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Mesures de risque comptable ou de marché ? Différentes opinions

2. Revue de littérature

2.5 Performance sociale et risque financier

2.5.2 Mesures de risque comptable ou de marché ? Différentes opinions

Bien que la théorie et la recherche au sujet de la responsabilité sociale aient été dirigés principalement sur la relation entre la RSE et la PFE, et tel que critiqué par Orlitzky et Benjamin (2001), un argument sur la relation entre la RSE et des mesures de risque financières telles que la variance des bénéfices et des titres boursiers peut aussi être étudiée. Premièrement, McGuire et al. (1998) argumentent qu’un niveau faible de responsabilité sociale devrait augmenter le risque financier. Les investisseurs peuvent considérer les entreprises les moins responsables socialement comme étant des investissements plus risqués. Les investisseurs et autres parties prenantes pourraient aussi anticiper une hausse des coûts de l’entreprise provenant d’un manque au niveau de la responsabilité sociale. Par exemple, le gouvernement pourrait imposer des amendes et engager des poursuites judiciaires qui pourraient menacer l’existence même de l’entreprise. La perception d’un bas niveau de RS pourrait aussi altérer la capacité de l’entreprise à obtenir du capital à des taux stables.

En contraste, selon McGuire et al. (1988), un niveau élevé de RSE peut permettre à une entreprise de réduire son risque financier en résultat de relations stables avec le gouvernement et la communauté financière. Comme s’y attendent Cornell et Shapiro (1987), les résultats de McGuire et al. (1988) montrent que l’impact de la RSE sur le risque systématique de l’entreprise est minimal puisque la plupart des événements affectant le niveau de RS de l’entreprise n’affectent pas systématiquement l’ensemble des entreprises du marché. Des différentes mesures de risque utilisées par McGuire et al. (1988), les mesures comptables (écart-type des bénéfices d’opération, ratio dette-équité, levier d’opération) produisent un meilleur modèle explicatif que les mesures de risque de marché (écart-type du rendement, bêta). Une raison probable de ces résultats est que les mesures comptables seraient plus enclines à capturer les attributs uniques à la firme. Aussi, toujours selon les auteurs, les actions menant à un niveau perçu bas ou élevé de RS sont pour la plupart non-systématiques.

La méta-analyse d’Orlitzky et Benjamin (2001) passe en revue les caractéristiques des ensembles de données, les méthodologies et les conclusions de plusieurs études publiées entre 1976 et 1997. Leur analyse des études passées met en lumière les limites du travail empirique dans le domaine

63 de la responsabilité sociale. Par exemple, ils expliquent que les échantillons des études analysées sont très petites, allant de moins d’une douzaine d’observations à un maximum de 469 (Waddock et Graves, 1997). De plus, ils avancent que puisque les études sont pour la majorité à coupe transversale, la sensitivité des conclusions au temps n’est pas étudiée.

Orlitzky et Benjamin utilisent plusieurs mesures de risque. Les auteurs subdivisent le risque de l’entreprise en risque comptable et en risque de marché et soutiennent qu’il ne s’agit pas tant de deux composantes conceptuelles différentes du risque que de deux opérationnalisations différentes d’une même construction sous-jacente. Ils estiment le risque comptable par des mesures telles que le coefficient de variation (rapport de l’écart-type à la moyenne) du rendement sur capital investi, le ratio dette-équité et l’écart-type du ROA et du ROE de long-terme. Ils définissent le risque total de marché comme le degré auquel le rendement du titre d’une entreprise varie dans le temps. Ce risque est typiquement mesuré par l’écart-type du rendement 𝑅𝑖,𝑡 dans le modèle original de Sharpe (1964) : 𝑅𝑖,𝑡 = 𝛼𝑖+ 𝛽𝑖𝑅𝑚,𝑡+ 𝜀𝑖,𝑡, où 𝑅𝑖,𝑡 est le rendement

estimé d’un titre i à la période t, 𝑅𝑚,𝑡 est le rendement agrégé de tous les titres du marché à la

période t et 𝜀𝑖,𝑡 est un terme aléatoire qui reflète la portion du rendement du titre i à la période

t qui n’est pas une fonction linéaire de 𝑅𝑚,𝑡.

En performant une méta-analyse statistique d’un échantillon intégré de plus de 6186 observations, Orlitzky et Benjamin (2001) concluent que le coefficient de corrélation (ρ) entre la PSE et le risque est négatif. Cette relation semble plus forte pour la mesure de risque de marché (ρ = -0,21) que pour celle de risque comptable (ρ = -0,09). Ces résultats viennent contredire l’hypothèse de McGuire et al. (1988), selon laquelle si les perceptions de responsabilité sociale sont spécifiques à l’entreprise (non systématiques), alors les mesures comptables devraient être plus sensibles à celles-ci que les mesures de marché, qui reflètent les tendances systématiques du marché. En effet, les résultats d’Orlitzky et Benjamin montrent que l’impact est plus grand lorsque la mesure de risque utilisée est la variance des rendements au marché. Le risque de marché pouvant à son tour être subdivisé en risque total et en risque systématique, les auteurs trouvent que la RSE tend à réduire davantage le risque diversifiable (idiosyncratique) que le risque systématique

Tel que discuté plus tôt, Godfrey et al. (2009) se basent sur leur contribution théorique de 2005 pour tenter de découvrir si la PSE porte des propriétés d’assurance sur la valeur au marché des

64 actions suite à des événements négatifs touchant l’entreprise, plutôt que des événements touchant l’industrie ou l’économie en entier. Ils conduisent donc une étude événementielle au sujet des actions légales et réglementaires négatives portées contre l’entreprise, et trouvent l’évidence que le risque est atténué par la PSE mais que les propriétés de type assurance provenant de la PSE sont associées aux activités touchant les parties prenantes secondaires de l’entreprise, soit celles qui peuvent affecter les principales parties prenantes, mais qui ne sont pas directement essentielles aux opérations de l’entreprise. Selon Oikonomou et al. (2012), l’approche minutieuse de cette étude, qui emploie de l’information détaillée à propos d’événements ayant le potentiel d’affecter négativement la réputation des entreprises, est appropriée dans un contexte où on étudie l’effet de la PSE sur le risque idiosyncratique. Toutefois, supportent-ils, l’emphase sur un type spécifique d’événement négatif cache des conclusions plus générales regardant les effets protecteurs de la PSE puisque le risque systématique est généré non seulement par des événements négatifs touchant la loi et la réglementation mais aussi par de nombreuses autres sources d’incertitude dans l’environnement de l’entreprise