• Aucun résultat trouvé

3. Transfert conjugatif des ICE

3.1 Excision/intégration

L’excision et l’intégration des ICE sont catalysées par une intégrase codée par l’élément. Comme pour les prophages, ces intégrases appartiennent à trois familles, le plus souvent une recombinase à tyrosine, plus rarement une recombinase à sérine ou transposase à DDE (Burrus et al. 2002b; Brochet et al. 2009).

24

3.1.1 Recombinase à tyrosine

Les intégrases à tyrosine catalysent les réactions d’excision et d’intégration des éléments génétiques mobiles grâce à un résidu tyrosine. Elles réalisent des coupures décalées des deux brins et des religations successives afin de procéder à l’échange de brin. De ce fait, elles catalysent une recombinaison site spécifique entre de courtes séquences identiques contenues dans le site attI porté par la forme circulaire de l’ICE (attP pour les phages) et dans le site chromosomique d’insertion attB. Cela aboutit à l’intégration de l’élément dans un réplicon de la cellule qui est alors bordé par les deux copies d’une répétition directe appartenant aux sites attL et attR créés par la recombinaison (Figure 7) (Smith and Thorpe 2002; Groth and Calos 2004; Grindley et al. 2006). attP attB attL attR attL attR attP attB attL attR A. B. intégration excision attI attB attB attI attL attL attL attR attR attR intégration excision

A.

B.

Figure 7 : Représentation schématique de l’intégration et de l’excision des ICE catalysées par les recombinases à tyrosine

25

A. Intégration

L’intégrase seule catalyse la recombinaison entre les séquences identiques des sites attI et attB

(rectangles noirs) ce qui aboutit à l’intégration de l’ICE dans le réplicon. L’élément est alors bordé des sites attL et attR.

B. Excision

Une recombinaison catalysée par l’intégrase entre les séquences identiques des sites attR et attL portés par la même molécule et orientés dans le même sens conduit à l’excision de l’ICE sous forme circulaire ainsi qu’à la formation des sites attB et attI. Des cofacteurs codés par l’élément et par l’hôte, participent à la réaction d’excision, notamment en courbant l’ADN.

Les rectangles blancs et hachurés représentent respectivement les bras des sites attR et attL et leurs équivalents dans le site attI.

La structure des sites de recombinaison att est très bien définie chez les prophages, notamment λ. Ils comportent une région core contenant les séquences identiques où a lieu la recombinaison. Les sites attL et attR portent également des séquences, dénommées bras, contenant des sites de fixation de la recombinase à tyrosine, ainsi que des cofacteurs protéiques codés par l’élément ou par l’hôte, viennent se fixer. Ces bras sont retrouvés de part et d’autre de la séquence core du site attP mais sont absents du site attB (Figure 8) (Gottfried et al. 2000; Groth and Calos 2004). Chez les ICE, la nature exacte des sites attL et attR n’est pas encore caractérisée.

Figure 8 : Structure des sites de recombinaison site-spécifique du phage λ

(Gottfried et al. 2000)

Le site O correspond à la séquence à l’intérieur de laquelle s’opère l’échange de brins. Les sites B, B’, C et C’ sont les séquences de fixation à faible affinité reconnues par l’intégrase. Elle se fixe en revanche avec une forte affinité sur les sites P. Les sites H, X et F symbolisent respectivement les sites de fixation des protéines accessoires IHF, Xis et Fis.

26 L’excision d’un phage ou d’un ICE par une intégrase implique une recombinaison site-spécifique entre les sites attL et attR (Figure 7). Chez les phages codant une recombinase à tyrosine, l’excision est dépendante, en plus de l’intégrase, d’un facteur protéique RDF (« recombination directionality factor »). Ce co-facteur, codé par l’élément, est presque toujours une petite protéine basique appelée excisionase, qui va déterminer la proportion d’éléments se trouvant sous forme intégrée et sous forme libre (Lewis and Hatfull 2001). La majorité des ICE codant une intégrase nécessitent également la présence d’un RDF lors de leur excision (Raynal et al. 1998; Cheng et al. 2001; Connolly et al. 2002; Mullany et al. 2002; Burrus and Waldor 2003; Sutanto et al. 2004; Ramsay et al. 2006; Lee et al. 2007).

De même, des facteurs d’hôte peuvent intervenir dans la réaction d’excision ou d’intégration. Ainsi, l’intégration de CTnDOT chez E. coli nécessite le facteur d’hôte IHF (« integrated host factor ») (Cheng et al. 2002). De même, l’excision de Tn916 est stimulée par le facteur d’hôte Hu (« heat unstable ») (Connolly et al. 2002).

3.1.2 Recombinase à sérine

Les recombinases à sérine constituent la seconde famille des recombinases sites spécifiques. Elles catalysent une recombinaison entre des sites attI et attB. Cependant, l’acide aminé catalytique est une sérine et le mécanisme de recombinaison est différent de celui des recombinases à tyrosine. En effet, les recombinases à sérine vont réaliser des coupures simples brin décalées sur l’ensemble des brins avant de procéder à l’échange de brin et à la religation (Grindley et al. 2006).

Tn5397 de Clostridium difficile est le seul ICE bien caractérisé qui code une recombinase à sérine. Cette enzyme est nécessaire et suffisante pour réaliser l’intégration et l’excision de cet ICE (Wang and Mullany 2000; Wang et al. 2000). D’autres ICE de cette espèce bactérienne (CTn5, CTn2 et CTn7), ICESe2 de

Streptococcus equi, ICESp2905 et ICESp1108 de S. pyogenes ainsi que Tn1806 de

S. pneumoniae codent une recombinase à sérine putative (Sebaihia et al. 2006; Camilli et al. 2008; Heather et al. 2008; Brenciani et al. 2011). Parmi ces éléments, CTn2, CTn5,

CTn7 et ICESp2905 s’excisent et se transfèrent (Brouwer et al. 2011; Giovanetti et al. 2012).

27

3.1.3 Transposase à DDE

Les transposases à DDE catalysent la transposition de la plupart des IS et transposons. Les éléments sont bordés de répétitions inversées et les trois acides aminés catalytiques de la transposase (deux aspartates et un glutamate) vont permettre les coupures et échanges de brins. L’intégration provoque une duplication

de la séquence cible (Polard and Chandler 1995). Les deux ICE TnGBS1 et TnGBS2 de

S. agalactiae codent une transposase à DDE qui est nécessaire et suffisante pour leur excision et leur intégration (Brochet et al. 2009). ICE6013 de Staphylococcus aureus

code également une transposase à DDE (Smyth and Robinson 2009). Enfin, ICEF de

Mycoplasma fermentans et les éléments apparentés ne codent pas de recombinase à tyrosine ou à sérine. De plus, la présence de répétitions inverses terminales ainsi que la duplication de courtes séquences de la cible, différentes selon le lieu d’intégration, laissent à penser que ces éléments pourraient coder des transposases à DDE (Calcutt et al. 2002; Marenda et al. 2006).

L’excision des ICE est la première étape avant le transfert conjugatif et est

donc indispensable pour que ce dernier se réalise. Chez Tn916 et les ICE apparentés,

l’expression des gènes du module de conjugaison est induite par la circularisation, cette étape d’excision apparaît donc comme un pré-requis important au transfert conjugatif (Celli and Trieu-Cuot 1998).