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Risques et incertitudes

8.7 Marché du travail

La crise économique et financière aurait pu mener à une baisse substantielle du solde migratoire mais les données collectées par le STATEC, portant sur l'ensemble de l'année 2009, montrent certes un ralentissement, mais moins fort que prévu. Après un solde migratoire record en 2008 (7 700 personnes ou 1.6% de la population totale), les flux entrants n'ont diminué que légèrement en 2009, tout comme les flux sortants. On aurait en effet pu s'attendre à une hausse des flux sortants, comme en 2001 et 2002, mais il n'en a rien été… Ainsi, le taux de croissance de la population totale n'a que légèrement ralenti, passant de 2.0% en 2008 à 1.8% en 2009, mais ce mouvement devrait se poursuivre tout au long de l'horizon de prévision: d'ici 2011, le solde migratoire, sous l'effet de la crise, devrait tomber à 4 000 personnes, chiffre encore légèrement supérieur à la moyenne observée depuis 1980 (3 500 personnes par an), et le taux de croissance de la population totale n'afficherait plus qu'une hausse de 1.2% (1.3% en moyenne de 1985 à 2009).

Malgré la crise, le taux d'activité1 a continué à progresser en 2009 mais le STATEC prévoit qu'en 2010, ce dernier devrait finir par baisser2 (cf. Graphique 124). Cette baisse serait une façon d'accommoder la stagnation du chômage qui se manifeste depuis la mi-2009 et qui devrait perdurer en 2010, malgré la faiblesse de la reprise3. En 2011, le STATEC prévoit une stabilisation du taux d'activité, à un niveau proche de la moyenne

observée depuis le début de la décennie, soit quelque 66%, ce qui permettrait au chômage de n'augmenter plus que légèrement, malgré la persistance de la mauvaise situation sur le marché du travail.

Les frontaliers ont accusé le coup plus précocement et plus durement que les travailleurs résidents (cf.

Graphique 126). Il se confirme ainsi que le nombre de frontaliers connait de plus amples fluctuations, ce qui traduit d'une certaine manière le fait qu'ils peuvent satisfaire la demande additionnelle de main d'œuvre en temps de forte dynamique conjoncturelle. Le corollaire en est que lors des phases descendantes du cycle, leurs spécificités structurelles les rendent plus en proie à des licenciements. Ils sont en effet plus présents dans les secteurs non protégés, sont plus jeunes et ont une ancienneté plus faible à leurs postes respectifs (cf. NDC 1-09, pp. 112-113). Ils dominent surtout l'intérimaire, branche faisant par excellence office de régulateur du marché du travail. Ainsi, sur l'année 2009, le nombre de frontaliers baisse en glissement annuel depuis août et le dernier chiffre observé, se rapportant à décembre, fait état d'une diminution de 0.3%. Mais, aussi faible qu'elle soit, une certaine reprise semble en marche, et le STATEC s'attend à une hausse, en moyenne annuelle, du nombre de frontaliers de 0.9% en 2010 et de 1.5% en 2011.

__________

1Taux d'activité = population active / population en âge de travailler; population active = emploi + chômage résidents.

2Théoriquement, une baisse de l'activité économique peut engendrer deux effets distincts sur le taux d'activité: une hausse du taux de participation ("effet de revenu": souvent, retour sur le marché émanant de femmes restées au foyer pour compenser la perte d'un revenu dans une communauté domestique) ou une baisse ("effet de découragement" c'est-à-dire une renonciation volontaire à participer au marché du travail en raison de la hausse du chômage et des chances amoindries d'obtenir un emploi).

3En effet, même si les créations d'emploi ont repris, le dynamisme du marché du travail est tellement faible qu'un impact bénéfique sur le chômage - une stabilisation voire une réduction - semble hors cause pour le moment, vus les rapports historiques entre évolution du chômage et créations d'emplois.

Rappelons dans ce contexte qu'empiriquement, il faut au moins 4% de hausse de l'emploi intérieur pour faire baisser le chômage.

En comparant les prévisions de la NDC 2-09 avec celles-ci, il ressort que l'écart de prévision peut-être le plus surprenant se situe au niveau de l'emploi. Il y a six mois, le STATEC partait encore sur une baisse de l'emploi en moyenne annuelle en 2010 de 0.6%. Le marché du travail s'étant stabilisé et les perspectives de production rétablies1, le consensus porte maintenant sur une hausse de l'emploi de l'ordre de 0.8%2. Pour 2011, une

accélération supplémentaire serait alors possible. Il va sans dire que ces taux restent de loin inférieurs aux moyennes historiques (2.4% p.a. depuis 1970, 3.2%

depuis 1985), sans parler des taux atteints lors des sommets conjoncturels.

La durée de travail fait fonction de mécanisme de

"flexibilité interne" au sein des entreprises. Elle peut être réglée via les heures supplémentaires, le chômage partiel, le congé sans solde ou, à plus longue échéance, la modulation de la durée inscrite dans les contrats3. La durée de travail est assez difficile à mesurer mais sur l'année 2009, des difficultés additionnelles sont apparues (cf. note de base de page no. 1 p. 118).

Ainsi, le STATEC admet aujourd'hui que sur base des chiffres de l'IGSS, la durée de travail aurait baissé de 1.7% en 20094. Cette baisse est toutefois substantielle et largement supérieure à la tendance de long terme observée de 1970 à 2008 qui est de l'ordre de -0.2% par an. En 2009, la baisse a été induite en partie par le chômage partiel: environ 2.5 mio. d'heures de travail ont été perdues en 2009 en raison du régime du chômage partiel (cf. Tableau C page 120) ce qui entraîne une baisse de la durée moyenne d'environ 0.5 ppt. La partie restante est imputable aux heures supplémentaires, aux congés sans solde ou à la modulation de la durée figurant dans les contrats de travail5.

En considérant le volume total de travail, c'est-à-dire le nombre de travailleurs que multiplie la durée de travail moyenne, l'ajustement de l'emploi sur l'activité devient plus marqué: le volume total de travail aurait ainsi baissé

de 0.6% en 2009 (nombre de personnes: +1.1%). Aussi, le volume de travail total n'accélérerait-il pratiquement pas en 2011, au contraire du nombre de personnes, car, la durée de travail moyenne continuerait à baisser (cf.

graphiques xy et xy). La réduction de la durée de travail - et son impact sur le volume de travail effectivement utilisé au cours du processus de production - est un élément important pour expliquer la rétention de main d'œuvre actuellement présente dans l'économie luxembourgeoise. Le phénomène à partir duquel cette rétention de main-d'œuvre (ou "labour hoarding") se fait le plus remarquer est la baisse sans précédent de la productivité apparente du travail: ces sujets sont traités dans un encart figurant aux pages 115-123.

La crise ne pouvait qu'aboutir à une hausse importante du chômage: si ce constat se confirme depuis l'automne 2008, on observe néanmoins une certaine accalmie depuis la mi-2009. Ainsi, si le taux de chômage (ADEM) a progressé de 1.3 point en 2009, soit un record absolu depuis 1970, il ne devrait augmenter plus que de 0.2 à 0.4 point en 2010/116. Le marché du travail restant dans une dynamique faible, les raisons pour la progression ralentie du chômage ne sont pas forcément que de nature conjoncturelle: d'un côté l'impact bénéfique du chômage partiel évoqué ci-dessus et de l'autre un recul (en 2010) respectivement une stabilisation (en 2011) du taux d'activité. En 2010, suite à la baisse du taux d'activité, environ 5 000 travailleurs "renonceraient" à participer au marché du travail (c'est-à-dire à chercher un travail ou à s'inscrire au chômage), allégeant d'autant les pressions sur le marché. De par le passé, seule l'année 2005 avait vu un impact aussi négatif, avec un retrait estimé à quelque 2 600 personnes. Le taux de chômage (ADEM, au sens strict) atteindrait ainsi 6.4% en 2011, ce qui constitue un record absolu pour le Luxembourg mais la prévision est de 0.8 point inférieure à celle datant d'automne 2011. Le taux au sens large devrait quant à lui avoisiner les 8% en 2011 (7.2% en 2009), ce qui traduit l'afflux croissant de demandeurs vers les mesures, qui déploient ainsi pleinement leur effet bouclier.

__________

1La première estimation des comptes nationaux porte la croissance du PIB en volume à -3.4% en 2009, à comparer avec la prévision du STATEC de -4%.

Pour 2010, le STATEC est également plus optimiste, révisant la prévision de 2.1% (novembre 2009) à 3%.

2Le STATEC n'a pas été seul à se tromper sur l'évolution prévisionnelle de l'emploi au Luxembourg en 2010. La Commission européenne avait même prévu une baisse de 1.3% tandis que l'OCDE admettait une baisse de 0.9%. En ce printemps 2010, les deux organisations ont également révisé leurs chiffres à la hausse: + 0.7% pour la Commission européenne et +0.4% pour l'OCDE.

3Par opposition, on entend par "flexibilité externe" la modulation du facteur de production travail via des licenciements ou des modifications des effectifs d'intérimaires ou de sous-traitants (cf. "L'ajustement de l'emploi dans la crise: la flexibilité sans la mobilité?"; La note de veille no. 156, Novembre 2009, Centre d'analyse stratégique (www.coe.gouv.fr).

4Cette variable "durée de travail" provenant de l'IGSS ne représente que la durée contractuelle; les données de l'IGSS ne sont pas à même de mesurer la durée effectivement prestée.

5Le fait de remplacer des contrats de plein temps par des contrats à mi-temps ou à trois quarts de temps réduit mécaniquement la durée de travail.

6Le STATEC admet donc également que le taux mensuel désaisonnalisé, qui fait preuve d'une remarquable stabilité depuis la mi-2009, se remettrait à augmenter légèrement au cours des prochains mois.

Note de conjoncture n° 1-10 114

Tableau 54: Marché du travail

2009 1985-2009 2008 2009 2010 2011 2009 2010 2011

Nombre de personnes Évolution en % (ou spécifié différemment) Révisions (points de %)4

Population totale1 502 452 1.3 2.0 1.8 1.5 1.2 0.2 0.3 0.2

Population en âge de travailler 342 973 1.2 2.4 2.1 1.6 1.2 0.3 0.4 0.3

Population active 231 151 1.6 3.6 3.1 -0.5 1.2 0.6 -0.9 0.8

Taux d'activité (% de la pop. en âge de trav.) 2 ... 0.3 66.7 67.4 66.0 66.0 0.2 -0.7 -0.4

dont femmes 2 ... 0.8 58.8 59.7 58.7 58.7 0.5 -0.5 -0.5

Emploi total intérieur 352 527 3.4 4.7 1.1 0.6 1.1 -0.1 1.2 0.2

dont: frontaliers entrants 147 639 9.7 7.3 1.1 0.6 1.6 -0.2 1.0 -0.6

économie marchande hors sect. financier 272 397 3.2 4.6 1.0 0.6 1.4 - 1.7 0.4

secteur financier 41 506 5.6 7.6 0.6 -0.9 -0.9 0.1 0.4 0.4

Durée de travail moyenne3 ... -0.4 -0.4 -1.7 -0.4 -0.6 0.9 0.6 -0.2

Emploi national3 215 830 1.5 2.9 1.1 0.7 0.8 - 1.3 0.8

Nombre de chômeurs (ADEM) 13 228 7.6 3.0 33.4 4.7 6.7 4.5 -12.3 1.1

Taux de chômage (% de la pop. act.)2 ... 0.2 4.4 5.7 6.0 6.3 - -0.7 -0.8

Source: STATEC (1985-2009: comptes nationaux observés; 2010-2011: prévisions juin 2010)

1 Au 31 décembre

2 Évolution 1985-2009 en points de %

3 Source: Comptes nationaux

4 Par rapport à la NDC 2-09, publiée le 16 novembre 2009

Graphique 121: PIB et emploi (personnes et heures travaillées)

Source: STATEC

-1 0 1 2 3 4 5 6 7

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

Evolution en %

Emploi total (personnes)

Emploi effectif (nombre d'heures)

Graphique 122: Frontaliers

Source: STATEC

0 20 40 60 80 100 120

1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

En %

Part des frontaliers dans les nouveaux emplois créés (flux) Part des frontaliers dans l'emploi total intérieur (stock)

Graphique 123: Population, migrations et mouvement naturel

Source: STATEC

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011

En % / 1000 personnes

Solde migratoire (1000 pers.) Solde naturel (1000 pers.)

Taux de croissance de la population totale

Graphique 124: Taux d'activité

Source: STATEC

40 45 50 55 60 65 70

1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011

En % de la population en âge de travailler

Taux d'activité (ensemble de la population)

Taux d'activité féminin

Graphique 125: Taux de chômage BIT et ADEM

Sources: STATEC, ADEM 0

1 2 3 4 5 6 7

1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010

En % de la population active

Taux de chômage au sens strict

(ADEM) Taux de chômage au sens du BIT

(Bureau international du Travail

Graphique 126: Evolution mensuelle de l'emploi

Source: STATEC

-2.0 -1.0 0.0 1.0 2.0 3.0 4.0 5.0 6.0 7.0 8.0 9.0

janv-08 mars-08 mai-08 juil-08 sept-08 nov-08 janv-09 mars-09 mai-09 juil-09 sept-09 nov-09 janv-10 mars-10

Evolution en %

Nombre de frontaliers (t/t-12)

Nombre de résidents (t/t-12)

Impact de la rétention importante de main d'œuvre sur les perspectives à court terme du marché