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Mise au point de la technique au laboratoire

10. Projet de thèse

3.2 Mise au point de la technique au laboratoire

Dans un premier temps, les spectres de masse ESI des nucléosides d’intérêt ont été effectués afin de caractériser les ions parents et les fragments caractéristiques. Ce travail a été effectué à la Plateforme de Protéomique et de Spectrométrie de Masse de l’UPMC avec Thierry Blasco. Les nucléosides suivants ont été caractérisés : C, 5mC et 5hmC. Dans certaines études, la désoxyguanosine est utilisée comme standard interne lors de l’étude de duplexes d’ADN puisqu’en principe, dans l’ADN génomique dG = dC + 5mdC +

5hmdC, la présence de 5fdC et de 5cadC étant négligeable. Nous avons pour notre part choisi d’utiliser la désoxycytidine qui présente des caractéristiques d’ionisation et de temps de rétention plus proche de la 5hmdC et de la 5mdC. Les spectres et les paires d’ions caractéristiques de chaque composé sont présentés dans la figure 37.

Figure 37. Spectres de masse et paire ions parents/fragments caractéristiques de A) la

Dans un deuxième temps, un mélange de ces trois nucléosides a été analysé en LC-ESI-MS/MS en mode MRM permettant de suivre les trois paires d’ions associées en fonction de leur masse et de leur temps de rétention. La séparation est effectuée en phase inverse sur une colonne C-18. La Figure 38 présente un chromatogramme réalisé en LC-ESI-MS/MS en mode MRM. Comme cela avait déjà été reporté, la dC et la 5hmdC se séparent mal. Cependant, cela ne constitue pas un problème dans le cadre de la technique de détection par la spectrométrie de masse utilisée ici.

Figure 38. Chromatogramme LC-ESI-MS/MS d’un mélange des trois nucléosides dC, 5mdC

et 5hmdC.

La reproductibilité et la limite de détection de la méthode a ensuite été évaluée en injectant des mélanges de trois nucléosides (dC, 5mdC, 5hmdC) à différentes concentrations. La figure 39 représente l’aire des pics associés aux différents nucléosides pour une gamme de concentration allant de 50 fmoles à 5 pmoles.

0 2 4 6 0 100000 200000 300000 400000 5mdC dC 5hmdC Quantités (pmol) A ir e d e s p ic s

Figure 39. Gamme de concentration des nucléosides.

La répétabilité des essais est bonne et en ce qui concerne la sensibilité, la détection de 50 fmol de nucléoside est possible mais la détection de quantités inférieures est difficile.

Nous avons testé la méthode sur divers échantillons d’ADN génomique, extraits de différents types cellulaires fournis par plusieurs collaborateurs. La 5hmC ayant été détectée initialement dans de l’ADN extrait de neurones et de cellules souches embryonnaires de mammifère10,11, nous avons choisi d’étudier de l’ADN de : (i) cellules neuronales de souris (fourni par le Dr Rajiv Joshi, CIRB, Collège de France), (ii) cellules embryonnaires de souris avant et après différenciation (fournies par le Dr. Pierre Antoine Defossez, Laboratoire Epigénétique et Destin Cellulaire, Paris VII). Nous avons également analysé différents échantillons d’ADN extrait de cellules humaines de cancers : DU145 (cancer de la prostate), HeLa (cancer du col utérin), WM-266 (mélanome) et KG1 (leucémie). Ces échantillons d’ADN nous ont été fournis par le Dr. Paola B. Arimondo à l’ETaC dans le cadre d’étude de l’ADN méthylé.

A chaque fois, 1 µg de ces échantillons d’ADN ont été traités par le protocole d’hydrolyse enzymatique décrit précédemment et les hydrolysats ont été analysés par la méthode de LC-ESI-MS/MS en mode MRM. Nous n’avons pas observé de 5hmC dans les cellules embryonnaires de souris, contrairement à ce que l’on pouvait attendre. Soit les échantillons que nous avons obtenus n’en contiennent pas, soit, la quantité de 5hmC est trop faible pour être détectée par cette méthode. Au contraire, la présence de 5hmC a été détectée dans l’ADN issus de cellules neuronales de souris, à un taux de 0.2% des cytosines totales, en accord avec les travaux de la littérature11,46.

Les cellules cancéreuses présentent dans leur quasi-totalité des niveaux faibles de 5hmC, comme nous l’avons vu au paragraphe 5.1 de l’introduction générale. En accord avec ces données de la littérature, nous n’avons détecté qu’à de très rares occasions de la 5hmC dans les échantillons d’ADN issus des différentes lignées cancéreuses, dans des quantités très faibles (0.03% des cytosines totales). La figure 40 présente les chromatogrammes LC-ESI-MS/MS d’un tel échantillon d’ADN, issu de cellules WM-266.

Figure 40. Détection de 5hmdC dans un des échantillons de cellules tumorales.

Chromatogramme LC-ESI-MS/MS de la A) désoxycitidine B) méthyldésoxycytidine C) 5-hydroxyméthyldésoxycytidine.

La méthode permet donc bien de détecter la 5hmC dans des échantillons d’ADN extrait de cellules mais étant donné qu’elle est présente en très faibles quantités, le signal lui correspondant est difficile à extraire du bruit de fond et rend problématique la quantification globale de la 5hmC.

En conclusion, la méthode d’analyse par LC-ESI-MS/MS en place au laboratoire pour l’étude de la méthylation de l’ADN ne semble pas adaptée, dans notre configuration, à la

quantification de la 5hmC. En effet, la faible présence de la 5hmC dans l’ADN nécessiterait de digérer de grandes quantités d’ADN pour dépasser les limites de détection, ce qui n’est pas forcément possible. Ce problème de sensibilité, couplé au fait que la digestion enzymatique des échantillons d’ADN ainsi que l’utilisation du spectromètre de masse représentent un cout non négligeable, en particulier pour une utilisation en routine, nous ont poussés à développer de nouvelles méthodes pour l’étude de la 5hmC, qui feront l’objet du chapitre suivant.

Chapitre III

Outils chimiques pour le marquage de la

5-hydroxyméthylcytosine dans une

A partir de 2009, il s’est rapidement posé la question de savoir comment différencier au sein d’une séquence les bases 5mC des 5hmC, puis, par la suite, le problème s’est étendu aux dérivés oxydés de la 5hmC. En effet, les principales techniques appliquées à la détection et au séquençage de l’ADN méthylé s’avèrent inappropriées pour discriminer les 5mC des 5hmC : ainsi, que ce soit le séquençage au bisulfite, l’utilisation d’enzymes de restriction ou encore les techniques d’immunoprécipitation ou d’immunofluorescence classiquement appliquées à l’ADN méthylé, aucune de ces techniques ne pouvaient être appliquées à l’étude de cette nouvelle base modifiée de l’ADN.

Afin de pouvoir répondre aux questions sur le rôle de la 5hmC dans l’organisme, en tant que modification épigénétique ou bien en tant qu’intermédiaire dans un processus de déméthylation de l’ADN, les efforts de nombreux groupes de recherches et sociétés se sont donc portés vers l’élaboration de méthodes pour la détection, l’enrichissement et le séquençage de la 5hmC dans l’ADN. Cette tâche était compliquée par le fait que la 5hmC est présente en très faible quantité dans l’ADN, ainsi que nous l’avons vu dans l’introduction générale.

L’un des objectifs de mes travaux de thèse débutés en 2011 a été de mettre en place de nouvelles stratégies de marquage de la 5hmC que je présenterai dans ce chapitre. Lorsque j’ai commencé cette étude, peu de travaux avaient été publiés, mais l’intérêt croissant qu’a porté la communauté scientifique dans le domaine de l’épigénétique à cette nouvelle découverte a conduit de nombreux grands groupes internationaux à travailler sur ce problème et une quantité importante de méthodologies ont été publiées tout au long de mon travail de thèse. Avant de présenter les travaux que j’ai réalisés dans ce domaine, je vais commencer par présenter de façon non exhaustive les différentes approches et améliorations technologiques qui ont été réalisées ces quatre dernières années pour quantifier et localiser la 5hmC ainsi que ses produits d’oxydation dans l’ADN.

1 Etat des lieux en 2014 des techniques développées pour

l’étude de séquences d’ADN contenant la 5hmC

Toutes les technologies développées ne vont pas permettre d’accéder au même type d’information : certaines visent à quantifier globalement les taux de 5hmC dans différents échantillons, d’autres visent à faire de l’enrichissement de fragments d’ADN comportant ce motif, enfin d’autres techniques ont été développées afin d’accéder à la séquence précise de fragments d’ADN contenant la 5hmC. Ces techniques ont par ailleurs évolué et se sont sophistiquées pour ensuite permettre de discriminer entre 5hmC, 5fC et 5caC.

Les chapitres suivants seront donc consacrés à la présentation des différentes méthodes qui ont été développées depuis 2009 pour quantifier la 5hmC dans l’ADN ainsi que ses produits d’oxydations successifs identifiés ultérieurement. La plupart d’entre elles reposent sur l’utilisation de la réactivité spécifique de la 5hmC pour adapter des protocoles déjà en place pour étudier la 5mC.