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Mise en évidence de la réaction de trans-N-alkylation par spectroscopie RMN

+ Bromures de triazolium

8. Mise en évidence de la réaction de trans-N-alkylation par spectroscopie RMN

La réaction de trans-N-alkylation a été suivie par spectroscopie RMN 1H et 13C en utilisant deux composés modèles. Tout d’abord un TPIL linéaire 5 a été obtenu en deux étapes par polyaddition par CuAAC de 1 et quaternisation quantitative des groupements 1,2,3-triazole avec le iodométhane (CH3I).27Ce composé macromoléculaire modèle purement 1,4-disubstitué a été choisi car sa structure en C11est représentative de la structure du réseau et son spectre RMN est plus simple que celui de mélanges de dérivés 1,4- et 1,5-disubstitués. Ensuite, un composé modèle moléculaire IL à base 1,2,3-triazolium 7 a été synthétisé afin de réaliser cette fois-ci la réaction en masse (Schéma IV.4).

Schéma IV.4: Voies de synthèse du TPIL 5 et du TIL 7.

8.1 Mise en évidence expérimentale de la réaction de trans-N-alkylation par spectroscopie RMN 1H

Dans cette première étude, il est impératif de travailler en solution pour s’assurer de la miscibilité et de la compatibilité entre le TPIL et l’agent transalkylant CD3I. Ainsi, des solutions dans le DMF de l’analogue linéaire 5 du réseau TPIL et de 5 équivalents de iodométhane deutérié (CD3I) (25 wt% de TPIL) ont été répartis dans différents tubes scellés (le CD3I étant volatile à la température d’étude) pour être chauffées à 110 °C pendant des temps allant de 15 à 70 heures. Les produits bruts obtenus ont été évaporés sous vide, dissous dans le DMSO-d6 et caractérisés par RMN 1H. Ce suivi du TPIL isolé après différents temps de réaction indique une

O N N N n * I * 5 N N N I 7 O N3 1 1) CuAAC N3 + 2) CH3I N N N 6 CuAAC CH3I

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diminution graduelle du signal à 4,24 ppm qui est associé au méthyl en position N-3. L’absence de changement des intégrales des signaux des méthyles du cycle 1,2,3-triazolium confirme que cette disparition est due à une substitution partielle du CH3 en position N-3 des groupements 1,2,3-triazolium par un groupement CD3(Figure IV.12). Dans le même temps on remarque que l’intégration du signal du 1,2,3-triazolium à environ 8,92 ppm reste constante malgré une légère diminution de son intensité. Cette légère évolution n’a pas d’influence sur l’amplitude du signal à 4,23 ppm étant donné que c’est le signal du CH2 en positon C-4 qui a été utilisé pour normaliser l’ensemble de ces spectres aux différents temps de réaction. Cette valeur d’intégration constante prouve qu’il n’y a pas formation de groupement 1,2,3-triazole suite à des réactions de désalkylation ou d’élimination à 110 °C ce qui est aussi confirmé par l’absence de pic à environ 8 ppm. On notera que cette valeur demeure aussi constante lorsque l’on effectue un simple chauffage du TPIL 5 pendant une durée prolongée, ce qui atteste aussi de l’absence de désalkylation sous l’effet de la chaleur. Enfin, il faut garder à l’esprit que seul le CH3en position N-3 est échangé et non le CH2en position N-1 ce qui aurait conduit à une scission des chaînes qui n’a pas été décelée.

Figure IV.12: Suivi par RMN 1H de la reaction de trans-N-alkylation dans le DMF entre le CD3I et le iodure de poly(3-méthyl-1,2,3-triazolium) 5. 8.94 8.93 8.92 8.91 4.25 4.24 4.23 4.22 4.21 G (ppm) t0 t = 15 h t = 26 h t = 70 h O N N N n * CH3 I * O N N N n * CD3 I * CD3I CH3I 5

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8.2 Mise en évidence expérimentale de la réaction de trans-N-alkylation par spectroscopie RMN 13C

Afin d’exclure toute possibilité de labilité des protons supposés légèrement acides du CH3en position N-3 des groupements 1,2,3-triazolium et ainsi de s’assurer que cette substitution n’est pas due à des échanges C-H mais bien à des échanges de liaison C-N, nous avons aussi effectué un suivi de la réaction de trans-N-alkyaltion par RMN 13C quantitative. Un mélange homogène du TIL 7 et de 5 équivalents de iodométhane marqué au 13C (40 wt% de 7 et 60 wt% de13CH3I) a été réparti dans différents tubes scellés sous vide. Ainsi, grâce à la miscibilité entre le TIL 7 et le 13CH3I, on peut à présent travailler sans solvant additionnel ce qui permet de se rapprocher des conditions de mise en œuvre du réseau TPIL (bien que l’on puisse considérer le

13CH3I comme un réactif et un solvant de la réaction). Chaque tube a été chauffé à 110 °C pendant un temps allant de 24 à 188 heures. L’excès de CH3I et de13CH3I a été ensuite évaporé sous vide et le produit résultant dissous dans le DMSO-d6 pour être caractérisé par RMN 13C quantitative (Figure IV.13). L’augmentation forte et progressive du signal à 37,45 ppm (valeur de l’intégration du signal multipliée par 65) corrobore bien le remplacement des groupes CH3en position N-3 des groupements 1,2,3-triazolium par le 13CH3et confirme donc qu’une réaction de trans-N-alkylation s’est effectivement mise en place par des échanges covalents au niveau de la liaison C-N. Dans un même temps, l’intégration du signal du 1,2,3-triazolium à environ 143,9 ppm reste constante ce qui prouve qu’il n’y a pas formation de groupement 1,2,3-triazole suite à des réactions de désalkylation ou d’élimination à 110 °C. De même, le signal du CH2en position N-1 reste constant ce qui atteste bien que la réaction de trans-N-alkylation ne se déroule qu’au niveau du CH3en position N-3.

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Figure IV.13: Suivi par RMN 13C de la réaction de trans-N-alkylation en masse entre le13CH3I et l’iodure de 1,2,3-triazolium 7.

9. Conclusions

Nous avons efficacement transposé la combinaison de la synthèse monotope sans solvant ni catalyseur de TPILs à l’élaboration d’un réseau TPIL pouvant être obtenu aisément sous différentes formes, tailles et épaisseurs. Les aspects cinétiques de la synthèse de ce réseau ont été étudiés par spectroscopie RMN 1H et ont montré que les réactions de polyaddition et de N-alkylation s’effectuent de manière concomitante et que le matériau se forme par la croissance successive de branchements ioniques menant par percolation au réseau final. Une étude originale par spectroscopie XPS a permis de calculer la composition précise de ce réseau comportant environ 87 % massique de branchements chargés. Les propriétés thermo-mécaniques, de gonflement et de stabilité en solvant de ce réseau ont été caractérisées. Ainsi, ce nouveau matériau présente une faible valeur de Tg(–11 °C), une bonne stabilité thermique (Td10= 247 °C) et un module de conservation au plateau caoutchoutique élevé (E’ = 10 MPa) ainsi que des taux de gonflement et des fractions solubles faibles (1/q2varie de 1,3 à 2,7 et wsvarie de 2,3 à 5,1 %) dans une large gamme de solvants ce qui est caractéristique d’un réseau hautement réticulé. En

N N N C8H17 CH3 I 13CH3I CH3I N N N C8H17 13CH3 I t0 t = 24 h t = 67 h t = 188 h X 20 143.9 143.8 37.5 37.4 G (ppm) 7 13CH3

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revanche, la dissolution du matériau dans les alcanes halogénés nous a permis de découvrir l’existence d’un phénomène de trans-N-alkylation au sein des nœuds de réticulation 1,2,3-triazolium du réseau. Cette réaction de N-alkylation a été démontrée par des analyses de spectroscopie RMN 1H et 13C mettant en évidence des échanges covalents de substituants en position N-3 du groupement 1,2,3-triazolium. On notera cependant que les cinétiques d’échange mises en place avec les composés modèles sont relativement lentes et incomplètes (diminution de 60% en 70 h à 110 °C pour le TPIL 5 avec le CD3I) ce qui peut être expliqué par le fait que la réaction de N-alkylation est effectuée en milieu dilué. On peut penser que cette réaction de trans-N-alkylation pourrait être transposée in-situ aux réseaux réticulés sans présence de solvants et à plus haute température. Par ailleurs, bien que la mise en évidence des trans-N-alkylation ait été réalisée avec des composés iodés (beaucoup plus faciles à manipuler car ils ont des températures d’ébullition plus élevée), les tests de solubilité semblent montrer que les réactions d’échanges sont plus rapides avec des composés bromés.

Nous allons donc étudier dans la partie suivante le comportement mécanique de réseaux TPILs réticulés par des agents dibromés. Les réactions de trans-N-alkylation devraient permettre de réorganiser les points de réticulation dans le matériau, et conférer une certaine malléabilité et plasticité à ces réseaux thermodurcissables (Schéma IV.5). Ces propriétés uniques ont déjà été démontrées pour quelques types de réactions d’échanges et la nouvelle classe de matériaux plastiques résultants a été dénommée vitrimères.

Schéma IV.5: Schéma réactionnel présentant les réactions de trans-N-alkylation, à l’origine des

échanges de substituants entre 1,2,3-triazoliums et des réorganisation de points de réticulation.

N N N N N N + N N N Br Br Br + N N N Br Br Br N N N N N N Br Br

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