Partie II : Contribution des facteurs génétiques à l’étiologie de l’autisme
3. Recherche de variants rares dans les TSA
3.1 Variations du nombre de copies
3.1.2 Mécanismes de formation des CNVs
Les CNVs sont répartis sur l’ensemble du génome bien qu’il existe des régions pour lesquelles leur
apparition semble plus fréquente (hotspots). Ils peuvent être récurrents (c’est-à-dire de taille similaire et
avec des points de cassure fixes) ou non récurrents selon le mécanisme à l’origine de leur formation, qui
va directement dépendre de l’architecture génomique de la région remaniée. Trois principaux
mécanismes ont été proposés pour expliquer la majorité des réarrangements observés dans le génome
humain : la recombinaison homologue non allélique (non-allelic homologous recombination, NAHR) et les
mécanismes de non-homologous end-joining (NHEJ) et du Fork Stalling and Template Switching (FoSTeS).
Les CNVs récurrents
La recombinaison homologue fait partie des mécanismes de réparation de l'ADN. Elle permet de recréer
une copie identique à la séquence endommagée en utilisant la séquence homologue présente à la même
position génomique sur la chromatide sœur ou les chromatides du chromosome homologue (autrement
dit au même allèle). Elle nécessite donc la présence de séquences identiques ou présentant un très grand
Figure 8. Polymorphismes du nombre de copies répartis sur l’ensemble du génome humain
Les cercles à droite de chaque chromosome représentent les délétions (en rouge) et les duplications (en bleu) pour chacun des clones détectés chez les individus témoins. Les cercles verts à gauche des chromosomes indiquent les régions correspondant à des duplications segmentales connues ou à des régions de lacunes dans le génome (gaps), qui coïncident avec les clones (figure tirée de Iafrate et coll., 2004).
degré d'identité. Les CNVs sont, dans la majorité des cas, formés lors d’une recombinaison homologue
non allélique (NAHR), due à la présence de régions d’homologie flanquant le réarrangement. Ces régions
d’homologie, appelées duplications segmentales (ou low-copy repeats, LCR) correspondent à des
séquences répétées dans le génome (au moins deux copies par génome haploïde) qui favorisent
l’apparition de remaniements inter et intra-chromosomiques. Pour des raisons pratiques, on les définit
souvent par leur taille (> 1 kb) et par leur degré d'identité (> 95 %). Ainsi, dans les régions génomiques
riches en duplications segmentales, des alignements entre des séquences non alléliques appelés
mésappariements pourront être créés. Ces derniers peuvent avoir lieu à plusieurs niveaux : entre
chromosomes homologues, entre chromatides sœurs ou encore dans une même chromatide. Selon le
sens d’orientation des régions homologues flanquantes et selon le niveau du réarrangement, la
recombinaison pourra entraîner l’apparition d’une délétion, d’une duplication, d’une inversion ou même
Figure 9. Réarrangements par recombinaison homologue non allélique (NAHR)
Une recombinaison (croix rouge) entre séquences d’ADN présentant un degré d’homologie élevé à des positions non alléliques peut générer une délétion, une duplication, une inversion ou l’apparition d’un chromosome isodicentrique. Six cas sont représentés selon le niveau du remaniement (entre chromosomes homologues, entre chromatides sœurs ou dans une même chromatide) et l’orientation des séquences répétées (directe ou inversée). Les chromosomes homologues sont représentés en bleu et rouge ; les chromatides sœurs sont indiquées dans une même couleur (bleu). Les flèches blanches et noires correspondent à des duplications segmentales (figure tirée de Sasaki et coll., 2010).
Il est intéressant de noter que théoriquement, le nombre de délétions générées par NAHR entre deux
duplications segmentales données sera toujours supérieur au nombre de duplications. En effet, les
remaniements interchromosomiques ou entre chromatides sœurs peuvent donner soit des délétions soit
des duplications alors que si la recombinaison a lieu dans une même chromatide, seule une délétion
pourra être créée.
Les CNVs de taille variable
A l’inverse des CNV récurrents, les non récurrents peuvent apparaître n’importe où, puisque les
mécanismes à l’origine de leur formation ne requièrent pas la présence de séquences répétées. Dans la
plupart des cas, il s’agit des mécanismes de non-homologous end-joining (NHEJ) et du Fork Stalling and
Template Switching (FoSTeS) (Figure 10).
Le NHEJ est l’un des deux mécanismes utilisés par les cellules pour réparer une cassure d’ADN double
brin. La réparation a lieu en quatre étapes distinctes : la détection du point de cassure, la création d’un
pont moléculaire rapprochant les extrémités, l’édition des régions terminales pour les rendre compatibles
et liables et la ligation. Ce mécanisme présente une signature particulière appelée ‘cicatrice génomique’
liée à l’édition des extrémités avant la ligation (clivage ou ajout de plusieurs nucléotides aux points de
cassure). Parfois, il arrive qu'une séquence d'ADN ectopique (élément libre de type transposon par
exemple) soit ajoutée aux points de cassure avant la ligation. Par ailleurs, bien que la présence de régions
d’homologie ne soit pas nécessaire à ce mécanisme, il a été montré qu’il pouvait tout de même être
stimulé par la présence d’éléments d’ADN répétés et de duplications segmentales.
Figure 10. Mécanismes à l’origine des CNVs non récurrents
Le mécanisme de non-homologous end-joining (NHEJ) cause la délétion de la région présente entre les points de cassure (avec parfois l'ajout de séquences ectopiques), ainsi qu’un cicatrice génomique ; le mécanisme de Fork Stalling and Template Switching (FoSTeS), qui se produit lors de la réplication de l’ADN, entraîne des réarrangements plus complexes (figure tirée de Gu et coll., 2008).