droit au respect de son intégrité physique,

•le droit au choix de son partenaire,

•le droit de décider d'avoir une vie sexuelle active ou non,

•le droit à des relations sexuelles consensuelles,

•le droit à un mariage consensuel,

•le droit de décider d'avoir ou de ne pas avoir des enfants, au moment de son choix,

•le droit d'avoir une vie sexuelle satisfaisante, agréable et sans risque.

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2. Sexualité en médecine générale