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F. RECAPITULATIF DU PARCOURS MEDICAL, SOCIAL ET JUDICIAIRE DE

3. Les différents intervenants

Ce travail de recherche a été enrichissant car il nous a menés à rencontrer des interlocuteurs d’horizons variés partageant une ligne directrice commune : l’aide à la personne. Ce principe altruiste a pris autant de déclinaisons différentes que d’interlocuteurs rencontrés et de documents analysés au cours de cette recherche. En effet, il a été intéressant de constater les différentes approches par parcours exploré :

x un esprit scientifique dans le parcours médical, et plus précisément :

o une rigueur scientifique retrouvée dans les rapports d’autopsie et les certificats médico-légaux pour coups et blessures rédigés par les médecins légistes. L’anatomie et la physiopathologie des lésions sont primordiales dans les deux cas. La rigueur et la justesse scientifique ne laisse que peu de place dans la prise en compte du contexte psychosocial entourant les victimes. Il est important de connaître les circonstances entourant le décès ou les violences subies, mais l’empathie n’a pas sa place dans la rédaction d’un rapport d’autopsie ou un certificat de coups et blessures.

o une approche clinique et médicale pure retrouvée dans les dossiers médicaux des victimes accueillies aux urgences. Il faut réaliser que les violences conjugales ne sont pas connues au moment de l’accueil de ces patientes et qu’il apparaît difficile d’avoir une empathie appropriée pour chacun des patients se présentant initialement aux urgences pour une lésion traumatique ;

x une approche centrée sur la punition de l’auteur des faits, retrouvée dans les dossiers judiciaires pénaux. Le but étant de protéger la victime par des mesures punitives envers l’auteur, et non d’indemniser la victime pour les violences subies. La détermination de la durée de l’ITT au sens du Code Pénal en est l’exemple même. Il s’agit d’un outil judiciaire à destination des médecins pour définir une limitation de l’autonomie, donc une souffrance physique mais aussi psychologique, en jours d’incapacité. Cet outil n’est pas au service de la victime mais au service de la justice, ce qui lui permettra de sanctionner l’auteur en conséquence ;

x un esprit plus empreint d’empathie envers les victimes retrouvé parmi les entretiens avec les travailleurs sociaux. Plusieurs approches ont été constatées dans le fonctionnement des différentes structures sociales : que ce soit plutôt sur un versant de victimisation de la femme ou plutôt de son autonomisation, que ces structures soient engagées dans un courant de pensée féministe ou non, la ligne directrice de chacune d’elles reste l’accompagnement et le soutien de la femme dans ses démarches sociales.

L’exploration du parcours médical des victimes décédées s’est définie par la mise en évidence de leur admission au sein des services d’urgences des grands centres hospitaliers du département ou au sein de l’UMJ du CHU de Nice pour des motifs en lien avec des violences conjugales. Nous nous sommes volontairement limités aux SAU des grands centres hospitaliers par souci de temps imparti pour la réalisation de ce travail. Lorsque le travail de recherche a débuté, nous avions émis l’hypothèse d’explorer le parcours de ces victimes auprès de leur médecin généraliste. Plusieurs problématiques nous ont conduits à ne pas poursuivre dans cette direction :

x la révélation du décès des victimes aux différents médecins généralistes aurait supposé une rupture du secret judiciaire encadrant les affaires toujours en cours et nous aurait confrontés à une situation gênante ;

x des médecins généralistes auraient pu ne pas répondre par respect du secret professionnel qui persiste après le décès du patient (61, 79).

L’étude du parcours médical a été partiellement accomplie du fait que l’accès à l’ensemble des dossiers médicaux n’a pu se faire. En effet, un grand nombre de dossiers médicaux des urgences du CHU de Nice, stockés aux archives du CHU n’ont pu être retrouvés. Il existe donc un biais dans la collecte de nos données sur le parcours médical des victimes : nous ne disposons pas de l’ensemble des motifs et du contexte de consultation aux urgences de notre population. Il est possible que le nombre de victimes ayant consulté aux urgences pour des motifs en rapport avec des violences conjugales soit sous-estimé.

De même, le nombre de patientes ayant consulté un médecin légiste a été sous-estimé car nous n’avons pas accès aux archives des légistes exerçant en libéral, recevant également en consultations des victimes dans le cadre de violences conjugales.

L’exploration du parcours judiciaire de notre population s’est définie par la mise en évidence du nombre de dépôts de plainte des victimes pour des faits de violences au sein du couple. En

d’autre terme, nous cherchions à mettre en évidence si nos victimes étaient connues avant leur décès des services de police et de gendarmerie dans le cadre de violences conjugales. Notre recherche n’a malheureusement pu répondre que partiellement à cet objectif, les dossiers judiciaires en cours d’instruction étant soumis au devoir de réserve. Les données présentées ci- dessus sont possiblement sous-estimées et ne sont donc pas représentatives du parcours judiciaire de l’ensemble de notre population. Ce biais d’information n’est malheureusement pas contrôlable. Seule une étude réalisée une fois les instructions judiciaires closes pourra répondre à cet objectif. L’exploration du parcours social de notre population s’est définie par la mise en évidence du nombre de victimes ayant été prises en charge par une structure sociale du département pour des motifs de violences conjugales. Toutes les structures à l’exception d’une ont répondu à notre travail de recherche. Le principal biais dans la collecte d’informations auprès de ces structures réside dans leur système d’archivage des données. La collecte n’a pu être standardisée du fait des différences de fonctionnement entre les structures. Par exemple, le CIDFF ne dispose pas d’archives ; la collecte des données auprès de cette structure réside sur la mémoire des intervenants.

Le recueil des données a été réalisé par une seule et même personne au travers de trois questionnaires orientés pour chacun des parcours médical, social et judiciaire. Ces questionnaires avaient pour objectif d’identifier les victimes connues des différentes structures, d’identifier le motif de consultation au sein de ces structures (pour le parcours médical et social) et d’identifier la notion de violences conjugales antérieures connues et leur prise en charge. Le questionnaire concernant le parcours judiciaire visait à identifier la notion de violences conjugales antérieures connues au travers des dépôts de plainte des victimes. Il visait également à identifier la prise en charge proposée suite à ces dépôts de plainte, l’orientation vers un médecin légiste des victimes ainsi que la sanction de l’auteur.

Les questionnaires ont servi de ligne directrice dans la collecte des données. Ils ont été créés au démarrage de notre travail alors que nous ne savions pas encore précisément sur quels types de documents nous allions prélever nos données. Au fil de la collecte des informations, il s’est avéré que ces questionnaires ont rarement été remplis de façon exhaustive, l’information recherchée n’étant pas toujours disponible. A l’inverse, parfois nous retranscrivions une information jugée intéressante pour notre recherche mais ne faisant pas partie des questions prédéfinies sur notre

questionnaire. Par exemple, la notion de violences conjugales antérieures connues par l’entourage du couple est une information retrouvée dans les procès-verbaux d’audition au sein des dossiers judiciaires ; elle a été jugée intéressante et a été par la suite systématiquement recherchée. Cette donnée ne figurait initialement pas dans nos objectifs de collecte fixés par notre questionnaire. Les questionnaires ont servi de support directeur pour la collecte d’informations. Ils ont été remplis de façon incomplète par un manque d’informations disponibles, ce qui constitue en soi un biais d’information.