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Comme nous l’avons souligné précédemment, il existe une distinction entre les relations empreintes de violence et celles dans lesquelles les couples « ne font que se disputer » violemment ou « conjugopathie ». La différence principale réside dans les rapports de pouvoir entre les personnes concernées : dans une relation violente, il existe un rapport asymétrique entre les partenaires. L’un d’entre eux exerce un pouvoir unilatéral sur l’autre. En pareil cas, il s’agit d’une relation dans laquelle la violence sert à maintenir la domination et le contrôle sur l’autre personne (46, 91).

La violence dans les relations de couple ne se manifeste pas en permanence. En réalité, le travail avec des femmes victimes de violence a permis d’identifier un cycle de la violence que Léonore Walker a désigné, en 1983, sous le terme de spirale de la violence (figure 1). Ce cycle comporte quatre phases : montée de la tension, explosion de la violence (agression), latence et rémission (lune de miel).

Figure2. Le cycle de la violence (d’après Léonore Walker)

1. Climat de tension : au début, il y a un couple, tout va bien, madame est indépendante et travaille. Puis petit à petit, s’installe la tension dans la relation. Un déménagement et madame

1ère étape : Climat de tension Conséquences : peur, anxiété

2ème étape : Explosion / Agression Conséquences : sentiment d’outrage vécu par la victime

3ème étape : Justification de l’auteur ou

latence

Conséquences : le doute s’installe chez la victime 4ème étape :

Lune de miel

Conséquences : l’espoir renaît chez la victime

quitte son emploi, une dépendance économique s’installe, monsieur a un droit de regard sur les dépenses du ménage et madame se sent redevable de son époux. Elle tente de retrouver un emploi mais il y a une mise en échec par monsieur qui lui reproche son absence. Tout doucement un contrôle sur le quotidien de madame s’installe. De multiples prétextes (aliments, tenues vestimentaires, fréquentations) deviennent déclencheur d’incidents : pour éviter une scène, la victime tente par tous moyens d’abaisser la tension de son partenaire. Elle devance et se plie à ses exigences. Cette phase se caractérise par des paroles dévalorisantes, des humiliations et des insultes. La victime tente de prévenir les violences. Elle consacre toute son attention à la personne violente, refoulant ses peurs et propres besoins dans l’espoir d’éviter les situations de conflit et les mauvais traitements. Mais, tôt ou tard, une escalade de la violence finit par se produire parce que le comportement lénifiant et d’esquive adopté par la victime ne suffit en fin de compte pas à contrôler les agissements violents de son partenaire.

2. Agression/explosion : l’épisode violent a lieu, quelle que soit la forme de violence utilisée. L’auteur donne l’impression de perdre le contrôle de lui-même : « il dit qu’il ne peut pas s’en

empêcher ». La victime se sent démunie, détruite intérieurement. Durant la phase d’éruption de la

violence, les victimes réagissent de façon différente : elles fuient, et/ou se retirent, se défendent activement ou endurent les mauvais traitements. Au cours de ces périodes, les victimes sont souvent en proie à des angoisses de mort. La violence subie, la perte de tout contrôle et l’impuissance totale – sans compter les lésions corporelles – ont de lourdes répercussions sur le plan psychique. Certaines victimes se retrouvent dans un état de choc qui peut durer plusieurs jours. Si les forces de l’ordre sont appelées à ce moment-là, la victime peut se montrer agressive, apathique ou faire des déclarations contradictoires.

Les victimes de violence domestique grave développent souvent un état de stress post-traumatique qui se traduit par divers symptômes physiques, psychiques et psychosomatiques. Les manifestations typiques en sont des troubles du sommeil, des douleurs chroniques, de l’anxiété ou encore une perte de confiance en soi et dans les autres.

3. Justification de l’auteur : la crise a eu lieu, l’auteur tente d’en annuler sa responsabilité. Le prétexte déclencheur devient l’excuse utilisée pour transférer cette responsabilité à la victime. De son côté la victime intériorise et endosse la responsabilité de l’épisode violent, l’auteur reprend très rapidement une vie normale.

4. Lune de miel : après la crise, l’auteur qui craint de perdre sa compagne commence à exprimer des regrets tout en minimisant les faits et justifiant son comportement. Il veut se réconcilier, il demande pardon, supplie de tout recommencer « à zéro ». Il redevient très amoureux, achète des cadeaux, partage les tâches ménagères, l’éducation des enfants, il promet qu’il ne recommencera plus, qu’il se soignera si cela est nécessaire... De son côté la victime espère, pardonne, elle veut y croire, elle redécouvre l’homme qu’elle a aimé.

Plus est forte l’emprise de cette violence sur la victime, plus s’amenuisent les périodes de lune de miel, qui vont peu à peu disparaître. L’auteur n’en a plus besoin pour la retenir, les conséquences sur sa vie, sa santé sont telles qu’elle ne croît pas pouvoir y échapper. Elle a un seuil de tolérance à cette violence qui déstabilise l’entourage.

C’est pendant la période de lune de miel, croyant que tout peut changer, que la victime retire sa plainte, revient au domicile, rompt toute relation avec l’entourage. C’est également pendant cette période du cycle que, souvent par manque de connaissance du processus de cette violence et de son emprise sur les victimes, les amis, la famille, les voisins, les collègues, les professionnels ne comprennent plus et déçus de l’attitude de la victime se promettent de ne plus intervenir.

K. DECES DANS LE CADRE DES VIOLENCES