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Introduction générale

SECTION 2. L'ENQUÊTE DANS LA POLICE : TERRAIN(S) ET MATÉRIAUXET MATÉRIAUX

2. Méthodes et règles d'exposition de la méthode

2.1. Des matériaux divers et « situés »

Dans la mesure où une partie de notre travail consiste à interroger le

dispositif2 de recrutement, il convient d'abord de mettre en évidence les règles

1 Sur l'intérêt d'une telle manière de présenter la méthodologie d'une recherche, voir par exemple Blanchet (Alain), Gotman (Anne), L'enquête et ses méthodes. L'entretien, Paris : Armand Colin, 2007, p. 107.

formelles qui en définissent les modalités. Ces règles font l'objet d'un travail de codification et de mise en textes. C'est pourquoi cette thèse mobilise une étude des différents écrits administratifs1 qui participent à la construction (et aux modifications) du dispositif et encadrent les pratiques des recruteurs.

Mais, conformément à l'hypothèse selon laquelle les pratiques (et leurs « effets ») ne se réduisent jamais à l'application mécanique de règles formelles, aussi impératives soient-elles, il convient aussi de s'intéresser au travail d'interprétation et d’appropriation auquel se livrent ceux qui participent à la mise en œuvre du recrutement. C'est alors une observation de type ethnographique du recrutement en actes (conduite de l'épreuve et délibérations) qui est requise. Les matériaux ainsi obtenus sont en outre mis en relation avec les discours des enquêtés sur leurs pratiques et attentes, collectés au cours d'entretiens de type semi-directif.

Les « effets » du dispositif – et notamment les propriétés des candidats qui constituent des atouts ou des handicaps - peuvent également être objectivés par le recours aux données statistiques. Celles que nous mobilisons ont été soient collectées auprès de l'institution elle-même (puis retraitées), soit produites par nos soins. Dans ce second cas, elles sont issues d'un travail de traitement des informations contenues dans le dossier des candidats relevant du SGAP de Donville et inscrits à la session 2011 du concours de gardien de la paix et d'une enquête par questionnaire, réalisée auprès de candidats admissibles au concours.

Cette enquête par questionnaire porte également sur les opinions et les représentations des candidats. Elle est complétée par un corpus d'entretiens

pratiques, discursives et non discursives, d'architectures, d'objets ou de machines, qui contribue à orienter les actions individuelles et collectives dans une direction » (Lahire (Bernard), « Fabriquer un type d'hommes "autonome" : analyse des dispositifs scolaires », L’Esprit sociologique, Paris : La découverte, 2007, p. 323, note 5).

1 Il s'agit pour l'essentiel de textes officiels et publics. L'accès à des documents tels que des instructions ou notes de service nous a parfois été refusé, au motif que le bon déroulement du concours nécessitait que leur « confidentialité » soit préservée.

approfondis, grâce auquel nous tentons de rendre compte des processus de construction de l'attrait pour le métier de gardien de la paix. Enfin, à ces matériaux s'ajoutent toutes les informations « saisies » à l'occasion de visites à l'ENP de Brincieux, à l’Hôtel de Police de Bréville et dans des commissariats de quartier et au cours des nombreuses discussions informelles que nous avons pu avoir avec des recruteurs ou des candidats.

Tableau récapitulatif des méthodes d'enquête mobilisées1

Méthodes Objectifs Exploitation

Étude des textes

administratifs définissant les modalités officielles du dispositif de recrutement.

Rendre compte de la manière dont le dispositif de recrutement est formellement construit et modifié.

Mettre en évidence le modèle de gardien de la paix recherché et ses évolutions dans le temps.

Première partie de la thèse

Entretiens avec des agents chargés de l'organisation et de la mise en œuvre du dispositif de recrutement.

Rendre compte des conditions de mise en œuvre effective du dispositif.

Mettre en évidence les attentes et les représentations des recruteurs.

Deuxième et troisième parties de la thèse

Observation de type

ethnographique des épreuves et des délibérations.

Rendre compte de la mise en œuvre effective du dispositifs, des pratiques des recruteurs et des candidats.

Troisième et quatrième parties de la thèse

Collecte et traitement des informations contenues dans les dossiers des candidats présents, admissibles et admis au concours.

Mettre en évidence les propriétés sociales des candidats.

Rendre compte des « effets » du dispositif de recrutement, du jeu des propriétés sociales sur les chances de réussite. Deuxième, troisième et quatrième parties de la thèse

Enquête par questionnaire

auprès des candidats. Rendre compte des représentations et des« motivations » des candidats. Quatrième partie de la thèse Entretiens avec des

candidats. Rendre compte du processus menant au « choix »de se présenter au concours, en l'inscrivant dans le parcours biographique des candidats.

Quatrième partie de la thèse

1 Conformément à la règle d'exposition définie ci-dessus, la présentation critique des méthodes employées et des matériaux collectés est réalisée en même temps que ces derniers sont exploités, c'est-à-dire dans le corps de la thèse. On trouvera cependant en annexe (annexe n°1) une présentation récapitulative plus détaillée qu'elle ne l'est dans le tableau ci-dessus.

Il convient de signaler que certaines de nos données présentent la caractéristique commune d'avoir été produites à partir de matériaux collectés sur des terrains particuliers. Ainsi, les observations des épreuves et les entretiens avec des recruteurs ont été menés avec des personnels relevant, comme les candidats auxquels ont été administrés le questionnaire, de deux SGAP (Donville et Villers). Les dossiers traités sont ceux de candidats du SGAP de Donville. Seuls des candidats ou candidats potentiels relevant de ce dernier ont été interrogés dans le cadre d'entretiens. Aussi la question de la généralisation des résultats auxquels nous parvenons dans ces espaces situés ne peut-elle être éludée.

Il existe huit SGAP en France dont la compétence territoriale, calquée sur celle des zones de défense, s'étend sur plusieurs départements (de 4 pour les 2 SGAP de la région parisienne à 20 pour celui de Rennes). Ces zones ne sont urbanisées ni de la même manière ni dans les mêmes proportions, sont affectées diversement par le chômage, les inégalités et la pauvreté, n'ont pas les mêmes indicateurs en termes de scolarisation ou de délinquance... À cette échelle, la comparaison risque bien de mettre en évidence des écarts importants, susceptibles de laisser penser que les observations relatives à l'un ou l'autre des SGAP ne peuvent être généralisées à l'ensemble. Nous croyons toutefois possible d’affirmer qu'une montée en généralité « contrôlée » est permise. D'abord, chacune des zones relevant d'un SGAP est elle-même très hétérogène, ce que masquent les données agrégées. Ce n'est pas à cette échelle que peuvent, par exemple, être mises en évidence des différences dans les styles de policing, dans les rapports entre police et population, pas plus, sans doute, que dans les motivations pour entrer dans le police. D'une certaine manière, le territoire couvert par un SGAP présente, certes dans des proportions variables ou à un degré différent, l'ensemble des caractéristiques qui se rencontrent dans les autres. Sa spécificité est donc toute relative. Dans l'optique d'établir une sociographie des candidats ou des recrues, il

faudrait néanmoins considérer que les données obtenues pour une zone ne peuvent sans doute pas être généralisées sans précaution. S'il s'agit de mettre au jour les processus et les logiques sociales qui entrent en jeu dans le recrutement, il y a peu de raisons de penser que ceux-ci varient selon les spécificités éventuelles des zones administratives observées. A ce titre, on peut notamment faire remarquer que les pratiques des recruteurs, telles que nous avons pu les observer, ne présentent pas de différence selon le SGAP (Donville ou Villers).