Partie II : Contribution des facteurs génétiques à l’étiologie de l’autisme
4. Causes génétiques connues de TSA
4.2 Syndromes génétiques
4.2.1 Maladies monogéniques
De nombreuses pathologies monogéniques rares ont été impliquées dans l’étiologie des TSA (pour revues
voir Betancur, 2011 ; Betancur et Coleman, 2013). A ce jour, le nombre de gènes impliqués dans l’autisme
Tableau 3. Syndromes génétiques pour lesquels les TSA sont une manifestation fréquente
Maladie génétique Gène Fréquence Références
Syndrome de l’X Fragile FMR1 TSA : 67 % garçons et 23 % filles (Clifford et coll., 2007) Syndrome de Rett MECP2 TSA/traits autistiques fréquents (Neul, 2012)
Syndrome de duplication MECP2 MECP2 76 % autisme/traits autistiques (Ramocki et coll., 2010) Sclérose tubéreuse de Bourneville TSC1, TSC2 40-50 % TSA (Jeste et coll., 2008 ;
Numis et coll., 2011) Syndrome de duplication 15q11–q13 UBE3A 92 % TSA (dont 81 % autisme) (Hogart et coll., 2010) Syndrome d’Angelman
(délétion 15q11-q13, mutations)
UBE3A 61 % TSA (Bonati et coll., 2007) Déficit en adénylosuccinate lyase ADSL ~50 % autisme/traits autistiques (Spiegel et coll., 2006) Syndrome de Smith-Magenis
(délétion 17p11.2, mutations)
RAI1 90 % TSA (Laje et coll., 2010) Syndrome de Potocki-Lupski
(duplication 17p11.2)
RAI1 67 % TSA (Treadwell-Deering et
coll., 2010)
Syndrome de Smith-Lemli-Opitz DHCR7 71 % TSA ; 53 % autisme (Tierney et coll., 2001 ; Sikora et coll., 2006)
Syndrome de Timothy CACNA1C 80 % TSA (Splawski et coll., 2004)
Syndrome de Phelan-McDermid (délétion 22q13)
SHANK3 84 % TSA (dont 75 % autisme) (Soorya et coll., 2013) Syndrome CHARGE CHD7 68 % TSA/traits autistiques (dont
48 % autisme)
(Johansson et coll., 2006) Syndrome de dysplasie corticale avec
épilepsie focale
CNTNAP2 67 % TSA (Strauss et coll., 2006)
Syndrome de Cohen VPS13B 49 % autisme (Howlin et coll., 2005)
Syndrome de Cornelia de Lange NIPBL, SMC1A 43-65 % autisme/TSA (Moss et coll., 2012 ; Nakanishi et coll., 2012)
Maladie de Steinert DMPK 49 % TSA (Ekstrom et coll., 2008)
Syndrome de déficit en créatine cérébrale
SLC6A8 TSA/traits autistiques fréquents (Longo et coll., 2011)
Syndrome de Williams ? 50 % TSA (Klein-Tasman et coll.,
2009)
Figure 18. Nombre de gènes impliqués dans l’étiologie des TSA
Grâce à la recherche de variants rares, le nombre de gènes impliqués dans l’étiologie des TSA n’a cessé d’augmenter ces dernières années pour atteindre 148 en 2014 (figure faite à partir d’une version mise à jour des gènes impliqués dans les TSA publiée dans Betancur, 2011).
Parmi les plus fréquemment décrites, on trouve notamment le syndrome de l’X fragile, le syndrome de
Rett et la sclérose tubéreuse de Bourneville.
Le syndrome de l’X fragile est l’anomalie génétique la plus souvent retrouvée chez les sujets atteints
de TSA, présente chez environ 2 % des cas (Kielinen et coll., 2004 ; Reddy, 2005 ; Hagerman et coll.,
2010). Le syndrome de l’X fragile représente également la cause monogénique la plus fréquente de
déficience intellectuelle. Elle est due à l’expansion anormale d’une répétition de triplets dans la région
régulatrice du gène FMR1, situé sur le chromosome X. Le trinucléotide CGG normalement présent à
environ 30 copies sera, par erreur, répété plus de 200 fois. Cette augmentation du triplet CGG va
entraîner une hyperméthylation de la région 5’ du gène provoquant la répression de son expression.
Quand le nombre de copies atteint 200 et plus la mutation est complète, s’il se situe entre 55 et 200
l’individu est porteur de la pré-mutation. Cette pré-mutation est très instable et pourra se
déséquilibrer à la génération suivante, on parle de mutation dynamique. La transmission est de type
dominante liée à l’X, ce qui implique que tous les garçons porteurs de la mutation complète sont
atteints mais également les filles, bien qu’elles présentent un phénotype plus variable et souvent
moins sévère que les garçons. Soixante-sept pour cent des garçons porteurs de la mutation complète
présentent un TSA et 23 % des filles (Clifford et coll., 2007). La pré-mutation est également associée à
un risque accru de développer un autisme (Clifford et coll., 2007).
Le syndrome de Rett est également fréquemment associé aux TSA. Une mutation ou une délétion du
gène MECP2 (Xq28) est responsable de l’apparition du syndrome qui touche principalement les filles
(Neul, 2012). Il est souvent létal chez les garçons bien que quelques cas rares aient été décrits. Le
syndrome de duplication MECP2 est fortement associé aux TSA, principalement chez des garçons, avec
76 % des sujets ayant un autisme ou des traits autistiques (Ramocki et coll., 2010).
La sclérose tubéreuse de Bourneville est une pathologie neurologique grave associée à des lésions
tubéreuses. Elle est causée par des délétions ou des mutations des gènes TSC1 et TSC2, qui sont des
gènes suppresseurs de tumeurs (Curatolo et coll., 2008). La prévalence de cette maladie dans la
population générale ou dans des cohortes d’individus avec TSA est faible. Cependant, des TSA ont été
rapportés chez environ 40-50 % des patients atteints de la sclérose tubéreuse de Bourneville (Jeste et
coll., 2008 ; Numis et coll., 2011).
En outre, de nombreux gènes localisés sur le chromosome X ont été impliqués dans l’étiologie des TSA
(Betancur, 2011) (Figure 19). Parmi eux, certains sont responsables de formes syndromiques comme par
exemple les gènes DMD (dystrophies musculaires de Duchenne/Becker) et ATRX (syndrome
d'α-thalassémie associée à une déficience intellectuelle) ; d’autres ont été impliqués chez des patients ayant
des présentations non syndromiques comme les gènes NLGN3 et NLGN4X.
De nombreux autres syndromes génétiques monogéniques peuvent inclure les TSA parmi leurs
manifestations cliniques (pour revues voir Betancur et Coleman, 2013 ; Zafeiriou et coll., 2013). Certains
peuvent être regroupés dans des sous-groupes cliniques et étiologiques, par exemple :
Les encéphalopathies épileptiques précoces sont un groupe d’épilepsies très sévères caractérisées par
l’apparition de crises réfractaires très tôt dans l’enfance et évoluant souvent vers une déficience
intellectuelle profonde ou une régression sévère. Plusieurs gènes responsables d’encéphalopathies
épileptiques comme les gènes SCN1A (syndrome de Dravet), SCN2A, CDKL5, STXBP1 et CHD2 ont
également été impliqués dans les TSA et la déficience intellectuelle, soulignant le chevauchement
étiologique existant entre ces trois troubles neurodéveloppementaux (O'Roak et coll., 2011 ; Neale et
coll., 2012b ; Sanders et coll., 2012a ; Carvill et coll., 2013 ; Pinto et coll., 2014).
Figure 19. Gènes liés au chromosome X impliqués dans la déficience intellectuelle et les TSA
A ce jour, 93 gènes liés à l’X ont été impliqués dans la déficience intellectuelle dont 43 sont également impliqués dans les TSA (indiqués en rouge). Les gènes situés à gauche de la représentation du chromosome sont associés à des formes syndromiques et les gènes à droite à des formes non syndromiques. La distinction entre gènes syndromiques et non syndromiques n’est pas stricte puisque des mutations dans plusieurs gènes à droite ont été rapportées dans des familles avec des formes syndromiques de TSA ou de déficience intellectuelle. Les phénotypes associés sont indiqués entre parenthèses (version mise à jour d’une figure publiée dans Betancur, 2011).