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L’analyse dans ce mémoire est basée sur la combinaison des données empiriques recueillies dans les entrevues individuelles et de la recension d’écrits tant théoriques qu’historiques. Après avoir recueillis les transcriptions d’entrevues et les fiches sociodémographiques de tous les participants, certaines réponses ou certains thèmes sont ressortis comme ayant provoqué des réactions plus ou moins intenses ce qui a servi à l’analyse thématique dont je traiterai sous peu. De plus, les réponses aux questions d’opinion sur une liste de sujets ont créé une série de perceptions des participants que j’ai regroupées aussi sous ces thèmes pour analyse. Je me suis donc retrouvée avec un tableau de perception par thèmes.

En analysant les perceptions des participants dans chacun des thèmes, il pouvait se dessiner des opinions partagées par une majorité et celles appartenant à une minorité. À partir de ce moment, mon étude s’apparente à une analyse de discours, même si elle ne rejoint pas tous les critères nécessaires pour pouvoir qualifier l’analyse comme telle. Je n’ai pas fait de dépouillement systématique des transcriptions ni entré les données dans un logiciel d’analyse sémantique comme Sémato par exemple. Par contre, cette démarche entre bel et bien dans une définition plus large de l’analyse de discours où elle est définie comme : « examines patterns of language across texts and consider the relationship between language and the social and cultual contexts in which it is used » (Paltridge 2012, 2). Ma démarche est donc construite sur une analyse thématique.

Les thèmes dans cette analyse thématique ont été travaillés soit à partir des entrevues exploratoires menées avant le début des entrevues officielles ou avec la recension des écrits historiques. Ils sont aussi nés inductivement à partir des conversations avec les participants. Par exemple, le thème du nationalisme était dans les questions posées, mais les relations hommes femmes ont fait surface lors des entrevues officielles. L’étude des thèmes est reprise telle quelle dans la partie d’analyse de ce mémoire (chapitre 4) qui comprend aussi une analyse sociopolitique ainsi que de discours. Ce processus est aussi inductif que déductif. Inductif, car il a permis à des situations imprévues de faire surface et déductif au sens où le cadre théorique a servi pour l'analyse des données. Voyons plus en détail la démarche de cette analyse.

2.4.1 Démarche

La première étape de ma démarche d’analyse a été de faire une première lecture superficielle de toutes les entrevues pour récolter les opinions principales de chacun des participants et faire ressortir les thèmes de chacune des entrevues. En parallèle, je remplissais la fiche signalétique avec les données sociodémographiques récoltées en plus d’écrire un résumé pour chacune des réponses aux questions ouvertes. Cette étape m’a permis d’avoir une idée générale des données et de former une démarche d’analyse temporaire. À ce stade, aucun codage n’avait été fait. La deuxième lecture est allée beaucoup plus en profondeur et j’ai commencé à coder le discours des participants pour une analyse thématique. Celle-ci est basée sur une analyse de discours des participants sur une liste de thèmes transversaux. Ce travail de codage est, en grande partie, le travail qui a permis l’analyse du contenu. J’ai ignoré la cohérence de l’entretien seul pour rechercher une cohérence thématique à travers toute la population de participants. Je n’ai donc pas, à ce point-ci, fait de différence entre la population immigrante et la population de Canadiens français.

J’ai donc relevé tous les thèmes importants et les thèmes secondaires de chaque entrevue et noté s’ils étaient récurrents ou non ainsi que le vocabulaire utilisé, le ton de voix du participant, les pauses, la fluidité de la conversation, les facteurs extérieurs (les bruits, les interruptions, etc.). À cette étape, j’ai prêté une attention particulière au vocabulaire utilisé puisque j’ai remarqué dès la première lecture des entrevues que les participants utilisaient, sans trop s’en rendre compte, beaucoup de vocabulaire d’origine chrétienne et coloniale. J’ai monté une sorte de codage systématique pour récupérer l’information avec plus de facilité lors de l’écriture qui m’a aussi servi d’instrument d’analyse. Entre autres, il m’a permis d’identifier quantitativement et qualitativement une liste de thèmes principaux et secondaires transversaux à toutes les entrevues. La liste de thèmes principaux m’a aidée à créer la partie d’analyse micro du chapitre d’analyse des entrevues. En effet, on peut y voir la liste des thèmes principaux analysés un à un, transversalement, en suivant les citations des participants sur chacun d’eux. J’ai choisi de faire ce type d’analyse thématique avant l’analyse par entrevue pour constituer un cadre stable d’analyse de tous les entretiens. Suivant ce processus, j’ai fait une étude par entrevue qui avait pour but de documenter la singularité, le processus, l’individualité de chaque participant par une analyse

discours entier, etc. Bref, réintroduire l’individualité et le contexte pour compléter l’analyse thématique transversale. Cette analyse par entrevue m’a permis d’avoir une lecture profonde et une compréhension pleine de chacun des participants individuellement. C’est l’influence des écrits de Gadamer et de l’herméneutique philosophique qui a inspiré cette analyse. Cette influence méthodologique sera expliquée en profondeur au cours des chapitres subséquents. Finalement, j’ai regroupé tout le corpus d’entrevue et combiné l’analyse par thème et l’analyse par entrevue pour former une idée d’ensemble directement en rapport avec ma question de recherche initiale. Cette analyse se trouve dans la partie macro du chapitre d’analyse. Elle contient aussi le contexte sociétal plus large dans lequel les participants se trouvent, c’est-à-dire l’univers québécois. Cette analyse globale est une combinaison de tous les travaux précédents où j’ai isolé les relations entre les variables. J’ai regroupé les dimensions, les indicateurs, les attributs et j’ai fait des liens. L’analyse macro du chapitre d’analyse des entrevues met en évidence l’indépendance, la corrélation et les liens logiques entre les entrevues individuelles et le problème plus large de l’histoire et des relations interculturelles au Québec.

Il est à noter que bien que l’analyse de cette recherche est majoritairement de nature qualitative, je me suis aussi servi, en partie, de méthodes simples d’analyse quantitative pour identifier des tendances. Dans le codage des données qualitatives d’entrevues dans l’analyse thématique j’ai relevé combien de personnes avait une opinion X sur le thème Y et calculé la portion de l’échantillon total qui avait l’opinion X. Cette analyse est venue en renfort à l’analyse qualitative sans toutefois sortir hors contexte ces chiffres et en prenant soin de retenir la complexité des opinions. On retrouve ces données quantitatives dans le chapitre d’analyse puisqu’il facilite la visualisation des données.

2.5 Le choix du « je »

Tout au long de ce mémoire, j’utilise le pronom « je » au lieu de pronom personnel « nous » ou « on ». Je crois nécessaire d’expliquer mon choix, car le « je » est souvent associé au mouvement postmoderne et à la prescription méthodologique de faire apparaître la subjectivité complète de l’anthropologue dans ses écrits empiriques. Or, ce n’est pas la raison qui motive mon choix. Pour

moi le « je » est non seulement plus naturel et la présence de l’anthropologue dans les écrits empiriques est une évidence. Mais je ne crois pas qu’exposer la subjectivité de l’auteur et son expérience pour entrer dans le monde de l’anthropologue soit nécessaire à une démarche méthodologique. Pour moi, la présence de l’auteur dans le texte, comme dit De Sardan, ne doit ne pas être confondu avec l’entreprise concrète de la recherche et comme lui : « on refusera donc de se faire enfermer, en tout cas pour des raisons de méthodes, dans cette dichotomie entre ce que Geertz appelle respectivement « author-evacuated text » et « author-saturated texts » » (Olivier de Sardan 2000, 442).

L’utilisation du « je » dans ce mémoire est plus centrée sur une démarche de compréhension d’un sujet où l’observateur (l’anthropologue) est un instrument de la compréhension, l’objet de la compréhension et l’instrument de la compréhension et ne doivent pas être confondus. Ma subjectivité n’est pas répandue partout dans le texte de ce mémoire et bien que je sois l’anthropologue qui l’ait écrit, je me dois de faire la distinction entre la recherche et ma présence sur le terrain. Trouver cet équilibre et faire le choix du « je » prudemment, a fait remonter de vieux enjeux de l’anthropologie qui concernent notamment l’autorité de l’anthropologue, sa présence sur le terrain et sa subjectivité. J’ai cependant choisi de ne pas traiter, dans cette démarche, la subjectivité de l’anthropologue. Je compte sur l’introduction de ce mémoire pour clarifier les détails de ce choix et pour exposer les entrailles épistémologiques et théoriques d’inclure avec parcimonie l’auteur dans les écrits méthodologiques.