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5. Mécanismes de maintien des ICE

5.1 Maintien des ICE dans la cellule réceptrice et sa descendance

5.1.1 Maintien grâce à des fonctions codées par l’ICE

5.1.1.1 Recombinases

Dans la grande majorité des cas, l’ICE code une recombinase à tyrosine qui, après transfert, catalyse l’intégration site spécifique de l’élément dans un réplicon, ce qui assure son maintien dans la descendance de la cellule réceptrice (voir paragraphe 3.1) (Wozniak and Waldor 2010).

Dans ce cas, l’intégration ne modifie généralement pas la séquence du gène cible car la recombinaison se produit entre des séquences identiques portées par le site attI et le site attB, ce dernier contenant le plus souvent l’extrémité 3’ du gène cible. L’intégration de l’élément reconstitue un gène entier au niveau du site d’intégration. De nombreux ICE s’intègrent dans un site unique, généralement dans l’extrémité 3’ de gènes très conservés comme des gènes codant un ARNt ou une protéine ribosomique (Dimopoulou et al. 2002; Williams 2002; Lee et al. 2007; te Poele et al. 2008; Brochet et al. 2008a; Bellanger et al. 2009). Certains ICE présentent cependant d’autres spécificités d’insertion. Ainsi l’ICE SXT s’intègre dans l’extrémité

5’ du gène prfC codant une protéine impliquée dans la terminaison de la traduction.

Il modifie la séquence en acides aminés de la protéine codée par prfC, mais cette dernière reste cependant fonctionnelle (Hochhut and Waldor 1999). L’ICE Tn916, s’intègre de façon spécifique dans une région intergénique chez Clostridium difficile

(Wang et al. 2000). TnGBS1 et TnGBS2 s’intègrent toujours à 15-16 pb en amont de la

boîte -35 de promoteurs mais sans influencer significativement la transcription des gènes en aval (Brochet et al. 2009). Globalement, l’intégration de ces ICE ne diminuerait pas la valeur adaptative de l’hôte.

D’autres ICE ont une spécificité moindre et vont s’intégrer dans de multiples sites. L’ICE CTnBST de Bacteroides s’intègre préférentiellement dans 50% des cas dans une région intergénique où il ne modifie ainsi pas la séquence de gènes de l’hôte. En

42 revanche, il possède de nombreux sites secondaires d’intégration dont certains sont

dans des gènes. L’intégration de CTnBST ne reconstitue pas les gènes et l’élément et

l’intégration est donc mutagène (Wesslund et al. 2007). D’autres éléments, tels que

Tn916 ou Tn1549 s’intègrent dans des régions d’ADN riches en A+T, présentant une

courbure naturelle, chez la quasi-totalité de leurs hôtes (Lu and Churchward 1995; Clewell et al. 1995b; Garnier et al. 2000). Contrairement aux ICE à intégration site

spécifique, ces éléments interrompent de nombreux gènes. L’ICE Tn916 est d’ailleurs

fréquemment utilisé afin de réaliser des mutagenèses insertionnelles aléatoires (Hosking et al. 1998; Smidt et al. 1999; Whetzel et al. 2003; Cookson et al. 2011). Ce type d’intégration peut être contre-sélectionné par la cellule hôte et aboutir à la perte de l’élément au sein de la population.

5.1.1.2 Réplication

Selon la définition originelle (Burrus et al. 2002a), les ICE se transmettent à la descendance uniquement sous forme intégrée, la réplication n’intervenant que pendant le transfert simple brin ou dans les périodes précédant et suivant le transfert double brin.

Les ICE présents chez les actinomycètes pluricellulaires, s’excisent, se répliquent dans la cellule donatrice puis se transfèrent sous forme double brin. Ils se répliquent également dans la cellule réceptrice après le transfert, cellule contenant de nombreuses copies du génome. Ils se transfèrent ensuite par un autre mécanisme vers les autres cellules du mycélium avant de s’intégrer dans chacune des copies du chromosome de chaque cellule. La réplication de l’ICE après son transfert assure donc l’invasion de l’organisme par l’élément (Possoz et al. 2001; te Poele et al. 2008).

Toutefois, des études de plus en plus nombreuses tendent à prouver que la réplication intracellulaire joue également un rôle notable dans le maintien des ICE se transférant sous forme simple brin. Divers éléments, ICE ou IME, tels que ICE_6180_RD.2 de S. pyogenes, pP36 de Legionella pneumophila, ICESt3 de

S. thermophilus ou NBU1 des Bacteroides sont ainsi présents, dans certaines conditions, en multicopies sous forme extra-chromosomique (Wang et al. 2001; Doleans-Jordheim et al. 2006; Carraro et al. 2011; Sitkiewicz et al. 2011).

Les ICE de la famille ICEHin1056-pKLC102, très répandus chez les

protéobactéries  sont également présents sous forme extra-chromosomique dans

43 2007). Ainsi, ICEHin1056 est trouvé chez les transconjugants non seulement sous forme intégrée mais aussi sous forme circulaire (Dimopoulou et al. 1997; Leaves et al. 2000). De même, jusqu'à trente formes circulaires de pKLC102 ont été observées par cellule. La réplication intracellulaire et sa participation au maintien de ces éléments sous forme extra-chromosomique n’ont pas été démontrés. Cependant, ils portent tous des gènes codant des protéines homologues à celles impliquées dans le maintien de plasmides sous forme extrachromosomique, en particulier des homologues de la protéine ParA impliquée dans la partition des plasmides ou de l’hélicase DnaB (Mohd-Zain et al. 2004; Juhas et al. 2007; Klockgether et al. 2007).

Le mécanisme de réplication intracellulaire n’a cependant été étudié que pour trois ICE. L’îlot de symbiose ICEMlSymR7A de Mesorhizobium loti pourrait se maintenir sous forme circulaire via une réplication par cercle roulant impliquant la relaxase et l’origine de transfert (Ramsay et al. 2006). De même, ICEBs1 peut se répliquer sous forme extra-chromosomique par cercle roulant de manière autonome (Lee et al. 2010). Cette réplication s’initie au niveau de l’origine de transfert et implique deux protéines codées par l’élément, la relaxase et un facteur stimulant une hélicase codée par l’hôte. La réplication requiert d’autres protéines codées par l’hôte telles que la polymérase PolC (Lee et al. 2010; Thomas et al. 2013). Enfin, les ICE de la famille TnGBS1 et TnGBS2 se réplique sous forme extra-chromosomique chez les cellules donatrice et réceptrice. Toutefois, contrairement à ICEBs1, la réplication utilise un mécanisme similaire à la réplication thêta des plasmides des firmicutes (Guerillot et al. 2013). De plus, ces deux éléments, contrairement à tous les autres ICE connus se transférant sous forme simple brin, possèdent un module de réplication distinct du module de transfert.

La réplication d’un ICE permettrait son maintien dans la cellule donatrice et participe donc à la stabilité de l’élément. En effet, la cinétique de ré-intégration d’un ICE après une étape d’excision n’est pas instantanée et peut être lente. La réplication permet aux éléments de se maintenir sous forme circulaire dans une population en croissance (Lee et al. 2010). Par ailleurs, lorsqu’un ICE se transfère vers une nouvelle cellule hôte, il est fort probable que, dans la population ou biofilm, de très nombreuses cellules soient dépourvues de cet élément. La réplication et la présence d’un nombre élevé de copies circulaires pourrait favoriser son transfert et ainsi l’envahissement de la population par l’élément, de façon similaire à l’invasion d’un mycélium par les ICE à transfert double brin.

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