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LA PERTUBATION DU PETIT ÂGE GLACIAIRE A 1 2 3 B 4 5 C 6 7 8 197

FIGURE57 – Localisation des tabliers d’éboulis de part et d’autre du Skaftafellsjökull.

FIGURE58 – Taille des éléments mesurés sur les éboulis de part et d’autre du Skaftafellsjökull.

Le plus grand axe de 30 éléments par quadrat a été mesuré. Les losanges bleus correspondent à la taille moyenne des fragments au sein des quadrats. Les carrés rouges représentent la taille moyenne des fragments pour chaque éboulis. Selon la hauteur des éboulis, l’examen de 2 à 5 quadrats par éboulis a été réalisé.

FIGURE59 – Degré d’émoussé des éléments constitutifs des éboulis de part et d’autre du Skaftafellsjökull.

L’émoussé est estimé visuellement selon la forme du fragment rocheux.

Les pentes des 16 tabliers d’éboulis mesurés varient entre 20 et 37°. Les pen- tes décroissent à mesure que l’on s’éloi- gne du front glaciaire, même si l’on relève quelques exceptions, la plupart situées sur la rive droite. Sur les 16 tabliers, seuls 5 ont des pentes égales ou supérieures à 35 °, 11 sont inférieures. De nombreux auteurs ont considéré la valeur de 35° comme “l’angle de repos” des éboulis (Ward, 1945 ; Andrews, 1961 ; Kotarba, 1976). En-dessous de ce seuil, le dépôt est considéré comme stable. Pourtant, des chutes de fragments individuels peuvent insuffler suffisamment d’énergie (essen- tiellement par rebond) pour entraîner des mouvements substantiels sur des talus où la pente est largement plus faible que l’angle de repos (Statham, 1973, 1975, 1976 ; Kirkby et Statham, 1975). Par ail-

leurs, des processus d’avalanche ou de coulées de débris peuvent entraîner des modifications substantielles dans la géo- métrie du tablier et provoquer un adoucis- sement des pentes (Luckman, 1971, 1972, 1977, 1978 ; Gray, 1973 ; Caine, 1974 ; Kotarba, 1976 ; Church et al., 1979 ; Bal- lantyne et Eckford, 1984 ; Hétu et Vande- lac, 1989).

1.1.3.

Les profils sédimentologiques

Chaque éboulis a fait l’objet d’une analyse sédimentologique, à travers la mesure des sédiments (mesure du plus grand axe)

(FIG. 58) et la caractérisation de leur

degré d’émoussé (FIG. 59).

En terme de granoclassement (non visible sur la figure 58), cinq éboulis de la rive droite (RD2, RD5, RD6, RD7, RD8) et trois éboulis de la rive gauche (RG2, RG5, RG8) présentent un granoclassement inverse (la taille des éléments augmente de la partie proximale vers la partie distale). Ce type de granoclassement est caractéristi- que de mises en place régies par la gra- vité pure. Les autres éboulis (trois en rive droite, cinq en rive gauche) ne présentent pas un tel granoclassement. Ceci traduit la multiplicité des processus qui peuvent être à l’origine des dépôts. En rive gauche, nous avion déjà relevé le rôle majeur des coulées de débris qui peuvent venir brouiller le signal granulométrique des tabliers d’éboulis.

En terme de taille des éléments, la distri- bution des éboulis de la rive gauche est plus concentrée que celle de la rive droite

(FIG. 58). On constate, en effet, une surre-

présentation des blocs en rive droite. Ceci traduit la forte activité d’écroulements qui caractérise le versant de la rive droite et qui vient perturber la granulométrie des

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TABLEAU19 – Mesure des pentes de 16 tabliers d’éboulis de part

et d’autre du Skaftafellsjökull.

Versant Éboulis Pente (°)

Rive droite du Skaftafellsjökull RD 1 37 RD 2 32 RD 3 34 RD 4 35 RD 5 36 RD 6 34 RD 7 33 RD 8 20 Rive gauche du Skaftafellsjökull RG 1 36 RG 2 36 RG 3 34 RG 4 32 RG 5 34 RG 6 32 RG 7 27 RG 8 28

après la déprise glaciaire, c’est donc la gravité pure qui est le principal moteur du transfert sédimentaire du haut vers le bas de versant. Mais cette hégémonie ne dure pas car progressivement, d’autres processus liés aux écoulements pren- nent également en charge le matériel. Les éboulis post-glaciaires sont donc d’abord issus des processus gravitaires, puis peuvent être façonnés par des pro- cessus de redistribution secondaire par écoulement linéaire ou par fluage (en présence de matrice). Enfin, on n’ob- serve pas de gradients d’émoussé au sein d’un même éboulis, le long des transects longitudinaux.

1.1.4.

Le recouvrement végétal

La division en 100 parcelles d’égale sur- face du quadrat permet une estimation de la couverture végétale en pourcentage

(FIG. 60).

La couverture végétale est faible sur tous les éboulis : la couverture maximale est de 35 % (éboulis RG8) tandis qu’un certain nombre d’éboulis ne présente aucune trace de végétation (7 sur les 16 analysés). Plus on s’éloigne du front glaciaire, plus la couverture végétale augmente. Le type de végétation relevé est composé de mous- ses et de formations herbeuses. On relève une nette opposition entre le versant en rive droite et le versant en rive gauche. En rive droite, seuls 3 éboulis sur 8 présen- tent une couverture végétale, contre 6 sur 8 en rive gauche.

La végétation est un indicateur de l’acti- vité des éboulis. Sa présence témoigne du ralentissement ou de l’arrêt des proces- sus d’apport ou de remobilisation. La mousse est le premier type de végétal à coloniser les éboulis, suivi de près par la strate herbacée. Mais les mousses, du

fait de leur extension horizontale rapide, sont également plus sensibles aux chutes différées de cailloux. Ceci explique sans doute que certains éboulis présentent une couverture herbeuse (souvent res- treinte) sans couverture de mousse (éboulis RD2, RD8, RG5 et RG6). Même s’il donne beaucoup d’indications, il faut manier le paramètre végétal avec pru- dence. Si le développement végétal est lié au tarissement de la fourniture sédimen- taire, il est également lié à des facteurs stationnels (exposition, distance au front glaciaire, présence de matrice et d’eau, position d’abris, etc.). Toutefois la cohé- rence des résultats présentés ici nous incite à le prendre en compte dans l’étude de l’évolution post-glaciaire des tabliers d’éboulis.

La faible couverture végétale relevée ici nous indique donc une certaine conti- nuité dans le temps de la fourniture sédimentaire des éboulis. Ceci est vrai pour les deux versants, même si les tabliers de la rive gauche présentent des couvertures végétales plus déve- loppées. À titre de comparaison, pour deux éboulis déglacés depuis un peu moins de 70 ans (éboulis RD8 et RG8), les couvertures végétales sont respec- tivement de 22 et 35 % en rive droite et en rive gauche.

Mais même si le développement des éboulis est continu, il n’en est pas pour autant linéaire. En effet, l’augmentation de la couverture végétale lorsqu’on s’éloigne du front glaciaire indique une diminution progressive de la fourniture sédimentaire. Par ailleurs, on relève des indices de reprise d’activité après des périodes de ralentissement (cou- verture herbeuse réduite, sans pré- sence de mousses), d’où la destruction avérée des tapis de mousse dans cer- tains secteurs.

tabliers d’éboulis liés à la gravité pure. On relève ici la marque de l’hétérogénéité lithologique du secteur.

Si l’on écarte l’influence des blocs écrou- lés (fragments supérieurs à 0,5 m), on relève que la taille des éléments a ten- dance à augmenter lorsqu’on s’éloigne du front glaciaire. Cette tendance est plus ténue en rive gauche qu’en rive droite. Au fil du temps, la taille des éléments mobi- lisés croît donc, impliquant un accroisse- ment de la capacité de mobilisation des processus de transferts sédimentaires.

En ce qui concerne l’émoussé des frag- ments, on relève une forte disparité entre les deux versants (FIG. 59). Les éboulis de la rive droite présentent une dominante de débris anguleux, tandis que ceux de la rive gauche sont plus arrondis. La forte pro- portion de débris anguleux témoigne de la fissuration originelle du substrat ou du rôle de la gélifraction dans la production

de débris. L’aspect plus arrondi indique, quant à lui, une “usure” des sédiments. Cette usure peut trouver deux explica- tions. D’une part, une stabilisation longue des matériaux sur lesquels des processus de météorisation ont pu agir (Étienne, 2001). D’autre part, elle traduit une prise en charge des sédiments par des écoule- ments capables de les traîner dans un chenal. Ici, l’hypothèse du rôle de la météorisation ne se vérifie pas vraiment, car on a vu que parallèlement à l’usure, la taille des sédiments a tendance à croître, excluant une désagrégation progressive des fragments.

En rive gauche, comme en rive droite, on observe une tendance générale à la diminution de la part des débris angu- leux lorsqu’on s’éloigne du front gla- ciaire. La forte angularité des sédiments témoigne du rôle mineur que peuvent jouer les écoulements dans la mobilisa- tion des sédiments. Immédiatement

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FIGURE60 – Couverture végétale des éboulis de part et d’autre du Skaftafellsjökull.

Les quadrats qui permettent l’analyse des éboulis sont divisés en cent parcelles d’égale surface. Le relevé de la végétation dans ces 100 parcelles donne une bonne estimation de la couverture végétale.

Les processus d’éboulisation, liés à la production de sédiments et à leur trans- fert par gravité, façonnent donc rapide- ment les versants immédiatement après le départ du glacier. Ils sont à l’origine de la formation de tabliers d’éboulis qui recouvrent les versants.

1.2.