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population variée. Elle ne considère donc pas l’ensemble de la distribution des mesures.

Pour obtenir des résultats plus fiables, une approche de type “taille-fréquence” a été mise au point (Caseldine, 1991 ; Kirk- bride et Dugmore, 2001 ; Bradwell, 2001, 2004 ; McKinzey et al., 2004). Elle se réfère à la distribution de la fréquence en fonc- tion de la taille des lichens afin de calcu- ler un gradient de population pour chaque site. La relation entre le diamètre du lichen le plus gros et l’âge de la surface est traduite par une fonction polynomiale d’ordre 3 (Bradwell et Armstrong, 2006). Cette approche élimine donc les erreurs liées au nombre limité de mesures, mais ignore toujours le caractère « extrême » des lichens les plus gros. Les travaux de V. Jomelli et al. (2004 ; 2007) ont montré que les approches classiques avaient d’autres lacunes méthodologiques :

– Les données des surfaces datées et des surfaces non datées sont traitées séparé- ment. La courbe de croissance est construite à partir du premier jeu de don- nées, le reste étant incorporé ultérieure- ment. Cela a pour effet d’augmenter le potentiel d’erreur en propageant les incertitudes inhérentes au premier traite- ment vers le second traitement.

– L’utilisation de la valeur moyenne ne prend pas en compte le caractère extrême des plus grands diamètres. Or il existe une loi statistique qui s’applique aux valeurs extrêmes (la loi de distribution GEV – Generalized Extreme Value).

1.1.3.

Le recours à une nouvelle approche en lichénométrie, fondée sur la théorie des valeurs extrêmes

Une nouvelle approche lichénométrique permet une estimation plus fine des dates

de mise en place des dépôts morainiques. Dans un premier temps, le plus gros lichen est mesuré sur 50 blocs sélection- nés au hasard, ainsi que sur les surfaces datées (tombes, écroulements ou coulées volcaniques datées…). Un traitement sta- tistique est ensuite appliqué au corpus des données.

La procédure est fondée sur les métho- des statistiques des valeurs extrêmes et bayésiennes (Cooley et al., 2006 ; Naveau et al., 2007). Il s’agit de modéliser la dis- tribution des tailles de l’ensemble de la population des lichens échantillonnés sur les surfaces datées et non datées. Pour cela, une loi de distribution de type GEV est utilisée. Elle dépend de trois paramètres : (paramètre de position), (paramètre de distribution) et (forme de la distribution – paramètre constant). La relation entre ces trois paramètres et l’âge de la surface constitue la nouvelle courbe de croissance (Naveau et al., 2007). Un modèle bayésien est construit sur cette procédure : les paramètre GEV et les paramètres qui décrivent la fonc- tion de croissance sont traités comme des variables aléatoires caractérisées par des distributions basées sur des connaissances a priori (par exemple que la pente de courbe de croissance est positive).

Les distributions de chaque paramètre sont obtenues par une procédure de Monte Carlo – Chaîne de Markoff (MCMC). Les propriétés des MCMC per- mettent une bonne approximation de la distribution postérieure des paramètres (Cooley et al., 2006) après de nombreu- ses itérations (action de répéter un pro- cessus), généralement plus de 10 000 (Robert, 2006). À chaque itération, tous les paramètres sont mis à jour un par un, jusqu’à ce que la meilleure combinaison de paramètres soit obtenue. Ainsi, une en œuvre de relevés systématiques

(André, 1993).

Les sites datés sur lesquels est calibrée la courbe de croissance des lichens doivent donc être les plus nombreux possibles et peu éloignés des dépôts à dater afin que les conditions d’évolution de ces êtres vivants diffèrent peu d’un site à l’autre. Par ailleurs, les limites temporelles des sites datées doivent, si possible, être pro- ches de celles des dépôts à dater.

1.1.2.

L’utilisation de la lichénométrie en Islande : une multiplicité de résultats

Les courbes de croissance lichénométri- que doivent être utilisées avec prudence en Islande. En effet, quatre périodes d’in- terruption de croissance de l’espèce ont été mises en évidence dans le nord de l’île durant les deux derniers siècles (Caseldine et Baker, 1998). Il s’agit, d’une part, de périodes prolongées caractéri- sées par un couvert neigeux persistant, freinant considérablement la croissance

des thalles. D’autre part, l’activité volca- nique a pu détruire les lichens : l’éruption fissurale du Lakagigar en 1783 et les émissions de gaz fluorés et de téphras qui ont suivi auraient provoqué une des- truction totale ou partielle de la popula- tion lichénique. En outre, les recherches de S. Étienne (2002) posent le problème de la stabilité des surfaces basaltiques qui pourraient subir un ou plusieurs cycles de desquamation tous les deux siècles. Toute incohérence dans les mesures effectuées doit donc être soi- gneusement relevée et prise en compte dans l’interprétation des résultats. Malgré ces difficultés, la lichénométrie a été largement utilisée en Islande, notam- ment pour dater l’extension maximale des glaciers au Petit Âge Glaciaire (Jacksch, 1970, 1975 ; Gordon et Sharp, 1983 ; Thompson, 1988 ; Caseldine, 1990, 1991 ; Kugelmann, 1991 ; Gud-mundsson, 1998 ; Evans et al., 1999 ; Kirkbride et Dugmore, 2001 ; Bradwell, 2001, 2004 ; McKinzey et al., 2004). Les résultats divergent beau- coup d’un site à l’autre et traduisent l’in- fluence de facteurs locaux (lithologie, exposition des surfaces datées en particu- lier aux vents catabatiques, conditions cli- matiques locales), mais également l’utili- sation de méthodes variées dans la construction des courbes de croissance des lichens.

La méthode la plus utilisée en Islande consiste à mesurer 50 thalles par sur- face rocheuse et à reconstituer la courbe de croissance en utilisant la moyenne des cinq thalles les plus grands (Jacksch, 1970, 1975 ; Gordon et Sharp, 1983 ; Thompson, 1988 ; Kugel- mann, 1991 ; Gud-mundsson, 1998 ; Evans et al., 1999). Cette méthode pose problème dans la mesure où elle ne repose que sur la prise en compte d’un petit nombre d’individus parmi une

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PHOTO9 – Lichen de type Rhizocarpon geographicum.

Reconnaissable à ses couleurs vertes et noires, c’est le lichen le plus utilisé en lichénométrie. Le réglet qui donne l’échelle est gradué en centimètres (cliché pris en juillet 2007).

20esiècle. Pour la région de Skaftafell, les photographies aériennes prises en 1945, 1968, 1980, 1997 et 2003 ont été utilisées à travers une approche diachronique pour cartographier l’évolution des marges gla- ciaires. Elles ont donc été orthorectifiées et géoréférencées au sein d’un Système d’In- formation Géographique (SIG). Une carte topographique danoise, levée en 1904, est également disponible. Nous ne l’avons pas incluse dans le SIG, étant donné son man- que de précision et la difficulté de géoréfé- rencement, mais elle permet d’avoir une idée approximative de l’extension des lan- gues glaciaires étudiées en 1904.

Par ailleurs, la Société Glaciologique Islandaise (Jöklarannsóknafélag Íslands)

effectue des mesures annuelles de varia- tions des fronts glaciaires sur 41 glaciers islandais. Les données disponibles débu- tent en 1935 pour le Morsárjökull et en 1943 pour le Skaftafellsjökull. Elles per- mettent de vérifier l’exactitude des data- tions lichénométriques et d’avoir une connaissance fine des fluctuations gla- ciaires.

La connaissance de la variation des fluc- tuations glaciaires depuis le Petit Âge Gla- ciaire permet de connaître le temps d’évo- lution des parois depuis le départ des glaciers. Elle sert de calage chronologi- que aux processus qui ne peuvent s’amor- cer qu’après le départ du glacier.

distribution empirique pour chaque paramètre est calculée, et particulière- ment celle des âges de chaque surface non datée. Des intervalles de confiance pour les surfaces non datées sont calcu- lés à partir de la moyenne et de la variance de la distribution des âges anté- rieurs. Afin de réduire les marges d’er- reur, les mesures des surfaces datées et des surfaces non datées sont réunies dans un même groupe de données et traitées ensemble.

Cette méthode permet donc :

(1) d’obtenir des résultats statistiquement plus fiables,

(2) de proposer des intervalles de confiance pour les datations obtenues.

Une comparaison entre les différentes méthodes lichénométriques a révélé que l’approche GEV offre la datation la plus fiable et la plus petite marge d’indétermi- nation (Jomelli et al., 2007).

1.1.4.

L’application de l’approche lichénométrique “GEV” sur les cordons morainiques

Dans un premier temps, des surfaces basaltiques dont la date de mise en place est connue ont été échantillonnées. Dans la région de Skaftafell, il s’agit de coulées de lave, de dépôts de jökulhlaups, de cor- dons morainiques datés par photographie aérienne ou de digues. Le protocole de mesure retenu (Jomelli et al., 2007) pré- conise la sélection aléatoire de 50 blocs relativement divers en terme de localisa- tion, de micro-topographie (orientation par rapport au glacier, au vent, au soleil, etc.) et d’altitude (base ou sommet du dépôt). Sur chaque bloc, l’axe le plus long des plus gros lichens est mesuré au réglet avec une précision de 0,5 mm et la valeur la plus forte est retenue. Les lichens doi- vent être le plus circulaire et le plus plat possible, les lichens coalescents ou de formes irrégulières ont donc été systéma- tiquement rejetés. Le même protocole a ensuite été appliqué sur les cordons morainiques des glaciers retenus

(PHOTO 10).

1.2.

DES DONNÉES COMPLÉTÉES