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1.3 L’histoire du Québec de la colonisation à aujourd’hu

1.3.3 Maurice Duplessis

Le temps d’après-guerre au Québec fait partie d’une période d’une quarantaine d’années pendant laquelle le Parti libéral est constamment au pouvoir (1897 – Félix-Gabriel Marchand – jusqu’à 1936 – Joseph-Adélard Godbout). La stabilité de cette période se reflètera au-delà de la politique jusque dans la sphère sociale. La suprématie libérale sera remise en question au profit du nouveau Parti conservateur provincial de Maurice Duplessis pendant la crise économique de 1929. La crise mondiale mettra les Québécois au chômage dans une proportion importante. Devant un Parti libéral mis sur la sellette pour corruption et copinage, le Parti conservateur de Maurice Duplessis (l’Union nationale) commence à prendre de la force en promettant un véritable changement au Québec. Son discours obtient un certain succès auprès de l’électorat.

Aux élections de 1935, l’Union nationale perd une lutte chaude contre le Parti libéral de Taschereau qui remporte 48 sièges à l’Assemblée nationale contre 26 pour Paul Gouin pour l’Action libérale nationale (ALN) et 16 sièges pour Maurice Duplessis (Drouilly 1990). En 1936, Maurice Duplessis gagne finalement les élections avec son discours de changement qui promet, entre autres, que seraient bannies les manœuvres économiques douteuses des libéraux et que le Québec se développerait économiquement. Son premier mandat comme premier ministre du Québec établira ses pouvoirs et son équipe. Il perdra les élections de 1939. Mais grâce à une machine électorale truquée et à un climat économique confortable d’après-guerre qui inspire confiance, Duplessis reprend le pouvoir de 1944 à 1959. C’est pendant ce mandat qu’il exercera le plus son pouvoir sur le Québec, imposant sa vision, qui deviendra peu à peu anachronique. En effet, malgré le caractère typiquement libéral et moderne de ses politiques économiques, il instaure des politiques sociales et culturelles conservatrices inadaptées à la réalité du temps et gouverne le pays en privilégiant l’autorité du chef, le patronat et le favoritisme. Duplessis semble s’être retrouvé dans une période de changement profond alignée avec le contexte mondial de l’époque décidant de gouverner en revenant à des valeurs québécoises d’antan soit la religion catholique et le retour à la terre (Desrosiers 1971).

Duplessis comme premier ministre est une pierre tournante de l’histoire québécoise. Mais en ce qui nous concerne, la ligne historique qui lie la période coloniale anglaise aux relations interculturelles au Québec aujourd’hui nous indique que l’époque duplessiste ne rejoint pas la conscription ou le soulèvement patriote comme pierre tournante. Elle constitue cependant une étape importante, une pierre angulaire, dans le contexte historique qui contribuera à déclencher la Révolution tranquille. À mon avis, il n’est pas possible d’envisager la Révolution tranquille sans la présence au pouvoir de Maurice Duplessis. Son gouvernement s’en prenait à tous ceux qui remettaient en question la religion, le patronat, les valeurs de la terre. Il gouvernait de manière profondément autoritaire et particulièrement disciplinaire en gardant des relations privilégiées avec la religion catholique ultramontaine.

Malgré des discours d’apparences nationalistes et un refus de collaborer avec le gouvernement fédéral, certains pourraient argumenter que Duplessis a cultivé un avenir peu ambitieux pour les Canadiens français. Bien sûr, cette opinion serait probablement partagée davantage par des

partisans d’un régime de gauche sur le spectrum des opinions politiques. Mais une majorité des Canadiens français semble dire que le régime de Duplessis était, sans aucun doute, autoritaire dans sa nature. Par exemple, il voulait développer l’économie en invitant des compagnies étrangères majoritairement américaines (et donc aussi anglophones) à venir exploiter les ressources naturelles de la province. La syndicaliste Madeleine Parent se rappelle que Duplessis a dit à un émissaire d’affaires américain :

« Il y a deux manières de développer une province. La première est les ressources naturelles : je ne vous les vends pas, je ne vous les prête pas, je vous les donne. Et la deuxième manière est une main-d’œuvre docile et à bon marché : L’Union nationale verra à ce que ça soit le cas. » (Proulx 2002)

Seule madame Parent semble avoir documenté cette citation de l’ex-premier ministre, ce qui implique qu’elle ne peut être acceptable comme source fiable. Cependant, elle semble bien représenter une partie des perceptions que certains avaient envers Duplessis, ses politiques ou la manière qu’il avait de développer l’économie provinciale. Celle-ci avait tendance à réduire les Québécois canadiens français à une main-d’œuvre manufacturière non syndiquée et employée par de riches Américains. Comme dans les périodes précédentes de l’histoire, on se fiait à une élite capitaliste anglophone pour développer le Québec, ce qui n’a pas plu au mouvement nationaliste et, plus généralement, à de nombreux Canadiens français. De plus, Duplessis était en conflit perpétuel avec les intellectuels, les artistes et les syndicats. Ce climat les a certainement encouragés à garder du ressentiment envers les valeurs de ce gouvernement qui ne reflétaient plus la réalité quotidienne de tous les Québécois et qui étaient devenues peu à peu anachroniques.

En 1959, Duplessis meurt subitement lors d’un voyage à Schefferville. Il laisse sa place pour une courte période aux unionistes Paul Sauvé et Antonio Barrette, qui seront remplacés en juillet 1960 par le libéral Jean Lesage. L’élection de Lesage au poste de premier ministre de la province est considérée, par un très grand nombre d’historiens, de sociologues et de politicologues comme le début de la Révolution tranquille (Durocher 2013, Pelletier 1992, 609, Dickson 2009). Celle-ci est encore fréquemment discutée et analysée par de nombreux chercheurs qui ne s’entendent pas tous sur ce qu’elle représente pour le Québec ou encore sur les dates de son début et de sa fin.

Cependant, tout le monde s’entend sur le fait qu’elle a changé la face du Québec et que l’élection de Lesage est un point marquant dans l’histoire de cette révolution parce qu’il a personnifié le changement déjà en branle dans la population du Québec.