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L’une des méthodes les plus connues et les plus anciennes dans l’étude des interactions levures- bactéries est celle inspirée de la technique des antibiogrammes et qui a été tout d’abord développée par Lemaresquier (1987). Elle consiste à épandre une couche uniforme de bactéries dans la masse de la gélose d’une boîte de Pétri puis d’ensemencer la levure.

Les cultures d’entretien des bactéries sont faites sur bouillon MRST c’est-à-dire du bouillon MRS (de Man, Rogosa, Sharpe) qui répond à tous les besoins de croissance des bactéries lactiques (cf partie II-1-2 du chapitre II) et dans lequel on ajoute de l’acide thioglycolique. Ce produit a pour effet de baisser le potentiel redox du bouillon MRS et de le priver en oxygène étant donné que les bactéries lactiques comme O. oeni poussent mieux en l’absence d’oxygène. Dans un tube contenant 5 mL d’agar à 0,7 % (7 g/L) maintenu en surfusion à 40°C, on introduit 0,1 mL de culture de bactéries. L’ensemble est immédiatement versé sur une boîte de gélose MRST. Cet ensemencement étant assez dense, après incubation, les colonies apparaissent très petites et très serrées. Cette façon de faire permet donc d’observer un voile homogène sur toute la surface de la boîte de Pétri après une incubation de minimum 5 jours en aérobie et à 25°C.

Les levures sont cultivées en bouillon YM à l’extrait de levure et de Malt. Ensuite pour ensemencer les levures sur la gélose, on se sert d’un inoculateur circulaire avec lequel on dépose la levure, en deux endroits de la boîte ce qui donnera après incubation, deux anneaux de levures. Cette disposition présente l’avantage de déterminer une zone intérieure fermée, si bien qu’une éventuelle substance diffusée par les levures va se trouver accumulée à cet endroit alors qu’à l’extérieur, elle pourra diffuser librement. On obtient ainsi une sorte d’effet de concentration à l’intérieur des anneaux de levures. L’observation de la zone de contact entre levures et bactéries nous permet de déduire s’il y a interaction ou non. Si cette zone de contact est plus limpide, plus transparente que le fond bactérien, il s’agit alors d’une inhibition. Si au contraire, elle est plus trouble, c’est une stimulation et s’il n’y a pas de différence avec le reste de la boîte, on peut conclure qu’il n’y a pas d’interaction.

En testant différentes souches de levures et de bactéries ensemble, Lemaresquier (1987) a pu mettre en évidence 4 types de comportement :

- absence d’interaction : présence d’un trouble bactérien homogène sur toute la surface de la

boîte.

On note que la substance inhibitrice doit être en assez forte concentration pour montrer un effet puisque ce phénomène ne s’observe qu’entre les anneaux et en leur centre.

- Stimulation plus inhibition des bactéries : Dans ce cas, on observe en plus de l’inhibition au

centre et entre les deux anneaux, une prolifération des colonies bactériennes au-dessus et en dessous de l’espace situé entre les deux anneaux de levure ainsi que sur leur pourtour. L’observation à la loupe binoculaire révèle qu’à cet endroit la densité des colonies bactériennes est beaucoup plus grande que sur le reste de la boîte. La conclusion est qu’une autre substance ou catégorie de substances, qui elles, stimulent la croissance bactérienne sont diffusées par les levures.

- Stimulation stricte des bactéries par les levures : Ce cas a déjà été étudié dans la littérature et

l’explication est que la levure peut relarguer dans le milieu des substances utiles à la bactérie et peut ainsi activer sa croissance.

Notons qu’une même souche de bactérie peut présenter les quatre types de comportement en fonction de la souche levurienne testée.

Malgré le fait que cette méthode soit simple et rapide, plusieurs paramètres opératoires peuvent varier et des questions peuvent se poser concernant différents points :

- inoculer les levures sur la gélose ou plutôt tester le surnageant de la culture levurienne ?

- ensemencer la souche bactérienne à la surface de la gélose ou bien dans la gélose et à quelle

concentration initiale ?

- quel doit être la composition du milieu utilisé pour les précultures ?

- quel doit être la composition du milieu gélosé ?

- comment fixer les conditions d’incubation : pH, température, durée d’incubation, etc… ?

- comment quantifier l’interaction ?

Pour toutes ces raisons cette méthode reste difficile à standardiser. Toutefois, d’autres auteurs ont essayé de l’améliorer (Gilis et al. 1996, Taillandier et al. 2002). Ces derniers ont essayé de l’optimiser en choisissant les milieux YEPD et MRS pour les précultures de levure et de bactéries respectivement. Le milieu MRS a été complété par 8 g/L d’acide malique. Le milieu MRS agar formant la gélose a été aussi complété avec de l’acide malique et son pH ajusté à 4,5. La

concentration initiale de bactéries a été ajustée à 107 cellules/mL dans l’agar et 2 souches de levure

ont été testées par boîte. L’incubation se faisait pendant 8 jours à 28°C.

Arnink et al. (2005) ont utilisé une autre méthode sur boîte de Pétri inspirée des antibiogrammes, qui consiste en une modification de la méthode de Kirby-Bauer reposant sur le principe des disques de diffusion (Bauer et al. 1996). Cette méthode est basée sur la susceptibilité des bactéries vis-à-vis

d’une substance donnée. En effet, des disques de papier filtre imprégnés de cette substance sont placés sur la gélose et la substance va diffuser de façon radiale dans l’agar et probablement affecter la croissance bactérienne. Dans le cas d’une inhibition une zone claire va se former autour du disque et dans le cas d’une stimulation une zone dense se formera. Le diamètre de ces zones constituera l’unité de mesure de ce test. Dans leur cas, les disques ont été imprégnés par les milieux préfermentés par les levures S. cerevisiae et déposés sur des géloses contenant les bactéries lactiques O. oeni.

Malgré tous les efforts d’optimisation, ces techniques restent semi-quantitatives puisqu’elles nous permettent d’évaluer uniquement la croissance des bactéries en présence d’une souche donnée de levure mais ne nous permet pas de suivre la consommation d’acide malique. Etant donné que ces deux phénomènes sont très souvent non corrélés (Capucho et San Romao, 1994), l’observation d’une inhibition de la croissance bactérienne sur boîte de Pétri ne signifie pas nécessairement une inhibition de la démalication et vice versa. De plus les résultats obtenus avec ces méthodes sont difficilement extrapolables en milieux liquides (Taillandier et al. 2002, Arnink et al. 2005) à cause des raisons suivantes :

- la composition du milieu gélosé est très différente de celle des milieux naturels (jus de raisin et vin) et entraîne par la suite une croissance et un métabolisme différents que ce soit pour les levures ou pour les bactéries.

- Les molécules inhibitrices produites par les levures diffusent différemment dans la gélose

suivant leur taille et leur nature chimique ce qui donne des résultats différents de ceux obtenus en milieu liquide.

- Ces méthodes ne nous permettent pas d’identifier dans le cas d’une inhibition ou d’une

stimulation la nature de la substance responsable de cette interaction ou bien la concentration à laquelle elle présente un effet.

Comme alternative à ces méthodes de diffusion sur gélose, l’emploi de milieux liquides présentant une composition chimique simulant les milieux naturels jus de raisin et vin sera adopté dans notre étude.