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2.5 Fonctionnalisation des nanocristaux

2.5.2 Matériaux hybrides

L’électronique souple est un domaine qui a beaucoup évolué depuis le premier dispositif réalisé en 1988 par Assadi et al., utilisant un polymère conjugué pour la fabrication d’un transistor à effet de champ [68]. L’introduction de nanocristaux de semiconducteurs dans de tels dispositifs s’est développée conjointement avec les progrès effectués dans le domaine de la synthèse. Ces particules sont dispersées au sein de polymères conjugués, où ils jouent le rôle d’accepteur et de transporteur d’électrons. Cette approche est beaucoup utilisée pour les applications liées aux cellules photovoltaïques [69]. Ce type de matériaux composites organique/inorganique permet de combiner des propriétés mécaniques intéressantes liées au polymère et de bonnes propriétés électroniques du fait du mélange nanocristaux/polymère conducteur.

L’efficacité de ces dispositifs dépend beaucoup de la qualité de l’interface nanocristal- polymère3. De plus, les propriétés de tels matériaux composites comme la mobilité des porteurs de charge ou l’électroluminescence, sont très dépendantes de la structure supra- moléculaire du polymère et de la répartition des nanocristaux dans cette matrice, autant de paramètres difficiles à contrôler. Afin d’améliorer la qualité de l’interface et la morphologie des films de tels composites, nous avons cherché à créer un lien plus fort entre le nanocristal et le matériau organique.

La fonction d’ancrage carbodithioate

Il apparaît clairement que la qualité du lien entre le nanocristal et le matériau orga- nique dépend de la nature du ligand bifonctionnel que l’on va utiliser, et en particulier de la stabilité de l’accroche sur le nanocristal. Or, il existe peu d’exemples dans la littéra- ture concernant la conception de nouvelles fonctions d’ancrage. La fonction thiol (-SH) est, comme nous l’avons vu précédemment, généralement utilisée en raison de sa grande dispo- nibilité commerciale, combinée avec l’existence de nombreuses fonctions Z et bras espaceurs Y qui lui sont associés. Les thiols présentent cependant certains désavantages, comme une importante instabilité photochimique. En effet, des études ont montré que les thiols à la surface de nanocristaux s’oxydent sous éclairement UV en formant un pont disulfure, ce qui entraîne la libération des ligands et donc une précipitation des particules [70]. Ceci peut être attribué à la liaison relativement faible entre l’atome de soufre et le nanocristal. Afin de renforcer ce lien, des ligands comprenant une fonction carbothioate (-C(S)S−) ont été synthétisés [71], comme par exemple l’acide 4-formyldithiobenzoïque (ligand 3) (Fig. 2.16.b). La liaison se fait par deux atomes de soufre qui, grâce à la formation d’une liaison chélate bidentate, possèdent une très grande affinité pour les métaux.

L’échange de ce ligand avec le TOPO se fait par le même procédé qu’avec les ligands possédant une fonction thiol, tout en étant plus facile. En effet, un excès de 5 à 10 % de

3

Les nanocristaux possédant un rapport surface/volume élevé, la surface de contact entre les deux com- posés est importante.

ce ligand, par rapport au nombre d’unités CdSe, ZnSe ou ZnSe à complexer, est nécessaire à l’échange avec le TOPO, alors qu’il est de 50 % pour les thiols. De plus, la réaction se fait à température ambiante en 1 à 3 h et elle est totale, alors qu’il faut chauffer le mélange réactionnel à 30°C pendant 3 jours pour obtenir un échange seulement partiel avec les thiols. Des mesures de RMN du proton présentées dans la référence [71] montrent le caractère complet de l’échange avec les carbodithioates. Enfin, les nanocristaux recouverts par ce type de ligands sont beaucoup plus résistants à la dégradation photochimique. Des mesures de PL ont été réalisées sur des nanocristaux recouverts de TOPO, de dodécanethiol (C12H25- SH) et d’acide tridécanedithioïque (C12H25-C(S)SH) dont la synthèse est explicitée dans la référence [71]. Ces trois échantillons ont été soumis à la même densité d’excitation, de façon continue, à une longueur d’onde de 365 nm, pendant 67 h. Au bout de 30 h, les nanocristaux recouverts de thiols se dégradent et précipitent, alors que 67 h d’éclairement ne suffisent pas à dégrader les particules recouvertes de carbodithioate [71]. L’ensemble de ces résultats montre l’existence d’un lien fort entre le nanocristal et les ligands du type carbodithioate. Ce type de fonction d’ancrage, très stable, peut être utilisé dans de nombreuses applications comme pour le greffage sur les nanocristaux de matériaux organiques pour le photovoltaïque.

a)

c) b)

Ligand 3

Fig. 2.16 – a) Réactions d’échange de ligand (i) et de greffage du matériau organique (ii). Représentation de la structure chimique de b) l’acide 4-formyldithiobenzoïque (3) et c) du tétramère d’aniline.

Le greffage du tétramère d’aniline

L’objectif d’une cellule photovoltaïque est de fournir du courant électrique à partir d’énergie lumineuse. Pour cela, il faut séparer l’électron et le trou générés par excitation lumineuse dans le matériau actif et les transporter jusqu’aux électrodes [72].

2.5. FONCTIONNALISATION DES NANOCRISTAUX 59 La poly(aniline) est un polymère conjugué aux propriétés intéressantes pour les appli- cations liées au photovoltaïque [73]. Afin de garder la structure de ce polymère tout en commençant par un objet plus simple à étudier, son oligomère, le tétramère d’aniline (Fig. 2.16.c) a été choisi comme " modèle ". Afin d’améliorer le transfert de charge entre le na- nocristal et le matériau organique, il convient de remplacer le TOPO qui constitue une barrière isolante (chaînes alkyles) par un ligand possèdant un bras espaceur conducteur, comme par exemple un cycle aromatique. La fonction d’ancrage X est un carbodithioate et la fonction Z est choisie pour se lier facilement au tétramère [74]. Le ligand synthétisé est l’acide 4-formyldithiobenzoïque (3) (Fig. 2.16.b). Des nanocristaux cœur sont utilisés puisque la coquille constituerait une barrière de potentiel diminuant la séparation des por- teurs de charges, souhaitée pour ces applications. Les différentes étapes de la réaction sont présentées figure 2.16.c. Le molécule finale greffée au nanocristal sera notée 4. Les synthèses et le greffage sont détaillés dans la référence [74].

Des mesures de PL sur des nanocristaux recouverts de TOPO, du ligand 3 et de la molécule finale 4, avec pour comparaison un spectre du tétramère d’aniline, ont été réalisées. Sur la figure 2.17 on observe que l’échange par le ligand 3 se traduit par une extinction totale de la luminescence, ce qui peut être interprété par un transfert de charges du nanocristal vers le cycle aromatique du ligand 3, ce que nous recherchions. L’ajout du tétramère d’aniline à ce système se traduit par un signal de luminescence faible. Si on compare le tétramère à la molécule 4, on note qu’elles sont très similaires du point de vue de leur structure chimique. On s’attend donc à ce que leurs spectres de PL soient semblables. On peut ainsi interpréter la faible luminescence du système CdSe-4, comme étant la PL de la molécule 4. Le fait que la mise en contact du nanocristal et de la molécule 4 réduise de façon drastique la luminescence du tétramère et du nanocristal, peut être l’indice d’une séparation efficace des charges du matériau organique vers le nanocristal et inversement. Une étude plus poussée de ce système par différentes méthodes (cyclovoltamétrie, spectroélectrochimie-UV/visible) confirme les aspects prometteurs de ces composés hybrides [74].

Fig. 2.17 – Spectres de photoluminescence de nanocristaux recouverts de TOPO (CdSe- TOPO), du ligand 3 (CdSe-3) et de la molécule 4 (CdSe-4), avec pour comparaison un spectre du tétramère d’aniline seul.

A ce jour, les rendements des dispositifs photovoltaïques utilisant les matériaux hybrides organiques/inorganiques sont faibles : de l’ordre de 1 à 3 % [69], à comparer aux cellules inorganiques en silicium qui possèdent des rendements de 10 à 15 %. Ce type de matériaux hybrides, où les nanocristaux sont très fortement liés à des polymères conducteurs est une approche originale qui permettrait de maîtriser la microstructure des composites et donc d’améliorer l’efficacité des dispositifs.

2.6 Conclusion

En conclusion, un effort considérable a été fourni par les différents laboratoires impli- qués, pour optimiser la fabrication des nanocristaux cœur(coquille). La synthèse du cœur CdSe est à présent maîtrisée, ce qui nous permet d’obtenir des nanocristaux possédant de bonnes propriétés optiques sur une large gamme de longueurs d’onde. Une approche ori- ginale de synthèse de la coquille a par ailleurs été développée, en utilisant ZnSe comme couche intermédiaire entre CdSe et ZnS. Les progrès réalisés au niveau de la synthèse des nanocristaux permettent d’envisager des applications diverses pour de tels nano-objets, tant dans le domaine de la biologie que celui de l’optoélectronique. Comme nous l’avons présenté, les premiers pas dans ces deux domaines sont très concluants. L’optimisation des systèmes cœur(double coquille) est en cours, afin d’augmenter leur rendement quantique de fluores- cence. Il serait par ailleurs intéressant d’effectuer des mesures de spectroscopie Raman sur ces échantillons, pour comparer d’un point de vu structural la qualité des différentes inter- faces sur les trois systèmes cœur(coquille) présentés. En effet, des résultats intéressants sur le caractère épitaxial de la couche de ZnS et sur la qualité des interfaces ont été obtenus récemment, grâce à cette technique [75].

Enfin, l’utilisation de ces systèmes, couplés à un ligand possédant une fonction dithioate pourrait nettement améliorer le greffage des nanocristaux sur des molécules biologiques, en terme de stabilité dans le temps et du point de vue du rendement quantique de ces ensembles. En ce qui concerne les applications pour le photovoltaïque, la synthèse de ligands électroactifs permettant de créer un réseau tridimensionnel de nanocristaux et de matériaux organiques est en cours, ainsi que l’utilisation de tels matériaux hybrides dans de véritables dispositifs.

Chapitre 3

Rendement quantique de fluorescence

des nanocristaux en solution

3.1 Introduction

De nombreuses applications utilisant les nanocristaux de semiconducteurs sont basées sur leur capacité à émettre de la lumière. Un bon exemple est leur utilisation en biologie comme marqueurs fluorescents pour remplacer les colorants organiques (cf. § 2.5.1), d’où la dénomination de " colorant inorganique " pour désigner les nanocristaux.

Pour quantifier leur efficacité à émettre de la lumière, on utilise le rapport entre le nombre de photons émis par le matériau et le nombre de photons absorbés, appelé rendement quantique de fluorescence (RQF). Dans le cas des colorants organiques ou inorganiques, on comprend que le RQF constitue un paramètre essentiel pour les fabricants et pour les utilisateurs de ces produits. C’est pour cela qu’une mesure systématique et fiable du rendement quantique de fluorescence intéresse de nombreux domaines, en particulier la chimie et la biologie.

Les nanocristaux étant synthétisés sous forme colloïdale, il est pratique d’effectuer cette mesure en solution. De plus, la majorité des applications concernant des ensembles de parti- cules, le paramètre pertinent est le RQF global, mesuré sur un grand nombre de particules. Des études plus fondamentales permettent cependant d’obtenir le RQF d’une seule parti- cule [76]. On s’affranchit ainsi de l’effet de moyenne sur des ensembles et du phénomène de clignotement qui n’est pas l’objet de cette étude et qui sera détaillé dans le prochain chapitre (cf. Chapitre 4).

Dans ce chapitre, nous présentons tout d’abord la réalisation d’un nouveau montage expérimental, semi-automatisé, permettant de mesurer le RQF de colorants en solution ainsi qu’une méthode adaptée pour l’analyse des résultats. Nous interprétons ensuite quelques uns des résultats obtenus avec ce montage sur divers nanocristaux. Ce dispositif original a fait l’objet d’un dépôt de brevet [77].