• Aucun résultat trouvé

2.2.4 – Des micro-polluants

Dans le document ETAT DES LIEUX "MER ET LITTORAL" (Page 175-178)

Connaissance générale (problématique, origine, règlementation...)

Les micro-polluants sont les substances qui sont susceptibles d'avoir une action toxique à des concentrations infimes dans un milieu donné. Cette appellation recouvre des métaux, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), des pesticides et phytosanitaires, des benzènes, des PCB, des solvants chlorés...

Le nombre des substances chimiques mises sur le marché est estimé à plus de 110.000, intervenant dans les procédés industriels, les pratiques agricoles, les activités quotidiennes des ménages. On les retrouve dans les différents compartiments de l'environnement (eau, air, sol) avec des effets potentiels directs ou indirects sur la santé humaine et l'environnement, via notamment la contamination de la chaîne trophique. Les contaminations peuvent être significatives et parfois irréversibles. Pour une grande partie de ces substances, on ne connaît que très peu les dangers qu'elles peuvent présenter.

Pour la mise en œuvre de la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000, la circulaire du 4 février 2002 avait lancé une action nationale de recherche et de réduction de rejets des substances dangereuses dans l'eau (3RSDE), par un suivi des rejets d'installations classées pour la protection de l'environnement, étendu à partir de 2004 à 120 stations de traitement des eaux usées.

L'exploitation de ces 5 ans d'observations a conduit à l'instauration d'une surveillance renforcée : circulaire du 5 janvier 2009 pour certaines ICPE, circulaire du 29 septembre 2010 pour les stations de traitement des eaux usées.

Surveillance de la pollution des eaux par les micro-polluants (métaux lourds, pesticides, phtalates, benzène...)

Pour les installations classées, la circulaire du 5 janvier 2009 organise de façon systématique la surveillance de la présence des micro-polluants dans les eaux rejetées au milieu naturel :

• définition d'une liste nationale de 106 substances dangereuses détectées au moins une fois dans les rejets de 18 secteurs et 38 sous-secteurs d'activité industrielle,

• complément des arrêtés préfectoraux des ICPE soumises à autorisation pour ajouter un volet "rejet de substances dangereuses" correspondant aux activités de l'établissement : réalisation d'une première campagne de six mesures,

• puis mise en place d'une surveillance pérenne une fois par trimestre sur les substances dangereuses dont la présence aura été réellement détectée lors de la première campagne.

Des dispositions spécifiques sont applicables au secteur de la chimie, déjà bien suivies dans la première période d'observations, au Di(2-Ethylhexyl)phtalate (DEHP) qui sera recherché systématiquement pendant au moins un an. Les données ainsi recueillies seront bancarisées (site RSDE de l'Ineris, application GIDAF – Gestion Informatisée des Données d'Autosurveillance Fréquente, registre national des émissions polluantes).

La circulaire du 29 septembre 2010 prescrit des mesures du même ordre pour les rejets vers le milieu aquatique par les stations de traitement des eaux usées, dont les réseaux reçoivent également des effluents industriels :

• définition d'une liste nationale de micro-polluants à surveiller, pour les STEU de capacité nominale de traitement supérieure ou égale à 600 kg DBO5/j, en distinguant celles dont cette capacité est supérieure ou égale à 6000 kg DBO5/j,

• réalisation la première année de quatre séries de mesure afin de dresser un état initial complet,

• les années suivantes, surveillance régulière des micro-polluants considérés comme significatifs, en réalisant de 3 à 10 campagnes de mesures par année en fonction du volume traité par la station, avec tous les 3 ans une actualisation des listes de substances recherchées.

Les micro-polluants recherchés correspondent notamment aux substances de l'état chimique DCE et aux substances de l'état écologique DCE, comprenant des métaux (cadmium, mercure, nickel, plomb, arsenic, chrome, cuivre, zinc, fer, étain, manganèse, aluminium, antimoine, cobalt), des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), les pesticides, les alkylphénols, chlorobenzènes, organétains, COHV, BTEX, PCB...

Spécifiquement pour le milieu littoral, l'Ifremer coordonne depuis 1974 un réseau national d'observation (RNO), rebaptisé en 2008 réseau d'observation de la contamination chimique du littoral (ROCCH), réseau qui assure un suivi des niveaux de contamination chimique le long des côtes métropolitaines, ainsi que la Corse et la Martinique. Dans ce cadre les concentrations de 63 substances ont été mesurées dans les mollusques bivalves (moules et huîtres) sur 78 stations. Les mesures sont réalisées deux fois par an pour 9 métaux (cadmium, plomb, mercure, cuivre, zinc, nickel, chrome, vanadium, argent), et une fois par an pour les contaminants organiques : 5 pesticides (2 isomères HexaChlorocycloHexane, DDT et 2 métabolites), 9 congénères de Polychlorobiphényles (PCB) et 30 Hydrocarbures Aromatiques Policycliques (HAP). Depuis 2006 sont également recherchées 34 substances prioritaires de la directive-cadre sur l'eau (annexe IX et

Différentes études ont analysés les concentrations des contaminants chimiques dans les sédiments ou dans les mollusques sur des territoires particuliers : littoral du bassin Artois-Picardie en 2009, baie de Marennes-Oléron en 2011, présence dans les produits de la pêche côtière atlantique en 2007... Certaines approches concernent plus spécifiquement les pesticides (agences de l'eau Adour-Garonne, Rhône-Méditerranée-Corse, Seine-Normandie). L'Ifremer a publié en 2011 un rapport "Bilan de présence des micro-polluants dans les eaux littorales" sur la période 2003-2009, avec un chapitre spécifique aux départements d'outre-mer.

Un réseau particulier, le REPOM, suit depuis 2000 les sédiments dans les bassins portuaires. On constate une contamination liée aux activités propres aux ports ou aux activités industrielles situées dans les bassins portuaires, qu’elles soient récentes ou historiques. Il en ressort notamment une contamination importante des sédiments portuaires par deux polluants, le tributylétain et le cuivre, dont les principales sources en milieu portuaire sont la diffusion provenant des peintures anti-salissures des navires et les rejets liés aux activités de carénage et de réparation navale. Mais les résultats obtenus montrent également une contamination liée aux apports des bassins versants amonts.

Effets des micro-polluants

Les substances chimiques peuvent avoir des effets toxiques sur la santé humaine et sur le milieu naturel, soit directement soit par effet d'accumulation notamment tout au long de la chaîne trophique.

Le portail "Substances chimiques" de l'Ineris présente 175 fiches de données toxicologiques et environnementales, sous forme de synthèses des connaissances scientifiques sur ces différentes substances en terme de toxicologie aiguë ou chronique, de paramètres d'écotoxicité dans les organismes aquatiques et terrestres, de valeurs seuils, de méthodes de détection et de quantification.

Le plan national d'action contre les micro-polluants

Un plan national d'action contre les micro-polluants a été présenté le 13 octobre 2010, couvrant la période 2010-2013. Il s’agit de la politique globale du MEDDE pour lutter contre la pollution contre les micro-polluants. Cette politique encourage l’utilisation de différents types d’outils (financiers, réglementaires, scientifiques, méthodologiques...) et à vocation à orienter la planification de la gestion de l’eau à l’échelle territoriale

Ce plan présente trois axes :

améliorer les programmes de surveillance des milieux et des rejets, pour assurer la fiabilité et la comparabilité des données. Les protocoles de caractérisation de la contamination des eaux par les micro-polluants sont en effet délicats à mettre en œuvre, au regard des faibles concentrations quantifiables, de la multiplicité des molécules recherchées et de la complexité des matrices.

réduire les émissions des micro-polluants les plus préoccupants, en agissant à la source sur les secteurs d’activité les plus contributeurs, et les milieux les plus dégradés, pour atteindre les objectifs de la directive-cadre sur l’eau (DCE) qui impose aux États membres le bon état des eaux d’ici 2015, et la réduction, voire la suppression des émissions et pertes de substances prioritaires d’ici 2021. La stratégie de réduction des substances dans l’eau vise une approche globale, en agissant sur l’ensemble du cycle de vie des micro-polluants, et en privilégiant les logiques préventives aux logiques curatives, notamment au niveau de la mise sur le marché.

renforcer la veille prospective relative aux contaminations émergentes. L’enjeu est la hiérarchisation du risque selon l’adage "tout est poison, rien n’est poison, tout est une question de dose (et d’interaction)".

Sur les pesticides

Les pesticides ont fait l'objet d'un suivi particulier, à travers l'observatoire des résidus de pesticides (site www.observatoire-pesticides.gouv.fr). Créé en novembre 2003, cet observatoire a pour objectif de rassembler, analyser et valoriser les informations sur la présence des pesticides dans différents milieux, en considérant les pesticides au sens large, c’est-à-dire les produits phytosanitaires, les biocides, les antiparasitaires externes à usage vétérinaire et humain. La France est le premier pays utilisateur en Europe devant l'Allemagne et l'Italie avec près de 63 000 tonnes de substances vendues (environ 500 produits) en 2011.

Le plan Ecophyto 2018, mis en place en 2008 et piloté par le ministère chargé de l’agriculture, vise à réduire progressivement l'utilisation des produits phytosanitaires. Dans le cadre de ce plan, l'ORP a été missionné pour coordonner la définition et le renseignement des premiers indicateurs de risques. Le plan Ecophyto 2018 comprend 105 actions regroupées en 8 axes :

Axe 1 : évaluer les progrès en matière de diminution de l'usage des pesticides, Axe 2 : généraliser les meilleures pratiques agricoles économes en pesticides,

Axe 3 : innover dans la conception des système de culture allant plus loin dans la réduction, Axe 4 : former à la réduction et à la sécurisation de l'utilisation des pesticides,

Axe 5 : renforcer les réseaux de surveillance sur l’utilisation des bio-agresseurs, Axe 6 : prendre en compte les spécificités des DOM,

Axe 7 : réduire et sécuriser l'usage des produits phytopharmaceutiques en zone non agricole,

Axe 8 : organiser le suivi national du plan et sa déclinaison territoriale.

Chapitre 2 – La protection des milieux, des ressources, des équilibres biologiques et écologiques ainsi que la préservation des sites, des paysages et du patrimoine

Résultats perceptibles

Une première exploitation des résultats intermédiaires de l'action RSDE vient d'être réalisée en décembre 2013. Les substances les plus analysées sont les métaux, les alkylphénols, les HAP et les COHV. Les substances quantifiées le plus fréquemment sont les métaux (notamment zinc, cuivre, nickel, chrome), les nonylphénols, le chloroforme, le naphtalène, le fluoranthène.

L'effort de surveillance a généré des réductions significatives des flux de métaux (Zn, Cr, Ni, Pb, Cu, As, Cd) et de substances organiques (majoritairement acide chloroacétique) rejetés dans le milieu aquatique.

Concernant les pesticides, une étude spécifique de l'agence de l'eau Adour-Garonne exploite les résultats sur les masses d'eau en 2011 et 2012. A l'instar de ce que l'on constate dans les rivières, les pesticides figurant sur la liste des substances prioritaires ne sont pour la plupart plus utilisés.

Ainsi les masses d'eau littorales sont toutes classées en bon état chimique vis à vis de ces paramètres. Un réseau spécifique de 9 stations de suivi des pesticides a été constitué sur le bassin d'Arcachon depuis 2010 : sur les 96 pesticides recherchés, 55 ont été détectés au moins une fois. Aucun des pesticides suivis dans le cadre de la DCE ne dépasse les valeurs de normes environnementales.

Sur un autre registre, un appel à projet lancé fin 2009 par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a reçu 200 propositions, et conduit à valider 58 projets pour 8 M€ d'aide à fin 2011.

Quelques exemples :

• plus de 260 exploitations agricoles en cours de conversion vers l'agriculture biologique sur plus de 5 000 hectares de surface agricole,

• 150 dossiers d'investissement pour des aires de lavage de pulvérisateurs et du matériel de désherbage alternatif,

• 69 communes engagées dans une démarche "zéro pesticide".

Autres polluants émergents

Les contaminants dits "émergents" sont ceux pour lesquels l’évaluation des risques qui leur sont potentiellement associés n’a pas encore été suffisamment murie pour justifier de leur intégration dans des dispositions réglementaires ; en particulier, leur présence n’est pas surveillée de façon pérenne dans les milieux. Dès 2009, le laboratoire national pour la surveillance des milieux aquatiques Aquaref a examiné la faisabilité de l'analyse de 13 nouveaux contaminants, anticipés comme futures substances prioritaires au niveau communautaire.

En 2010, l’Ifremer a caractérisé les niveaux de présence de certains retardateurs de flamme bromés (PBDE, HBCD) dans des mollusques bivalves, sur les trois façades maritimes métropolitaines et leur évolution au cours de temps.

Les eaux résiduaires urbaines véhiculent des substances comme les phtalates et les alkylphénols.

Le danger le plus largement reconnu associé à ces composés réside dans leur potentiel oestrogénique, c'est à dire leur capacité à imiter les hormones oestrogénes naturelles.

Les produits pharmaceutiques sont fréquemment retrouvés dans les rejets. Un plan d'action spécifique a été initié (cf. chapitre 2.2.5). Au niveau européen, cette problématique est prise en compte puisque 2 œstrogènes et le diclofénac seront à surveiller dans les eaux pour acquérir des données et améliorer l’évaluation du risque de ces composés pour le milieu aquatique et la santé (directive 2013/39/UE du 12 août 2013 modifiant les directives 2000/60/CE et 2008/105/CE en ce qui concerne les substances prioritaires pour la politique dans le domaine de l'eau).

Une soixantaine d’actions de recherche et développement sont en cours en 2012 pour le seul domaine Pollutions et Contaminants. En dernier lieu, l'Onema, les agences de l'eau et le ministère chargé de l'écologie viennent de lancer en novembre 2013 un appel à projets, ouvert aux collectivités territoriales, aux bureaux d'études, aux laboratoires de recherche et aux entreprises, pour lutter contre les micro-polluants dans les eaux urbaines. Cet appel à projets cible les changements de pratiques, les rétentions ou prétraitement avant rejet, l’identification ou la mise en œuvre de produits de substitution, l'amélioration des méthodes de mesure des micro-polluants et de leurs flux.

Dans le document ETAT DES LIEUX "MER ET LITTORAL" (Page 175-178)