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4.5.1 Caractérisation de la microstructure

Les éléments de la microstructure sont les fibres, la matrice et les porosités contenues dans les plaques stratifiées. Plusieurs techniques peuvent être utilisées pour caractériser la microstructure des composites en fonction des équipements et moyens disponibles.

Les méthodes décrites ci-dessous [160] permettent de déterminer plusieurs descripteurs microstructu- raux comme les taux massiques et volumiques des pores et des fibres, l’orientation du réseau des fibres, la géométrie des mèches . . .

— La double pesée : on pèse le matériau dans l’air et dans l’eau afin de remonter à la masse volumique d’un corps (s’il est étanche). Connaissant la masse volumique de chacun des constituants, on peut retrouver le taux volumique de fibres dans le matériau. Cette méthode est performante dans la mesure où la masse volumique des fibres est différente de celle de la matrice. Par contre, dans cette méthode, on suppose que la porosité est négligeable ;

— la pyrolyse ou la calcination : permet d’avoir accès au taux massique de fibres. Elle consiste à brûler totalement la phase polymère du matériau dont on connaît la masse, en le portant à des températures supérieures à celle de fusion de la résine mais inférieures à celle des fibres. La masse de fibres restantes après calcination est pesée pour en déduire le taux massique de fibres. Cette méthode ne donne pas des informations sur la porosité ;

— la microscopie : optique ou électronique à balayage, elle permet d’avoir une évaluation de la mi- crostructure par analyse de coupes transversales du composite. Elle permet aussi de savoir l’orien- tation des fibres. Par contre, aucune information 3D n’est possible comme par exemple la connec- tivité des pores ou l’architecture 3D de l’enchevêtrement des fibres ;

— l’ultrason : technique non destructive, son principe est identique à celui d’une radiographie. On peut par exemple envoyer une onde ultra-sonore au travers d’une pièce à analyser, par le biais d’un transducteur, et derrière cette pièce, on récupère le signal atténué par un autre transducteur. En parcourant ainsi la pièce, on peut construire une carte d’atténuation dans la direction ciblée. Cependant, les mesures sont moyennées dans l’épaisseur ; il est donc difficile de distinguer très nettement les fibres de la matrice car les propriétés d’atténuation des deux phases sont très proches ; — la radiographie à rayons X : non destructive aussi, son principe est également basé sur le mesure d’atténuation de signal sauf qu’ici ces signaux sont des rayons X. Les mesures sont également moyennées dans l’épaisseur dans ce cas ; ce qui rend difficile la distinction fibre-matrice ;

— la microtomographie à rayons X en mode d’absorption : technique de tomographie, non-destructive et permettant d’obtenir des informations tri-dimensionnelles sur le matériau. Elle permet de bien révéler les pores et de les quantifier, mais les fibres sont difficiles à distinguer de la matrice, pour les mêmes raisons évoquées que précédemment.

Aussi faut-il noter qu’au vu de la description ci-dessus, la plupart de ces techniques ne fournissent pas de façon exhaustive les descripteurs de microstructure d’un matériau donné (taux de fibres, de porosité, orientation du réseau fibreux, etc). Chacune d’entre elles semble être dédiée à un type de mesure.

Dans notre étude, nous avons utilisé une approche analytique pour quantifier la microstructure des composites. Les lignes ci-dessous présentent cette méthode et donnent les différentes valeurs des taux volumiques de fibres Vf, de matrice, Vmet de porosité, Vp, obtenues selon la séquence d’empilement.

Données

Afin de quantifier la microstructure des stratifiés, les paramètres suivants sont à connaître : — masse des plaques (pesée effectuée après découpe) : Mplaque;

— dimensions des plaques : longueur L, largeur l et épaisseur e ; — masse surfacique des renforts : G (Gcarbone, Glin) ;

— masse volumique des fibres : ρf (ρcarbone, ρlin) ;

— masse volumique de la matrice : ρm.

Méthodologie

Les entités constituant la microstructure des composites renforcés de fibres sont liées par la relation suivante : Vf+Vm+Vp=1 (4.2) où : Vf = vf vplaque Vm= vm vplaque or : vf = Mf ρf = G S n ρf vm= Mm ρm = Mplaque− Mf ρf vplaque=L l e

nreprésentant le nombre de plis et S la surface, il vient donc, pour : — les non-hybrides :

Vf = G S n

ρf L l e (4.3)

Vm= MplaqueL l e− G S n (4.4)

Vf = S L l e  Gcarbonencarbone ρcarbone + Glinnlin ρlin  (4.5)

Vm= Mplaque− S(Gcarbonencarbone− Glinnlin)

L l e (4.6)

Aussi bien dans le cas hybride que non-hybride, le taux volumique de porosités présentes dans les composites est donné par la relation 4.7, conséquence de l’équation 4.2 :

Vp=1 −Vf−Vm (4.7)

Les caractéristiques des fibres de carbone et de lin (masse volumique et grammage) sont rappelées dans le tableau 4.4. La masse volumique de la matrice utilisée est également donnée.

Matériau Carbone Lin Matrice

Masse volumique (g/cm3) 1,7 1,54 1,14

Grammage (g/m2) 189 240 -

Tableau 4.4 – Caractéristiques des renforts et de la matrice

Résultats

Les résultats issus de cette méthode d’évaluation de la microstructure des composites stratifiés sont re- groupés dans le tableau 4.5.

Séquence [LLLL]s [LLCC]s [LCLC]s [CLCL]s [CCLL]s [CCCC]s Fibres (Vf) (%) 35,07 40,09 40,47 42,16 43,99 55,59 Matrice (Vm) 51,91 49,65 51,49 51,74 51,98 43,25 Porosité (Vp) 13,01 10,26 8,03 6,10 4,03 1,16

Tableau 4.5 – Quantification de la microstructure des composites stratifiés

4.5.2 Influence de la séquence d’empilement sur le taux de porosités

Vu le degré faible du taux de porosités du stratifié uniquement fait en carbone,[CCCC]s, les taux de porosités obtenus pour les autres stratifiés, sont liés à la présence des couches de lin et la position de ces couches en leur sein.

Eu égard aux résultats présentés dans la section 4.5.1, deux constats se dégagent. Parmi les sé- quences non-hybrides, la séquence [LLLL]s est largement plus poreuse que la [CCCC]s, alors qu’au niveau des hybrides, les séquences où l’on place la ou les couches de carbone sur les deux faces du stratifié contiennent moins de porosité. Ceci est vrai qu’il s’agisse d’alterner les couches de carbone et de lin (6,10 % pour[CLCL]scontre 8,03 % pour[LCLC]s) ou de placer toutes les couches de lin dans l’âme du composite plutôt que celles en carbone (4,03 % de porosité pour la [CCLL]scontre 10,26 % pour[LLCC]s).

Nous allons énumérer ci-après, de façon plus détaillée, ce qui explique la différence observée dans la microstructure des stratifiés, notamment les facteurs qui influence le taux de porosités.

— L’existence de lumen dans les fibres de lin

La structure des fibres de lin a été décrite dans le chapitre 1 où nous avons décrit le lumen comme étant une cavité poreuse qui traverse longitudinalement la fibre en son centre. Ainsi, ces fibres sont en mesure d’absorber de l’air et de le garder. La porosité croit avec le nombre de plis en raison de la présence du lumen. Donc plus on ajoute de couches de lin dans la séquence, plus la porosité s’élève. C’est le cas de séquence [LLLL]s composé de 8 plis de lin soit deux fois plus que les séquences hybrides.

— Une mauvaise compatibilité des fibres de lin avec la matrice, en raison de la chimie complexe de la surface des fibres de lin

L’incompatibilité a pour conséquence une mauvaise adhérence entre fibres et matrice, laissant alors des vides dans les plis et dans la séquence.

— La forme et les dimensions hétérogènes des fibres de lin. Ces caractéristiques géométriques limitent l’imprégnation matricielle

Les caractéristiques géométriques du tissu de lin (désorientation, ondulation, tissage spécial) peuvent également, dans une certaine mesure complexifier ou compromettre le trajet d’écoulement de la résine. En réalité, ce chemin d’écoulement complexe va naturellement induire une mauvaise ré- partition de la matrice dans la couche de lin. Donc, la matrice au lieu de bien se répartir dans tout le composite va se densifier dans les couches de lin placées à l’extérieur, au détriment des couches internes du composite. La matrice va ensuite se polymériser sur les faces laissant un intérieur pauvre en résine et donc dominé par du vide. Un trajet d’écoulement complexe de la résine lors de l’injection peut être à l’origine de porosité élevée de la séquence [LLCC]scomparativement aux autres séquences hybrides.

— Fil torsadé

Les études de Rask et Madsen [161] ont révélé que la torsion des fibres provoque une augmentation de porosité dans les composites renforcés par ce type de fibres. En réalité, plus le degré de torsion des fibres est grand, plus les fibres sont extrêmement serrées entre-elles dans le fil. Dans une telle configuration, il est difficile pour la matrice de s’insérer entre les fibres et de les imprégner comme cela se doit. Toutes les fibres n’étant pas correctement imprégnées, il en résulte un composite à taux de porosités important.

— La faible capacité de compactage du renfort de lin, limitant ainsi la fraction volumique de fibres pouvant être obtenue

La capacité du renfort à se compacter afin de remplir les espaces vides est un facteur important pour l’obtention d’un composite de bonnes qualités.

Nous avons vu dans les sections antérieures que le tissu de lin avait un taux de remplissage infé- rieur que celui du carbone (83,76% contre 99,28 %). Le taux de remplissage indique l’ampleur du vide présent dans le renfort à combler lors de la mise en œuvre. Le design du tissu couplé avec la nature des fibres va jouer un grand rôle dans le bon remplissage de ces espaces vides lors de l’élaboration.

Le tissu de lin n’est pas aussi compactable que celui du carbone (35% de taux de fibres pour le lin contre 58,85% pour le carbone à 1 bar, selon les résultats des essais de compaction). Cet écart est dû à la structure architecturale du tissu de lin et la structure propre des fibres. Le tissu n’est pas bien rempli et comporte d’importants espaces entre les mèches de trame et celles de chaîne. De plus, le tissu de lin est fabriqué avec des fils torsadés contrairement au tissu de carbone constitué

de mèches déformables. Cette spécificité du tissu de lin a pour conséquence une mauvaise com- pressibilité.

— La perméabilité de la préforme

Les couches de carbone, en raison de leur homogénéité architecturale peuvent assurer une bonne perméabilité de la résine à travers le stratifié. En effet, les plis de carbone peuvent servir à bien distribuer la résine dans le stratifié vu le caractère simple du tissage (par rapport au tissage du lin). En effet, les travaux de Song [162] ont montré qu’un tissage complexe peut provoquer l’apparition de gradients de perméabilité induisant des écoulements différentiés très prononcés entre la surface et le cœur du composite. Les écoulements différentiés provoquent des fermetures du front d’avan- cée de la résine favorisant la présence de porosité au sein dans le composite. Ceci peut expliquer la différence observée entre les taux de porosités : d’une part entre le composite lin [LLLL]s et le composite carbone[CCCC]set d’autre part entre les composites hybrides ayant des couches de carbone à l’extérieur et les hybrides ayant des couches de lin à l’extérieur.

— Le nesting

Un mauvais nesting entre les plis de lin peut aussi expliquer le taux de porosités élevé. En effet, une bonne imbrication des fibres et des mèches entre elles contribue à l’augmentation du taux de fibres du composite par réduction de l’épaisseur. Or, une augmentation du taux de fibres implique une réduction du taux de porosités.

Prenant en considération tous les éléments précédents, on pourra conclure que la séquence d’empilement a une influence sur la microstructure finale des composites, en particulier le taux de porosités. Par ailleurs, étant donné que la réduction du taux de porosités implique une augmentation du taux de fibres, il semble alors logique d’affirmer que la séquence d’empilement qui, comme nous l’avons vu, influe sur la porosité influe également et indirectement sur le taux de fibres des composites.