Partie II - Impact de l’étiage et de l’assèchement sur les communautés d’invertébrés
II.1. Matériels et méthodes
II.1.a. Stratégies d’échantillonnage et structures des communautés in natura
Le même design expérimental que celui utilisé pour l’étude des processus microbiens
(partie I) a été suivi pour les invertébrés (6 sites, 3 dates, 3 profondeurs). Les 6 sites ont été répartis selon 3 types de morphologie de zones humides (i.e. des eaux relativement courantes notées « RW », des apports phréatiques notées « UP » et la formation de mouilles isolées
notées « IP ») induisant chacun un comportement hydrologique différent face à
l’assèchement, indépendamment de la zone humide d’origine. Les invertébrés ont été
collectés en surface à l’aide d’un filet Surber (200 μm) et à -20 et -50 cm de profondeur dans
la zone interstitielle à l’aide d’une pompe Bou–Rouch (Bou & Rouch, 1967; Bou, 1974) avec
laquelle 5 L d’eau et de sédiment ont été pompés, puis filtrés (200μm), le tout répliqué trois
fois. Les échantillons ont été fixés à l’éthanol 90% in situ puis stockés au laboratoire. Les
organismes ont ensuite été dénombrés sous la loupe puis identifiés à l’ordre (Cyclopoida,
Harpacticoida, Odonata, Heteroptera, Megaloptera), au genre (pour les Trichoptères,
Coléoptères, Niphargus, Salentinella, Microcharon, Proasellus) ou à l’espèce (pour les
Cladocères, Ostracodes, et les macrocrustacés, ainsi que pour les Ephéméroptères et les Plécoptères). Les Ephéméroptères, Plécoptères, Trichoptères et Coléoptères sont regroupés
sous l’abréviation EPTC. L’appellation « insectes à adultes émergeants » inclue les EPTC, ainsi que les Odonates, Hétéroptères et Mégaloptères, même si la plupart des Coléoptères collectés dans ces zones humides possèdent des adultes aquatiques.
II.1.a. Réhumidification expérimentale de sédiments et espèces résistantes
Trois réplicats de 50g de sédiments désséchés ont été collectés au sein de chacune des
trois zones humides, sur des berges récemment exondées lors de l’étiage. Ces sédiments ont
été réhumidifiés en laboratoire (eau des sites filtrée) et incubés pendant 30 jours à 20°C avec
un cycle journalier jour/nuit. L’ensemble des échantillons (eau+sédiment) ont été filtrés sur
un tamis 100μm à 1, 6, 14, et 30 jours. Les individus récoltés ont été dénombrés à la loupe
115 groupes, dont les Copépodes. Les espèces présentes à 1 et 6 jours ont été considérées comme
résistantes à l’assec sous forme d’adultes ou juvéniles en dormance, ceux apparaissant au bout
de 14 et 30 jours comme résultant de l’éclosion d’œufs en dormance. Les résultats de cette
expérimentation sont détaillés dans un rapport de stage (Belhaf, 2012) et ne seront présentés ici que succinctement.
II.1.c. Analyses statistiques
Les assemblages strictement aquatiques de crustacés, et des insectes pouvant échapper à
l’étiage/assèchement par l’émergence d’adultes terrestre/aériens, ont été analysés séparément (Parties II.2 et II.3 respectivement).
Afin d’évaluer les différences de structure des assemblages avant, pendant et après l’étiage
2011, deux analyses par positionnement multidimensionnel non-paramétrique (Non-Metric Multidimensional Scaling, NMDS) ont été réalisées selon la méthode Bray-Curtis,
accompagnées d’Analyses de Similarité (ANOSIM) pour tester l’effet des différents facteurs
(date, type de zones humides, profondeur). Ces analyses statistiques ont été réalisées en utilisant le logiciel R Statistical (packages 'Mass' et 'Vegan') avec un niveau de significativité
α = 0.05.
L’abondance annuelle moyenne (Q), l’abondance annuelle maximale (Qmax), la
richesse spécifique (S, nombre de taxons présents) pour une date donnée, la richesse annuelle (diversité α) et l’hétérogénéité des communautés (diversité ) ont été calculées pour chacun des habitats. La richesse spécifique régionale (diversité ) est également mesurée à l’échelle de la plaine alluviale et des courbes de raréfaction sont utilisées afin d’évaluer la contribution
des différents habitats à la diversité selon la méthode de Ugland (Ugland et al., 2003).
La diversité est calculéed’après Amoros et Bornette (2002), selon l’équation (1) :
= [( / α) -1] / (N-1) x 100 Equation (1)
Où est la diversité régionale (e.g. nombre total de taxons identifiés sur l’ensemble de la plaine alluviale), α la diversité locale moyenne et N le nombre total d’habitats échantillonnés dans la plaine. La diversité varie entre 0 (similarité maximale : toutes les espèces sont retrouvées dans tous les habitats) et 100 (dissimilarité maximale : toutes les espèces retrouvées recensées dans un habitat sont spécifiques et retrouvées uniquement dans cet habitat).
Des indices de diversité de Shannon ont également été calculés pour chacun des habitats et à
l’échelle de la plaine alluviale, afin d’évaluer l’impact de l’étiage sur la biodiversité globale, intégrant ainsi l’abondance relative et la rareté des espèces. L’indice de biodiversité de Shannon est calculé selon l’équation (2) :
H’ = –ΣS
i=1 pi ln(pi) Equation (2)
Où piest la proportion d’un taxon (i) par rapport au nombre total d’individus du milieu tous taxons confondus, et S le nombre total de taxons. L’indice de diversité de Shannon augmente
lorsque la proportion des taxons rares augmente et que la répartition des individus entre taxons est plus équilibrée. Un indice de diversité de Shannon a été calculé pour le peuplement global de chaque habitat, à chaque date, en cumulant des échantillons obtenus par deux
méthodes différentes (Surber et Bou-Rouch). La valeur ainsi calculée n’a pas de signification
en elle-même car le calcul est effectué sur un échantillon composite. Cet indice permet toutefois de comparer les stations et les dates entre elles.
En s’appuyant sur la littérature (Amoros, 1984 ; Tachet et al., 2000), des espèces « sensibles »
à l’étiage ont été identifiées lorsque celles-ci sont affectées par aux moins une des
modifications physicochimiques induites par l’étiage (ex. augmentation des températures,
anoxie, eutrophisation).
Enfin, la capacité d’enfouissement des organismes a été évaluée par l’augmentation de
l’abondance des individus résidant à -20 et -50 cm de profondeur lorsque l’abondance en
surface diminue.
Les différences spatiales et temporelles entre les différents habitats ont été testées par un
Modèle Linéaire Generalisé (GLM), avec le type d’habitat comme facteur principal, la
profondeur imbriquée dans le type d’habitat (lorsque les profondeurs sont considérées
séparément), et les différentes dates en tant que mesures répétées. Pour toutes les variables,
les tests Tukey’s HSD sont utilisés pour les comparaisons multiples. Ces analyses statistiques
ont été réalisées en utilisant le logiciel Statistica 7 (StatsoftTM, Tulsa, USA) avec un risque α
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