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Une autre approche actuelle des thérapies anti-αvβ3 consiste à délivrer au sein de la tumeur

exprimant l’intégrine αvβ3 des molécules d’intérêt qui peuvent agir sur le cancer. Une

approche bien décrite est la délivrance de radionucléides au sein de la tumeur grâce à des molécules qui portent la séquence RGD. Cette technique permet de faire de l’imagerie tumorale ou de l’angiogenèse, non invasive (traceurs radioactifs émetteurs de rayonnements gamma ou beta plus) ainsi qu’une action thérapeutique ciblée sur les cellules exprimant l’intégrine αvβ3 (traceurs radioactifs émetteurs beta moins). C’est cette approche

non invasive et diagnostique qui a été choisie dans le cadre du projet CLARA que nous détaillerons plus loin.

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a) Rappels de médecine nucléaire

La médecine nucléaire est une technique d’imagerie regroupant toutes les utilisations de radionucléides. C’est une technique d’imagerie fonctionnelle ayant des objectifs de diagnostic ou de thérapie. Les examens consistent en l’administration d’un traceur radioactif au patient puis en la détection du rayonnement émis. Les scintigraphies sont les examens où l’on détecte les rayonnements gamma émis par les radionucléides et les examens TEP (Tomographie par Emission de Positons) utilisent des radionucléides particuliers, émettant 2 photons d’annihilation suite à une émission de positons.

Dans les examens à but diagnostic, pour apprécier un processus physiologique ou observer un organe particulier, le médicament administré est souvent composé d’un radionucléide et d’une molécule vectrice, ciblant spécifiquement le processus ou l’organe d’intérêt. Par exemple, l’Oxidronate de sodium est une molécule de la famille des Biphosphonates et est utilisée dans le cadre des scintigraphies osseuses. Il se peut qu’un radionucléide ait un tropisme spécifique pour un organe précis comme l’Iode-123 qui permet de réaliser des scintigraphies de la thyroïde.

Les radionucléides couramment utilisés dans le cadre de scintigraphies sont le Technetium- 99 métastable, l’Iode-123, le Thallium-201 ou encore l’Indium-111.

Dans le cadre de l’imagerie TEP, le radioélément le plus couramment utilisé est le Fluor-18 mais d’autres radionucléides sont utilisés en recherche dont un qui émerge ces dernières années : le Gallium-68. Il s’agit d’émetteurs de positon (du fait de leur désintégration de type beta plus). Le positon émis, lorsqu’il entrera en collision avec un électron, va se désexciter en émettant 2 photons d’annihilation de 511 keV, qui seront détectés spécifiquement par la camera. Le Fluor-18, couplé à un analogue du glucose, permet d’analyser les cellules métabolisant fortement ce glucide. L’administration de ce médicament est très utile dans le cadre de diagnostic de cancer, d’infection profonde ou d’épilepsie.

Dans un but thérapeutique, ce sont les radionucléides émetteur béta moins qui sont utilisés. Le parcours limité des particules émises dans les tissus et l’énergie importante délivrée sont des atouts majeurs dans le traitement d’anomalies localisées. Les radioéléments utilisés dans ce contexte sont, entre autres, l’Iode-131, l’Yttrium-90, le Lutétium-177…

Fort de ces constats, le marquage de molécules ciblant spécifiquement l’intégrine αvβ3 par

des radioéléments semble intéressant dans le cadre de la mise en évidence du processus d’angiogenèse tumorale voire même de traitement de tumeurs exprimant cette protéine.

L’intégrine αvβ3 est donc une molécule qui a démontré son intérêt en tant que cible dans

l’identification du mécanisme d’angiogenèse. Plusieurs types de molécules ont été synthétisés pour marquer cette intégrine et donc tenter de mettre en évidence un processus

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cancérigène voire métastatique dans l’organisme. Le potentiel du motif RGD dans la reconnaissance des intégrines αvβ3 est exceptionnel et représente une séquence de choix

dans le ciblage de cette protéine. De nombreuses équipes de recherche se sont orientées dans le développement de molécules exprimant la séquence RGD afin d’imager ou bien d’adresser des substances actives pour traiter ces tumeurs exprimant cette protéine spécifiquement.

b) Molécules dérivés RGD marquées au Fluor-18

- 18F-Galacto RGD : il s’agit de la première molécule de cette catégorie à avoir été

testée chez l’homme. Les chercheurs ont conjugué à un peptide cyclique contenant le motif RGD la molécule de galactose marquée au Fluor-18. Ce radiotraceur permet donc de faire de l’imagerie par PET-scanner. Des études ont été menées dans le traitement du mélanome, du sarcome, du cancer du sein, dans le glioblastome ainsi que dans l’imagerie des plaques d’athérome (69). Ces études ont montré des résultats encourageants et le 18F-Galacto

RGD semble bien toléré, avec peu d’effets indésirables. Les inconvénients majeurs de ce radiotraceur sont le temps et le faible rendement de synthèse (environ 200 minutes et 29% de rendement (70)).

- 18FRGD-K5 : Il s’agit d’un dérivé du 18F-Galacto RGD. Le squelette de la molécule est le

même sauf que le groupement conjugué au galactose est différent (tableau 11). L’addition de ce composé permet de gagner encore plus de temps lors de la synthèse du produit (chimie du « clicking »). Le temps de synthèse est d’environ 90 min pour un rendement de 10 à 20%.

- 18F-Fluciclatide : Autre radiotraceur d’imagerie PET. Là encore, le motif RGD a été

cyclisé et au lieu d’être couplé à un sucre, le traceur est pégylé pour une meilleure stabilité in vivo. Ce traceur montre une grande affinité pour αvβ5 ainsi que pour αvβ3. L’avantage

principal de ce marqueur par rapport au précédent est sa synthèse plus rapide et plus simple, possible par un automate. Le 18F-Fluciclatide a été testé dans des modèles de cancer

du sein ainsi que dans une étude préclinique pour le suivi de la réponse anti- angiogénique(71).

- 18F-Alfatide (ou 18F-NOTA-PRGD2). L’approche de la synthèse est différente pour ce

composé. Le fait d’utiliser le Fluor sous forme de fluorure d’aluminium permet d’utiliser la chimie de complexation pour synthétiser la molécule. Les protocoles de marquages sont alors plus simples et plus rapides. Cette molécule comporte 2 motifs RGD cyclisés, un groupement PEG, pour augmenter la stabilité de la molécule, et un motif NOTA qui va complexer le fluorure d’aluminium. Le temps de synthèse est de 40 minutes. Le 18F-Alfatide a

été testé dans le cancer des poumons avec des résultats intéressants. Par ailleurs, afin d’améliorer la stabilité de la molécule, certaines modifications structurales ont été apporté,

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permettant d’écourter encore le temps de synthèse (20 minutes) ainsi que le rendement de production (40 à 60%) (70). Nom du composé Structure Temps de synthèse Rendement de synthèse 18F-Galacto RGD 200 minutes 29 ± 5% 18FRGD-K5 75 minutes 35 % 18F- Fluciclatide 75 minutes 40 ± 12 % 18F-Alfatide 20 minutes 42 %

Tableau 13: Caractéristiques structurales et de synthèse de différentes molécules ciblées contre l'intégrine αvβ3 radiomarquées

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c) Peptides marqués au Gallium.

De nombreuses molécules ont été décrites pour complexer le Gallium-68, qui représente une alternative intéressante à l’utilisation du Fluor-18. Plusieurs études faisant appel à des ligands RGD marqués au Gallium-68 ont été réalisées ces dernières années.

 Le DOTA- et le NOTA-RGD marqués au Gallium-68 ont été testés dans la détection de l’intégrine αvβ3(72). Les marqueurs synthétisés ont montré de bons résultats chez la

souris et des études ont été entreprises dans le lymphome, le cancer du poumon et le cancer colorectal. Des dérivés macrocycliques c’est le NODAGA qui a montré d’excellents résultats dans la détection de l’intégrine αvβ3 via un radiomarquage au

Gallium-68 (73–76).

 Les dérivés du TRAP : les chercheurs ont constaté qu’ il était possible de greffer jusqu’à 3 motifs vecteurs sur ces peptides, augmentant ainsi l’affinité pour la protéine cible (77). Les résultats obtenus avec ces marqueurs sont encourageants (69).

 Pour le H2dedpa, des études ont été entreprises avec un et deux motifs RGD greffés dessus. Cependant, les études de biodistribution sur l’animal montrent une clairance sanguine lente et une concentration sanguine importante jusqu’à 2 heures après l’injection, diminuant l’attrait du complexe pour de réaliser de l’imagerie médicale(25).

d) Focus sur le Raft-RGD

L’équipe INSERM U 1039 a décidé pour son projet de cibler l’intégrine αvβ3 avec une

molécule nommée Raft-RGD.

Le Raft-RGD (Regioselectively Addressable Functionalized Template) est une molécule se présentant sous forme cyclique et plane. Cette structure lui apporte notamment une résistance à la protéolyse permettant une utilisation in vivo, une plus grande rigidité et augmente sa stabilité conformationnelle (78). Grâce à ses résidus Lysine (K), le Raft-RGD peut lier un grand nombre de ligands. Le Raft-RGD est composé d’un décapeptide cyclique sur lequel sont greffées quatre séquences RGD cycliques (figure 17). Le fait de cycliser la séquence RGD, comme dans le cas présent, permet d’augmenter son affinité avec la cible (intégrine αvβ3) par rapport à la séquence linéaire RGD (79). La molécule se compose donc

de plusieurs sites de liaison à l’intégrine αvβ3 et d’un autre site de liaison sur lequel on peut

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Figure 17: Représentation du Raft-RGD (L = ligand)

Cette molécule a déjà été testée dans plusieurs études précliniques et ses résultats sont très encourageants. Il a été démontré que le Raft-RGD avait une affinité décuplée pour l’intégrine αvβ3 par rapport au RGD cyclique seul ; de plus le Raft-RGD serait capable de se

lier à 2 intégrines en même temps, ce qui rend cette molécule une fois de plus très intéressante dans le cadre d’une thérapie ciblée sur l’ αvβ3 (80).

Sites de liaison à l’intégrine αvβ3 = 4 sites cRGD Site de liaison du chélateur fixant le radioélément

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Chapitre 3 : Les essais cliniques et le dossier du