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L A MISE EN MARCHÉ COLLECTIVE : UN OUTIL INSTITUTIONNEL HYBRIDE POUR RÉGULER LES RELATIONS INTERPROFESSIONNELLES

MARCHÉ COLLECTIVE DU LAIT

3. L A MISE EN MARCHÉ COLLECTIVE : UN OUTIL INSTITUTIONNEL HYBRIDE POUR RÉGULER LES RELATIONS INTERPROFESSIONNELLES

L’occurrence et la potentialité d’occurrence d’aléas contractuels combinés à la crise de bas prix agricoles amplifia l’inquiétude parmi les producteurs et certains observateurs. Pour documenter cette préoccupation, le gouvernement provincial créa une Commission royale

d’enquête en 1952 appelée Commission Héon50. L’un des mandats de cette Commission était de proposer des solutions pour augmenter la quantité et la qualité des produits agricoles du Québec afin de répondre aux exigences d’une population croissante de consommateurs et ainsi faire concurrence aux produits importés de l’Ontario, la province voisine. Observant que la situation de bas prix agricoles et de désordre dans la commercialisation des produits menaçait le développement d’une agriculture québécoise efficace et compétitive, le rapport de l’enquête recommande entre autres que soit adoptée une loi permettant la formation d’offices de commercialisation tels que ceux créés dans les autres provinces du Canada sous l’appellation de marketing boards. Cette conclusion se traduisit par l’adoption de la Loi sur la

mise en marché agricole en 1956.

L’argument principal de cette section est le suivant. Si la création de l’office de commercialisation avait eu uniquement pour but d’augmenter le pouvoir de négociation et les rentes des producteurs, les premiers contrats signés dans le cadre de la mise en marché collective du lait auraient surtout porté sur la détermination du prix du lait. Or, les clauses portant sur les prix ne constituent qu’une partie des clauses totales. L’importance accordée à la définition des règles du jeu, la réduction de l’asymétrie d’information et la réduction de la capacité des parties de se comporter de façon opportuniste montre que le rôle de l’office du lait industriel allait bien au-delà de la simple recherche de rente.

3.1 Au-delà de la recherche de rente

Considérant la crise de bas prix agricoles et l’urgence de la situation, pourquoi l’État a-t-il préféré déléguer délibérément ses pouvoirs coercitifs à un groupe d’agents privés (les producteurs) plutôt que d’assister le secteur agricole avec des soutiens des prix et des revenus?51 La réponse à cette question n’est pas évidente a priori52

et peut être trouvée dans

50 Rappelons (cf. chapitre 1, section 3.1) que cette commission fut créée par le gouvernement en réponse aux

demandes des producteurs et que son rapport est un document central dans l’histoire de la mise en marché collective au Québec.

51 Cette question pourrait également être analysée sous l’angle de l’efficacité de la délégation gouvernementale.

La littérature qui porte sur l’analyse de l’autorégulation apporte quelques éléments intéressants à ce niveau d’analyse (Ogus [1999]). Johnson (2000) avance que la mise en marché collective, en tant qu’organisation semi- gouvernementale autorégulée, permet de minimiser les coûts de transaction qui devraient autrement être supportés par le gouvernement central. La forme particulière de ce système de commercialisation permet entre autres de transférer les importants coûts de surveillance des offices de commercialisation aux producteurs. Toujours selon Johnson (2000), il serait plus coûteux pour le gouvernement de collecter et d’agir sur la

le problème plus large rencontré par les producteurs dans la commercialisation de leurs produits comme mon analyse le suggère. L’objectif du gouvernement québécois à cette époque était de favoriser le développement d’une agriculture stable et progressive. Cet objectif ne pouvait être atteint qu’avec un fort support aux producteurs ayant choisi la voie de l’agriculture de marché et capables de répondre rapidement au défi d’alimenter une population grandissante.

Or, la survie de l’agriculture marchande dépendait des prix à la production mais aussi de la sécurité transactionnelle des arrangements commerciaux. Les soutiens des prix et des revenus ne résolvent que les problèmes de bas prix agricoles. Les offices de commercialisation ont la particularité de représenter une solution duale permettant d’augmenter le pouvoir de négociation des producteurs afin qu’ils améliorent leurs revenus mais aussi qu’ils puissent formaliser leurs relations contractuelles et les renforcer par l’intermédiaire d’un tribunal spécialisé formé pour surveiller l’application de la Loi. Par ailleurs, l’alternative représentée par l’organisation d’offices de commercialisation requérait peu d’implication financière gouvernementale puisque dans le système de mise en marché collective, l’industrie régule et autofinance ses activités. La figure 4.1 illustre la chronologie des événements ayant contribué à la création de l’office de commercialisation du lait industriel au Québec.

offices augmenterait la participation du groupe intéressé, en l’occurrence les producteurs, et réduirait les coûts de surveillance des participants de l’industrie; enfin, les offices minimiseraient les coûts de mise en œuvre de normes et de contrôle de qualité des produits.

52 La théorie de la capture répond à cette question sous l’angle de la recherche d’une rente maximale de la part

des industriels. Les soutiens des prix et des revenus accordés à une industrie doivent être partagés avec les nouveaux entrants de cette industrie. C’est pourquoi les membres de cette industrie préfèreront une législation qui limite la concurrence entre eux (limitation des nouveaux entrants ou de l’offre) plutôt qu’une subvention

Figure 4.1 Horizon temporel de l’occurrence des événements liés à la création des offices de commercialisation du lait au Québec, 1939-1983.

1939-45 1950 1956 1966 1970 1980 Deuxième Guerre Mondiale

Les premiers offices de commercialisation du lait industriel, qui étaient désignés sous l’appellation de syndicats, négociaient collectivement les conditions de vente de leurs produits avec leur transformateur sur une base locale ou régionale. C’est à l’occasion de la mise en place de la politique laitière nationale que les syndicats locaux sont consolidés en un seul office provincial en 1966, la Fédération des producteurs de lait industriel du Québec (FPLIQ)53. La politique laitière nationale comportait des aspects qui relevaient du palier de gouvernement provincial et la création d’un office unique au niveau provincial permettait d’administrer ces éléments tout en renforçant le pouvoir de représentation des producteurs et en uniformisant les conditions de vente du lait industriel. Le secteur du lait de consommation (ou nature) connaîtra la même évolution quelques années plus tard. Il aurait évidemment été intéressant d’analyser le contenu des contrats signés par les syndicats locaux, mais je n’ai pu repérer dans la documentation existante l’information nécessaire à cette analyse.

Les clauses écrites dans les premières conventions de mise en marché du lait industriel illustrent bien les préoccupations contractuelles des parties. Les clauses de la convention

53 L’Union catholique des cultivateurs (UCC), le principal syndicat agricole de l’époque, aurait fortement

encouragé la création d’un office de commercialisation provincial habilité à administrer les éléments de la Vague de modernisation en agriculture. Développement d’un secteur de transformation.

Agriculture de subsistance vers marchande / Concentration du secteur de la transformation

Crise de bas

prix agricoles Loi sur la mise en marché

Formation de l’office provincial du lait industriel Syndicats locaux Formation du plan conjoint du lait Formation de l’office provincial du lait de consommation

signée en 1968 sont présentées au tableau 4.1. J’ai attribué un objectif à chacune des clauses sur la base d’une analyse néo-institutionnelle. Ainsi, certaines clauses auraient pour but d’ordonner la commercialisation du lait en atténuant l’asymétrie d’information entre parties, en créant des incitations plus appropriées, en améliorant le partage d’information, en établissant des règles commerciales formelles et en réduisant la capacité des acheteurs de décider de façon unilatérale.

Tableau 4.1. Clauses des premières conventions de mise en marché du lait du Québec et de leurs objectifs, 1967-1968.

Clause Contractuelle

Contenu Objectif 2.01 Les acheteurs doivent acheter tout le lait de

leurs producteurs-fournisseurs respectant les normes de qualité et les producteurs-fournisseurs doivent vendre leur lait exclusivement à leur acheteur

Réduire l’incertitude d’approvisionnement des acheteurs et de vente des producteurs II- Achat et

réception du lait

2.02 Si un acheteur change ses modalités de réception du lait, il doit en avertir ses fournisseurs dans un délai suffisant pour leur permettre de modifier leurs installations ou de changer d’acheteur.

Réduire la capacité de l’acheteur à décider unilatéralement. 3.01 Les approvisionnements de lait doivent être

conformes aux exigences des lois, ordonnances et règlements de toute autorité compétente.

Réduire l’incertitude sur la qualité du lait 3.02 Le lait reçu par les acheteurs doit être de

qualité A ou B. Spécifications de ces qualités.

Spécifier les caractéristiques du produit

3.04 Le lait doit être refroidi immédiatement après la traite à moins de 40 degrés Fahrenheit et ne doit pas être livré à un degré supérieur.

Établir des règles commerciales formelles 3.05 Le lait qui a gelé pour une cause imputable au

producteur peut être refusé par l’acheteur.

Établir des règles commerciales formelles 3.07 Les acheteurs qui désirent du lait de qualité

supérieure doivent en informer l’office par écrit. Les normes supérieures deviennent effectives dans un délai de 30 jours après le dépôt à l’office.

Réduire la capacité de l’acheteur à décider unilatéralement. 3.08 L’application de normes supérieures permet à

l’office d’exiger de l’acheteur concerné qu’il négocie de nouveaux prix pour ce lait.

Réduire l’incertitude du producteur quant à la valeur de son produit III-Normes de

qualité

3.09 Un expert représentant l’office peut être présent lors de l’échantillonnage ou des tests de qualité du lait livré à l’usine.

Réduire l’asymétrie d’information.

Clause Contractuelle

Contenu Objectif 4.01 Rien, dans la présente, ne doit être interprété

de manière à porter atteinte aux droits d’un acheteur de refuser tout lait qui n’est pas conforme aux lois et règlements d’hygiène.

Établir des règles commerciales formelles

4.02 Les producteurs sont tenus de ne livrer aux acheteurs que du lait acceptable en vertu de la loi et des règlements.

Établir des règles commerciales formelles 4.03 Les résultats des épreuves de qualité de lait

auxquels procèdent les acheteurs sont transcrits sur la fiche individuelle et permanente de chaque producteur. L’office peut avoir accès chez l’acheteur aux fiches de qualité des producteurs.

Réduire l’asymétrie d’information

4.04 Dans le cas de lait jugé non conforme, l’acheteur informe immédiatement le producteur concerné. Les sanctions suivantes s’appliquent.

Établir des règles commerciales formelles 4.05 Aucun producteur ne peut changer d’acheteur

avant d’avoir informé celui-ci de son intention par avis écrit posté au moins 30 jours à l’avance. Si le producteur contrevient à cette obligation, il doit payer 100$ à l’acheteur. Aucun acheteur ne peut fermer son établissement avant d’avoir informé ses producteurs de son intention par avis écrit posté au moins 30 jours à l’avance. Si l’acheteur contrevient à cette obligation, il doit payer 200$ au producteur.

Réduire la capacité de décision unilatérale de la part des producteurs et des acheteurs IV-Refus du

lait

4.05 Dans le cas de refus de lait transporté en bidon, l’acheteur colore le lait et le lui retourne aux frais de ce dernier. Dans le cas du lait en vrac refusé à la ferme, le lait doit être vidangé avant la traite suivante.

Établir des règles commerciales formelles

5.01 Le prix minimum du lait de qualité A est de 3,60$/100 lbs et de qualité B 3,50$/100 lbs.

Réduire l’asymétrie d’information sur les prix

5.02 L’acheteur doit procéder au moins à chaque mois à une épreuve de qualité sur le lait. Si cette épreuve n’est pas effectuée, l’acheteur doit payer au producteur pour tout ce lait le prix de qualité A.

Établir des règles commerciales formelles

5.03 Un bonus est payé au producteur dont le lait est livré en vrac à l’acheteur. Un bonus est payé au producteur pour le lait livré entre le 1er octobre et le 31 mars.

Établir des règles commerciales formelles. V- Prix et

modalités de paiement

5.04 Le prix minimum du lait est établi pour le lait dosant 3,5% de matière grasse. Le lait d’une teneur supérieure ou inférieure à 3,5% de matière grasse est payé plus ou moins 7 cents pour chaque

Établir des règles commerciales formelles

Clause Contractuelle

Contenu Objectif VI- Mode de

paiement

6.01 Le paiement du lait est effectué par chèque ou mandat selon les règlements en vigueur lors des paiements.

Établir des règles commerciales formelles IX-

Renseignement

10.01 L’acheteur doit fournir à l’office les renseignements qui apparaissent sur la paie de chaque producteur.

Réduire l’asymétrie d’information X- Griefs 10.01 Tout litige, grief ou différend qui prendra

naissance au cours de la présente ou en résultera entre les producteurs et l’office d’une part et d’un acheteur d’autre part, doit exclusivement être résolu selon la procédure suivante : 1) vérification par l’office 2) conciliation 3) arbitrage.

Établir des règles commerciales formelles

Source : Convention de vente 1967-1968, Fédération des producteurs de lait industriels du Québec.

Afin de réduire l’asymétrie d’information présente lors des opérations de classification à l’usine, les premières conventions incluaient une clause stipulant qu’« un expert représentant

l’office pouvait être présent ou participer à l’échantillonnage et au test des livraisons de lait à l’usine» (clause 3.09). Une autre appréhension des producteurs concernait le pouvoir de

décision unilatéral des acheteurs. Plusieurs clauses avaient pour but de réduire l’occurrence de tels comportements comme l'établissement de délais suffisamment longs pour permettre aux producteurs de s’adapter à des changements de modalités de réception du lait (clause 2.02), des modifications aux normes de qualité requises (clause 3.07) ou une fermeture d’usine (clause 4.05). Les producteurs étaient également contraints de respecter certaines règles. Si le lait livré à l’usine ne rencontrait pas les normes de qualité requises, des pénalités étaient prévues (clause 4.04) et le lait était retourné au producteur à ses frais (clause 4.06). Plusieurs clauses avaient pour objectif de définir des standards de qualité et des règles pour améliorer la qualité du lait (clauses 3.04, 3.05, 4.02, 4.03, 4.04). Forgue (1971) mentionne que l’office offrait une assistance technique aux producteurs afin d’améliorer la qualité du lait offert (Forgue [1971] p.138). Le problème d’incitations imparfaites dans le transport du lait n’était pas traité dans les conventions de mise en marché car il impliquait un troisième groupe, les entreprises de transport. Des conventions de transport furent conclues quelques années plus tard entre les producteurs et les entreprises concernées.

Ce qui surprend dans le contenu des premières conventions est que les clauses sur les prix ne concernent qu’une petite fraction du total des clauses. Cette constatation est d’autant plus surprenante considérant le fait que la littérature sur les offices de commercialisation a surtout

plus approfondi du contenu des conventions signées entre les offices et les acheteurs montre que la recherche de rente était un objectif parmi beaucoup d’autres. Dans le cas du lait industriel, la plupart des clauses avaient pour but de promouvoir une mise en marché ordonnée, c’est-à-dire de définir formellement les règles du jeu commercial entre producteurs et acheteurs et ainsi réduire l’occurrence d’aléas contractuels.

Par ailleurs, l’adoption de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles était assortie de la création d’un régulateur agissant comme tribunal quasi-judiciaire. La présence de ce tribunal spécialisé permettait le renforcement des conventions et le règlement de litiges avec les acheteurs sans que les producteurs n’aient à payer un coût individuel élevé. De fait, c’est l’office qui prenait en charge les coûts de renforcement des conventions. Ces coûts étaient donc partagés collectivement par tous les producteurs. L’instauration de ce régulateur et de sa fonction de tribunal quasi-judiciaire a, selon la thèse défendue dans ce travail, contribué à garantir la sécurité transactionnelle des partenaires contractuels à un faible coût pour les parties.

3.2 Possible généralisation de l’étude de cas

L’une des conclusions de l’étude de cas est que le rôle de l’office de commercialisation du lait industriel du Québec s’étendait bien au-delà de la recherche pure et simple de rente pour les producteurs. Cette évidence sur le rôle élargi de cet office n’est pas limitée au cas du secteur laitier québécois. Dans un article publié au cours des premières années de création massive d’offices de commercialisation au Canada, Farrell énumère les pouvoirs et devoirs des offices de commercialisation provinciaux. Il observe que « les offices ont le pouvoir d’investiguer,

d’arbitrer [] ou autrement de régler toute dispute entre producteurs, transformateurs, distributeurs et transporteurs de produits agricoles []. Ils peuvent investiguer les coûts de production [], les pratiques commerciales, les méthodes de financement, de gestion, de détermination de la qualité[]. Ils peuvent demander à toute personne impliquer dans la commercialisation du produit agricole visé de fournir une sécurité ou une preuve de responsabilité financière. » (Farrell [1949] p. 616). La remarque de Farrell indique que les

offices de commercialisation du Canada jouaient un rôle beaucoup plus étendu que la simple fixation des prix, ce qui est toujours vrai de nos jours comme le suggère l’examen des

La seconde conclusion de ce chapitre est plus théorique. Il semblerait que les comportements coopératifs entre partenaires commerciaux, nécessaires pour établir des mécanismes d’enforcement d’ordre privé efficaces, sont parfois difficiles à obtenir même en présence d’interactions commerciales répétées comme l’avançaient North (1990) et Ellickson (1991). L’hypothèse émise à la lumière de l’observation de l’émergence de l’office de commercialisation du lait au Québec suggère que des pouvoirs de négociation déséquilibrés entre les parties à l’échange réduisent la probabilité d’émergence de comportements coopératifs, et donc de mécanismes d’enforcement internes à l’industrie. La littérature suggère que l’échec de mise en place de mécanismes d’ordre privés aurait dû favoriser le recours aux tribunaux. Cependant, comme il a été démontré dans l’analyse, certaines caractéristiques des transactions limitent le recours aux mécanismes d’enforcement public comme la nature périssable du lait et le coût monétaire du processus légal. Aussi, l’étude de cas qui vient d’être présentée suggère qu’une division déséquilibrée du pouvoir de négociation des parties n’est pas suffisante pour expliquer le recours à une institution d’enforcement hybride : des actifs spécifiques liant l’acheteur et le vendeur jouent également un rôle important. La nature périssable de lait cru était à l’origine d’une forte spécificité temporelle lors des transactions. Lorsque cette situation prévaut, une institution hybride comme le système de mise en marché collective, a plus de probabilité d’émerger.

L’une des questions que pose une étude de cas concerne la possible généralisation des intuitions ou résultats trouvés. Les conclusions de l’étude de cas qui vient d’être présentée sont-elles généralisables? Bien qu’un examen approfondi de l’émergence d’autres offices de commercialisation et d’institutions hybrides soit nécessaire pour tester ces intuitions, certains autres cas suggèrent une possible généralisation. Le cas de l’émergence des offices de commercialisation du lait en Angleterre mérite d’être mentionné puisqu’il montre plusieurs similarités avec le cas québécois.

Les deux régions étaient dominées par le développement d’une industrie de transformation laitière et dun secteur de la distribution concentrés et caractérisés par la présence de contrats verbaux entre producteurs et acheteurs. Il est mentionné dans divers documents et rapports que la spécificité temporelle du lait exacerbait l’interdépendance des partenaires commerciaux : « En plus de l’absence de débouché pour le produit périssable des fermiers,

de très influents distributeurs contrôlaient les marchés de lait frais des villes » (Barnes [2001]

lait si ces gens [les distributeurs] disent qu’ils ne paieront pas plus. C’est le vrai problème »

(Strutt [1923] p.5). Aussi, le lent développement d’importantes usines de transformation du beurre et de fromage dû aux importations internationales limitait les débouchés alternatifs des producteurs pour vendre leur lait (Barnes [2001] p.385). Les documents historiques consultés n’indiquent pas explicitement si les producteurs laitiers anglais étaient confrontés à des problèmes d’asymétrie d’information ou d’incitations dans le transport du lait. Cependant, certains documents semblent indiquer que les acheteurs abusaient parfois de leur pouvoir pour imposer des décisions unilatérales. Il est mentionné dans un document que le plus important transformateur/distributeur de lait du pays, la United Dairies, avait fait pression sur un