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Chapitre 3. Étudier l’influence des émotions dans le contexte scolaire

3.3. Mesurer l’état émotionnel

Mesurer expérimentalement l’état émotionnel d’une personne n’est pas évident (Mauss & Robinson, 2009), c’est pourquoi certaines études ne font pas explicitement référence à cette mesure de l’état émotionnel (Bartlett, Burleson, & Santrock, 1982 ; Bower,

Gilligan, & Monteiro, 1981), alors qu’il est évidemment important de contrôler si l’état émotionnel a bien été induit, par exemple, à l’aide d’un questionnaire. Vérifier l’efficacité de la procédure d’induction, revient donc à tenter de rendre objectif l’état émotionnel ressenti. L’un des problèmes majeurs dans l’évaluation de l’induction est le nombre peu élevé de recherches qui ont interrogé cet aspect. L’analyse de la littérature du champ de l’induction des émotions fait aussi état d’un autre problème : l’utilisation d’un grand nombre de procédures de mesure de l’état émotionnel qui ne sont pas forcément standardisées (Martin, 1990). Or, l’induction émotionnelle doit être évaluée afin de pouvoir en déterminer l’efficacité. Plusieurs indicateurs permettent cette évaluation :

- Les indices comportementaux comme les expressions faciales, qui ont été répertoriées en catégories par Ekman et Friesen (1971). Cet indicateur a été utilisé avec succès dans des études ayant induit un état émotionnel par le rappel autobiographique (Masters et al., 1979), mais aussi par la procédure de visionnage de vidéos ou par celle basée sur le comportement de l'expérimentateur (Barden et al., 1985).

- Les indices physiologiques comme la température corporelle, le rythme respiratoire, le rythme cardiaque, la pression artérielle, les variations de mouvements oculaires, la dilatation pupillaire, la réaction électrodermale ou les contractions musculaires peuvent aussi être pris en compte. Toutefois, ces indices n’autorisent que la détermination des changements corporels, mais ne permettent pas de savoir si le participant ressent bien l’émotion expérimentalement désirée (Gerrards-Hesse, Spies, & Hesse, 1994 ; Mandler, 1975 ; Schachter & Singer, 1962).

- Enfin, l’auto-estimation est l’une des méthodes les plus utilisées. À l’aide d’adjectifs dénotant des états émotionnels ou d’échelles de Likert, par exemple, les participants doivent évaluer leur état émotionnel. De nombreuses échelles existent, essentiellement en langue anglaise parmi lesquelles celle développée par Watson, Clark et Tellegen (1988), intitulée

« Positive and Negative Affective Scale » (PANAS), mais aussi l’échelle « Discrete Emotion Scale » de Izard (1972), la « Multiple Affective Adjectives Checklist – Revised » de

Zuckerman et Lubin (1965), ou encore la « Brief Mood Introspection Scale » de Mayer et Gaschke (1988). Ces outils permettent d’accéder au ressenti subjectif du participant et donc de contrôler l’efficacité de l’induction émotionnelle.

Un autre aspect qui doit être pris en considération concerne le fait que toute mesure du ressenti émotionnel peut s’avérer compliquée, car plusieurs émotions peuvent être ressenties simultanément ainsi que successivement au cours de périodes pouvant être extrêmement brèves. La mesure du ressenti émotionnel doit donc être également envisagée selon un point de vue dynamique. Plusieurs auteurs ont souligné l’importance d’utiliser des mesures comportant plusieurs items, tout en réitérant ces mesures (Brenner, 2000 ; Larsen & Fredrickson, 1999 ; Sansone & Thoman, 2005). Comme Ainley, Corrigan et Richardson (2005) le précisent, mesurer un ressenti émotionnel avec une simple échelle de Likert en 5 points, proposant un continuum du négatif au positif, peut s’avérer être inefficace pour distinguer un sentiment neutre d’un sentiment ambivalent.

Compte tenu de ces éléments, une des façons les plus simples d’obtenir des informations sur le ressenti émotionnel d’un individu est l’utilisation d’une auto-mesure de son expérience subjective. Dans ce cas, il est demandé à l’individu d’exprimer son ressenti émotionnel à un moment donné. Le principe de base de ce type d’évaluation repose sur l’idée que le participant est le mieux placé pour ressentir, évaluer et rendre compte de ses propres émotions. Parmi les divers outils de mesure existant, il est possible d’employer des questionnaires à item unique, dans lesquels il est demandé à l’individu d’estimer son ressenti émotionnel à partir d’une émotion spécifique (vous sentez-vous en colère ?) ou d’une dimension affective globale (quel est votre degré de plaisir à cet instant ?). Les échelles de réponses peuvent être soit unipolaires (de pas du tout en colère à très en colère), soit

bipolaires (de malheureux à heureux). Classiquement, les participants répondent grâce à une échelle de type Likert en 5 ou 7 points. Les avantages principaux de ce type de mesures à item unique sont qu’elles sont rapides à administrer et surtout facilement compréhensibles par tous les participants (Gross & Levenson, 1995 ; Larsen & Fredrickson, 1999). Leur désavantage est essentiellement leur manque de finesse qui ne favorise pas de contrastes à l’issue des résultats. De plus, la brièveté des réponses à fournir peut induire une trop grande rapidité et une impulsivité des réponses. Une autre possibilité est alors d’utiliser une mesure avec de multiples items, par exemple sous forme d’échelles composées de listes d’adjectifs décrivant des états émotionnels. Dans certains cas, il est demandé au participant de cocher les adjectifs qui correspondent le mieux à ce qu’il ressent ; dans d’autres, il est demandé d’indiquer le degré de ressenti de l’émotion à évaluer.

Lorsqu’un outil a été choisi, peut se poser la question de l’intérêt de la mesure en temps réel. En effet, le ressenti émotionnel est susceptible de varier grandement en un laps de temps relativement court. Afin de prendre en compte cette évolution du ressenti émotionnel de l’individu, celui-ci doit être évalué à plusieurs reprises au cours du processus expérimental. Stone (1995) précise toutefois que, en raison des mesures répétées, les participants peuvent se lasser de répondre et fournir des réponses stéréotypées.

Globalement, l’évaluation du ressenti émotionnel par le participant représente une méthode facile à mettre en place. Elle repose sur le postulat selon lequel les participants sont capables de répondre à ce type d’évaluation. Pour en être certain, il peut être utile d’utiliser en complément une mesure non verbale du ressenti émotionnel, éventuellement plus simple à comprendre pour certains. L’évaluation non verbale peut permettre l’expression d’un ressenti non verbalisable autrement, et est donc complémentaire de la mesure verbale du ressenti émotionnel (Brenner, 2000 ; Larsen & Fredrickson, 1999).