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E. PERSPECTIVES

VI. CONCLUSIONS

Le département des Alpes-Maritimes est un département français particulièrement touché par la problématique des féminicides conjugaux. L’état des lieux est alarmant, d’autant plus que malgré des actions menées l’issue en est restée tragique pour ces vingt-huit femmes.

Il en ressort de notre analyse les éléments suivants :

x aucun dépistage ne semble être effectué au sein des services d’urgences des grands centres hospitaliers lorsque des patientes sont admises, notamment pour la prise en charge de lésions traumatiques ;

x un nombre très restreint de femmes de notre échantillon a bénéficié d’une prise en charge au sein d’une structure sociale dans le cadre de violences conjugales ;

x des dépôts de plainte à l’encontre des partenaires de vie pour violences conjugales avaient été enregistrés pour un quart de notre population.

Au travers de l’analyse du parcours de ces victimes, ce travail a permis d’identifier plusieurs facteurs de risque des féminicides conjugaux qui sont les suivants :

x l’âge des victimes inférieur à cinquante ans ; x le mariage ou le concubinage ;

x la présence d’une arme à feu au domicile ;

x des dépôts de plainte antérieurs de la part des victimes pour violences conjugales ; x le contexte de séparation ;

x les troubles psychiatriques de l’auteur.

Le foyer des conjoints n’est pas un facteur de risque en soi mais constitue le lieu de survenue des décès le plus fréquent.

A l’heure actuelle, l’analyse des différents parcours de ces victimes laisse transparaître un défaut de coordination entre les acteurs médicaux, sociaux et judiciaires. Des actions sont certes menées mais séparément, à l’origine d’un risque accru de perdre de vue la victime.

Des perspectives d’évolution dans la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales existent. La prévention des décès de ces femmes doit passer par la création, à l’échelle du département, de plusieurs réseaux pluridisciplinaires, couvrant l’ensemble du département, alliant des acteurs médicaux, sociaux et judiciaires. Seul un réseau bien tissé entre les services d’urgences des grands centres hospitaliers effectuant des dépistages ciblés systématiques, le service de Médecine Légale du CHU de Nice, les médecins légistes du réseau de proximité, les différentes structures sociales impliquées dans la lutte contre les violences conjugales, les services de police et de gendarmerie ainsi que les parquets de Nice et Grasse, permettra d’assurer une protection efficace et pérenne autour de la victime. Les différents acteurs se doivent d’échanger ensemble et de travailler d’un commun accord dans la lutte contre les violences et la prévention des féminicides conjugaux.

Au sein de ce grand réseau, plusieurs éléments sont à mettre en place, par exemple :

x l’utilisation d’un score de dépistage des signes de gravité des violences conjugales subies par les victimes afin d’évaluer les risques de décès, établis par les médecins légistes et permettant de réaliser un signalement aux Procureurs. Ce score permettrait d’entretenir un lien étroit entre le service de Médecine Légale et les TGI dans la lutte contre les féminicides conjugaux ;

x la création d’un référent hospitalier « femme victime de violences », dont la mission serait de sensibiliser les équipes médicales d’urgences sur la problématique des violences faites aux femmes et leur dépistage au sein des urgences. Il serait envisageable dans ce cadre-là de créer un partenariat avec le service de Médecine Légale pour assurer le suivi médico- judiciaire des victimes identifiées ;

x la diffusion de brochures d’informations concernant les différentes structures sociales impliquées dans la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales, au sein des salles d’attente des urgences des grands centres hospitaliers et chez les spécialistes concernés par la problématique. Le partenariat doit être renforcé entre ces structures sociales et le service de Médecine Légale, point de chute des victimes ayant déjà réalisé des démarches judiciaires et pour lesquelles un accompagnement social est primordial.

Ces perspectives d’avenir sont des propositions qui permettraient d’améliorer la prise en charge des victimes de violences conjugales voire d’en prévenir les issues les plus tragiques.

Ce travail a été limité par le manque d’accessibilité à certaines informations, notamment celles contenues au sein des dossiers judiciaires non consultables. Ce travail sera à compléter ultérieurement, une fois les dossiers judiciaires instruits et accessibles, ce qui permettra de réaliser une analyse plus approfondie du parcours de ces femmes victimes de violences conjugales ainsi qu’un meilleur reflet des facteurs de risque de ces violences.

La prise en charge psycho-sociale des auteurs de violences conjugales est également une perspective d’évolution dans la lutte contre les récidives des violences conjugales ainsi que dans la prévention des situations à haut risque de létalité. Cette prise en charge devrait être systématique, dès le premier dépôt de plainte de la victime.

Il ne faut pas oublier que dans le domaine de l’être humain, la complexité de chacun rend d’autant plus difficile une prise en charge adaptée pour chaque victime de violences conjugales. Dans la situation hypothétique d’une prise en charge pluridisciplinaire optimale, le risque zéro n’existe malheureusement pas, la femme victime de violences conjugales est un être complexe, où se succèdent doutes et décisions, qu’il faut savoir respecter et accompagner, au mieux, individuellement.