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Chapitre 2. Les émotions : définition, effets et modélisation

2.4. Effets des émotions sur la cognition

2.4.1. Effets sur les adultes

L’étude de l’influence des émotions sur les activités cognitives complexes (raisonnement, résolution de problèmes, prise de décision, mémoire) a montré que les

émotions étaient parfois responsables d’effets sur les performances des participants (Blanchette, 2006 ; Blanchette & Richards, 2004, 2010). Par exemple, il a été montré qu’un état émotionnel positif, au contraire d’un état émotionnel négatif, pouvait favoriser les processus cognitifs impliqués par la prise de décision (Isen & Labroo, 2003) ou la flexibilité de la pensée (Isen, Daubman, & Nowicki, 1987). Dans le cadre de l’étude sur la cohérence de jugements intuitifs, l’induction d’un état émotionnel positif améliore les performances, l’exactitude du jugement, tandis qu’un état émotionnel neutre ou négatif a peu d’effet sur cette aptitude (Balas, Sweklej, Pochwatko, & Godlewska, 2012). D’autres études ont aussi montré que l’état émotionnel influence la perception des participants de l’inclinaison d’une pente, d’un paysage. Les participants sous induction émotionnelle négative ont l’impression que la pente est plus raide, plus oblique que ceux qui sont sous induction émotionnelle positive (Riener, Stefanucci, Proffitt, & Clore, 2011). La perception de l’espace peut donc être influencée par l’état émotionnel de la personne.

Plus précisément, certains auteurs ont conclu que l’induction d’un état émotionnel positif peut réduire les performances cognitives conduisant à une simplification des processus cognitifs (Chaiken, 1980), à une réduction des capacités de traitement (Oaksford et al., 1996), et à un déclin de la motivation (Bodenhausen, Kramer, & Süsser, 1994 ; Wegener, Petty, & Smith, 1995). À l’opposé, d’autres travaux ont montré une certaine facilitation, amélioration des performances cognitives en cas d’états émotionnels positifs, notamment dans la prise de décision (Isen & Labroo, 2003) et dans la résolution de problèmes (Isen, Rosenzweig, & Young, 1991) ou encore une meilleure flexibilité de la pensée (Isen et al., 1987). Cette facilitation induite par des états émotionnels positifs serait en partie due au fait que les participants se rappelleraient et utiliseraient plusieurs types d’informations, ce qui les conduiraient, par exemple, à réaliser de meilleures associations entre les éléments à retenir (Bower, 1981 ; Isen et al., 1978).

L’induction d’un état émotionnel négatif pourrait également être bénéfique en favorisant les processus systématiques, analytiques et élaborés (Clore, Schwarz, & Conway, 1994 ; Weary & Jacobsen, 1997). Cependant, cette induction a le plus souvent été décrite comme ayant un effet de réduction des capacités et des performances cognitives en termes de vitesse de traitement, de résolution de problèmes, ou encore de créativité (Bower, 1981 ; Ellis & Ashbrook, 1988 ; Ellis, Thomas, & Rodriguez, 1984 ; Isen et al., 1987). D’autres recherches ont montré une diminution des performances dans des tâches faisant appel à des processus sémantiques tels que l’encodage d’informations élaborées (Leight & Ellis, 1981), l’amorçage sémantique (Storbeck & Clore, 2008) ou encore le rappel de mots récemment appris (Ellis, Thomas, McFarland, & Lane, 1985). Ainsi, les résultats et les conséquences des états émotionnels sont très variables selon les études et les activités concernées ; les mêmes résultats contrastés ont été mis en évidence chez les enfants.

2.4.2. Effets sur les enfants

L’une des premières recherches de Bartlett et Santrock (1979) a concerné le rappel d’histoires induisant un état émotionnel positif ou négatif chez des enfants de cinq ans. Les enfants avaient pour tâche d’écouter un expérimentateur raconter une histoire et de rappeler de manière libre puis indicée le plus d’éléments de l’histoire. Les résultats ont montré que les enfants avaient mieux rappelé de manière libre l’histoire dans la condition positive que négative. D’autres auteurs ont montré qu’un état émotionnel positif améliorait les capacités d’apprentissage et le temps de résolution d’un problème tandis qu’un état émotionnel négatif diminuait les capacités d’apprentissage et augmentait le temps de résolution (Masters, Barden, & Ford, 1979). L’état émotionnel positif procurerait une plus grande flexibilité cognitive et une meilleure fluence verbale (Greene & Noice, 1988). Cependant, d’autres études n’ont pas

montré d’effet des états émotionnels, en particulier sur la mémoire visuelle des enfants (Duncan, Todd, Perlmutter, & Masters, 1985).

Concernant des activités plus scolaires, Bryan et Bryan (1991) ont montré que des enfants sous induction émotionnelle positive réussissaient mieux et plus rapidement des problèmes de mathématiques que des enfants en condition neutre. Un impact des émotions sur les processus visuels a aussi été montré chez des enfants de cinq et huit ans. Dans le cadre d’une émotion positive, les enfants présentaient un biais en faveur d’une représentation visuelle plus globale que locale. Ceci pourrait avoir un impact sur les activités scolaires, car l’état émotionnel de l’enfant orienterait sa manière de percevoir les problèmes rencontrés. Ainsi, l’état émotionnel positif peut perturber l’attention visuelle d’un enfant (Poirel, Cassotti, Beaucousin, Pineau, & Houdé, 2012). Rader et Hughes (2005) ont montré que des enfants soumis à une induction émotionnelle positive obtenaient de meilleures performances lors d’une tâche de résolution de problèmes visuels impliquant une analyse visuo-spatiale et une manipulation de cubes (Block design task). Par ailleurs, un effet de l’état émotionnel a été montré sur la taille des dessins réalisés par des enfants de six ans. Ces derniers ont réalisé des dessins plus grands en cas d’induction émotionnelle positive comparativement à une induction émotionnelle négative (Burkitt & Barnett, 2006). Comme pour les études réalisées avec des adultes, celles faites avec des enfants laissent émerger des résultats contrastés quant à l’effet des émotions sur la cognition.

Afin de rendre plus lisible la situation d’un point de vue théorique et conceptuel, mais aussi d’envisager l’étude de l’effet des émotions sur la cognition chez l’enfant, le prochain point présente un modèle à même d’expliquer et de prédire l’effet des émotions sur les activités cognitives complexes chez l’enfant d’âge scolaire.