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En préambule à la suite de cet exposé théorique, il est important de préciser que nous n’avons trouvé aucune étude sur la lesbophobie menée en Suisse, nous avons utilisé comme références des études conduites récemment en France.

SOS homophobie (2008) a réalisé en 2003 une grande enquête sur la lesbophobie à l’aide de la diffusion de questionnaires « papier » dans toute la France et via internet. Le but de ce travail était de rendre la discrimination lesbophobe plus visible au plus grand nombre de personnes. 1793 réponses de personnes LGBT ont été récoltées et analysées. Les résultats montrent que 63 % des personnes interrogées « évoquent des faits lesbophobes ». En ce sens, ce phénomène n’est absolument pas marginal.

La lesbophobie se manifeste de différentes façons. Parfois, elle a pour but de tenter de remettre les femmes homosexuelles sur le chemin de la norme hétérosexuelle, comme le propose Richard Cohen avec sa fondation internationale pour la guérison des personnes homosexuelles15.

15International healing foundation :http://www.gaytostraight.org/home0.aspx (consulté le 8.1.2011)

B-46 En premier lieu, il semble intéressant de définir la notion de violence. Zeilinger (2002) a rédigé un article sur les lesbiennes face à la violence dans l’espace public. Elle propose de définir ce terme de la façon suivante (p.2) « outil de pouvoir et contrôle », et poursuit en précisant que les violences sont

« des comportements et des structures qui ont un impact négatif sur le bien-être/la santé spirituel, mental et physique des personnes. ». Elle résume ainsi : « Les violences faites aux lesbiennes incluent donc le harcèlement verbal et sexuel ainsi que le refus de les accepter, le rejet dans les espaces publics, dans le marché de travail… » et « La violence (…) consiste donc en des faits, comportements et/ou structures qui violent l’intégrité physique ou mentale d’une personne. ». Ensuite, Zeilinger propose l’idée selon laquelle les violences faites aux lesbiennes s’inscrivent dans une prolongation des normes sociales dans le but de renforcer les inégalités de pouvoir. D’après cette hypothèse, la société semble loin de vouloir protéger une minorité, mais au contraire punir cette minorité pour son non-conformisme.

Nous pouvons maintenant entrer un peu plus dans les détails concernant les violences subies par les femmes homosexuelles.

Les violences verbales : moqueries, blagues, insultes, clichés, dévalorisations

Par violences verbales, il est entendu les insultes, les clichés et les stéréotypes tels que ceux représentant la lesbienne comme une femme peu séduisante, indépendante, ressemblant à une camionneuse et vivant dans un monde sans homme.

Dans son texte sur la violence faite à la femme lesbienne, Bertrand (1983, p.88) décrit clairement les différents types de brutalité subis par les femmes lesbiennes. Elle mentionne en premier lieu la

« Violence de la parole qui se veut blessante, écrasante, très souvent gratuite et sans fondement ». Les mots peuvent en effet avoir le pouvoir immense de blesser, d’humilier, de toucher l’âme de la personne. Certaines paroles prononcées « pour rire » ont quelques fois un impact bien plus profond sur l’estime de soi et sont susceptibles d’atteindre de façon traumatique la personne homosexuelle qui les reçoit. Bertrand (1983, p.88) parle ensuite de la « violence du regard : l'œil accusateur posé sur la « criminelle », l'œil religieux posé sur la « perverse », l'œil vicieux qui songe : « à quel point ce serait excitant de les regarder ensemble ». ». Ces yeux appartiennent à des personnes bien-pensantes, des religieux, des individus voyant la personne lesbienne sous un angle sexuel perverti. Le regard ainsi posé est plus destiné à juger de façon malveillante ou à objectiver la femme homosexuelle qu’à lui apporter son soutien ou à lui manifester de la bienveillance. Bertrand (1983, p.88) dénonce ensuite

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« la violence du sous-entendu, le mot caché, les allusions, les insinuations malveillantes plus ou moins directes », « la violence de la moquerie, de la blague grossière au cliché usé (…). Plus directe que le sous-entendu mais aussi plus violente. La moquerie que l'homophobe utilise rarement sans public ». Les attaques indirectes font autant de mal, peut-être plus, que celles franches et visibles, et ont le désavantage de pouvoir être niées lorsque la personne à son origine y est confrontée. Puis, viennent

« la violence de l’évitement par les membres de la famille (…), les compagnes de travail », « la violence de l’étiquette qui dit « anormalité » et « perversion » et qui relègue les femmes lesbiennes au rang de malades ou de maniaques sexuelles. », « la violence du préjugé qui, la plupart du temps, provient d'un manque d'information et de la peur de cette inconnue qu'est l'homosexualité », « la violence du silence que l'entourage garde, même quand ils sont au courant de l’orientation homosexuelle de l'une des leurs.

Consigne tacite ou exigée du silence, seul visa d'entrée imposé à de nombreuses femmes lesbiennes au sein même de leur famille », « violence de la tolérance surtout par des êtres qui nous sont chers (…).

Sentir dans son environnement qu'on nous « tolère » soit par ménagement, soit par condescendance, résonne en soi comme la « compassion » ». La violence subie par les femmes homosexuelles est donc diverse, souvent insaisissable, détournée, vicieuse mais non moins blessante et traumatisante à long terme.

Les violences symboliques : l’invisibilisation

Picquart (2005, p.28) explique le phénomène de l’invisibilisation en ces termes : « Cette occultation ancienne, ancrée dans notre inconscient collectif, n’a rien d’une démarche consciente : on ne parle pas des lesbiennes, parce qu’on n’y pense pas. ». Ce mécanisme n’a rien d’anodin, bien au contraire, « la

question de la visibilité ou de l’invisibilité des violences est centrale pour les lesbiennes » (Falquet & Alarassace, 2006,) car non seulement l’invisibilisation dévalorise voire nie l’existence de la

lesbienne et peut aussi engendrer un sentiment d’impunité chez les agresseurs. La femme homosexuelle se trouve alors rejetée de la société par son inexistence. Paradoxalement, elle alimente également cette réalité lorsqu’elle perçoit l’invisibilité comme une protection contre le rejet et plus largement contre les autres formes de violences dont elle pourrait être victime. La transparence des lesbiennes liée à l’accumulation de différents phénomènes présente un profond danger énoncé par Falquet & Alarassace (2006), considérant de manière égale la situation des femmes homosexuelles dans le monde : « Face au cercle vicieux de l’autocensure protectrice et de l’invisibilité qui fait disparaître et empêche la protection, il nous semble que la visibilisation constitue une lutte capitale. Elle est souvent très dangereuse et peut entraîner la mort. ». Curieusement, l’enquête sur la lesbophobie de SOS homophobie (2008, p.40) a conclu en pointant l’émergence

B-48 d’une nouvelle tendance montrant que « Le fait d’être en couple augmente le risque d’être victime de lesbophobie. ». Être en couple pourrait donc rendre la lesbienne plus visible.

Zeilinger (2002), dans son article sur les violences subies par les femmes lesbiennes dans les espaces publics, explique que l’invisibilité est une tentative, pour les lesbiennes, de se sentir en sécurité.

Cependant, cet état de fait renforce les stéréotypes et les inégalités, alors que la visibilité augmente le danger tout en représentant un potentiel d’émancipation et de changements social/politique. Il y a là un paradoxe difficile à dépasser.

Les violences physiques : agressions, viols

Le viol peut être de nature punitive en ayant pour finalité de « corriger » la lesbienne pour sa sexualité qui exclut les hommes (Picquart, 2005).

Zeilinger (2002) explique que les femmes lesbiennes ont plus de risques de se faire agresser dans les lieux publics que les femmes hétérosexuelles généralement plus menacées dans la sphère privée.

Ces agressions sont majoritairement préméditées car se situant aux alentours des lieux LGBT.