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MAB : une vocation à éduquer

Dans le document La démarche MAB: la voie de l'optimisme (Page 137-140)

PAR FRANÇOISE FRIDLANSKY

ET JEAN-CLAUDE MOUNOLOU

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Stéphane Durand

Observer, inventorier

et classer les espèces fut au centre des occupations du comte de Buffon (Montbard, France).

origine, promu cette éducation en même temps que ses actions de conservation et de développe-ment. Cela apparaissait en 1991 dans la première

Lettre de la Biosphère nationale. Aujourd’hui MAB publie la Lettre n°78 (www.mab-France.org) et l’exigence d’éducation est toujours présente.

P

RIORITÉ ÀL

ÉDUCATION

Ne nous faisons pas d’illusion, avec les minces moyens propres aux réserves de biosphère, l’édu-cation n’est possible qu’à travers des partenariats avec des institutions, des associations aux objec-tifs partagés. Ce sont des écoles, des collèges, des lycées, des universités, des communautés locales, des régions. Avec ces dernières et avec les orga-nismes de recherche tels que le CNRS ou l’INRA. MAB-France participe aux efforts de recherche spécialisés et à l’avancée des connaissances qu’il faudra communiquer à tous et surtout enseigner aux jeunes et mettre à leur disposition. MAB s’y emploie par des accueils, des visites, des actions pratiques et des productions partagées locale-ment, des conférences pour grand public ou

public spécialisé, des recherches spécifi ques. Mais les objectifs initiaux avaient plus d’ambitions. On attend des réserves de biosphère qu’elles se sou-cient des femmes et des hommes qui vivent sur le même territoire, qu’elles les aident à faire évoluer leurs techniques, leurs pratiques et leur écono-mie − en foresterie ou dans les usages de l’eau, par exemple −, enfi n à respecter autrui comme le milieu environnant. Au-delà donc de communi-cation élémentaire et en accord avec les moyens disponibles, il s’agit d’agir en association avec les institutions locales et territoriales − communes, DRAF, ONF, etc. On le voit MAB parcourt tout le champ de la vie quotidienne de chacun comme de la vie économique, de l’environnement − de l’écologie au social −, des particularismes – voire des égoïsmes −, de la demande de plus d’équité et de respect. Le bilan éducatif est franchement positif, apprécié et loué par tous ceux qui en ont eu connaissance et en ont tiré enseignements, leçons et bénéfi ces.

Si tout cela est bel et bon, pourquoi cette acti-vité ne rayonne-t-elle pas davantage en France ?

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Sycoparc

Faire comprendre les enjeux de la biodiversité aux jeunes générations ainsi que leur lien social est un des objectifs des Réserves de biosphère.

(Vosges du Nord, France)

Faire comprendre les enjeux de la biodiversité aux jeunes générations ainsi que leur lien social est un des objectifs des Réserves de biosphère.

Certes, on peut toujours répéter que tout le dévouement des acteurs désintéressés ne suffit pas à faire face aux attentes et regretter le manque de moyens. Mais, de façon circulaire, les moyens sont liés à la reconnaissance extérieure... Au-delà des questions d’argent comme des nécessaires négociations et concessions qui en découlent, plusieurs autres causes ont freiné à des degrés divers l’élan éducatif de MAB-France.

La première cause est le temps : 1971 lance-ment par l’UNESCO, 1974 mise en place des remières réserves de biosphère françaises. A l’époque l’UNESCO et MAB-France proposaient une véritable construction sociale élaborée à partir de la diversité biologique. Aujourd’hui appeler de ses vœux une telle construction est une affaire banale, présente dans la bouche de tous les citoyens, de tous les politiques, à tra-vers de nombreux pactes écologiques, comme des agences de communication et de marketing. Mais force est de constater que cette émergence est récente ! Dans les années 1970-1980, bien peu étaient sensibles aux questions et à tous les

enjeux avancés par l’UNESCO. En France, ils ne rencontraient au mieux qu’une attention polie. Puis, dans les années 1990-2000, sous la pres-sion des nécessités biologiques, économiques et sociales, émergent les préoccupations de déve-loppement durable et de biodiversité à grands renforts de conférences internationales - dont il est de bon ton de se faire l’écho en France pour ne pas manquer le train. Dans ce sillage sont lancés d’importants programmes de recherche financés par les ministères et les institutions et habilement récupérés par les politiques et les communicateurs professionnels.

Modeste, MAB-France est happé dans ce mou-vement alors qu’il en était précurseur. Sa parole était donc arrivée trop tôt pour être entendue...

La seconde cause de la reconnaissance dis-crète accordée aux efforts des réserves de bios-phère paraît due au programme MAB lui-même. Comme il a été dit plus haut, MAB a un objectif et une exigence d’éducation. Cette dimension n’ap-paraît pas dans les priorités des grandes institu-tions, ni dans les déclarations politiques, ni dans

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Béatrice Bourrigaud

Les partenariats avec des institutions, des écoles,

des communautés locales et des régions participent

aux efforts éducatifs.

Les partenariats avec des institutions, des écoles,

des communautés locales et des régions participent

les programmes économiques, alors que la sim-ple communication y est bien placée. Eduquer signifi e donner aux autres, aux jeunes, la con-naissance et la formation pour prendre leurs propres décisions sans suivre automatiquement les propositions d’une tutelle, pour avoir même parfois la force de la contester. De telles éventua-lités sont diffi ciles à accepter pour les pouvoirs installés comme pour tous les groupes sociaux qui s’appuient sur des dogmes et assurent leur pérennité par l’entretien de controverses plus que par l’effort généreux avancé par l’UNESCO en 1971. Un seul exemple pour appuyer cette remarque : le mot «

biodi-versité » apparaît dans les années 1990 et remplace alors souvent l’expression « diversité biologique », l’homme restant

implici-tement toujours extérieur à la « nature ». Pour certains, il en est encore ainsi, comme en témoi-gne la plaquette « La Biodiversité à travers des exemples » éditée en 2007 par le ministère de l’Écologie et du Développement durable. Pour la majorité, il faut attendre les années 2000 avant que la biodiversité apparaisse comme une cons-truction sociale à propos du vivant, l’homme et ses sociétés compris. Il y a longtemps que MAB-France savait cela et le mot biodiversité dans sa pleine acception a aisément trouvé sa place dans les réserves de la biosphère.

La troisième cause tient à l’usage ambigu du mot « interdisciplinarité ». Il semble que très souvent ce mot à la mode soit sciemment utilisé comme synonyme de « pluridisciplinarité », et ceci se comprend. En demandant à des experts d’apporter leurs compétences spécifi ques à la réfl exion collective les pouvoirs recueillent un conseil pluridisciplinaire qui laisse à eux seuls la capacité et l’autorité de décision. MAB ensei-gne et met en œuvre tout au contraire la véritable interdisciplinarité, du vivant au social : celle qui fournit à chacun et par l’éducation la connaissan-ce néconnaissan-cessaire à l’exerciconnaissan-ce de la liberté et de la res-ponsabilité vis-à-vis de la collectivité. C’est bien sûr une vision de la société différente de celle des pouvoirs installés, et qui, en dépit des belles paroles, ne recueille qu’un soutien discret...

Tournons nous maintenant vers l’avenir. Faire de la biodiversité une construction sociale du

vivant et préparer le développement durable donne une nouvelle dimension, une nouvelle perspective d’éducation à la société. Les objec-tifs initiaux de MAB, entretenus diffi cilement, reçoivent une juste et légitime reconnaissance. Par conséquent les actions éducatives, les efforts entrepris, les réseaux et les relations tissés avec la société méritent d’être poursuivis et développés dans leur forme actuelle.

MAB aujourd’hui peut toujours être pionnier et innovateur, comme en 1971, pour une édu-cation nouvelle que justifi eront les avancées de connaissance et la transformation des sociétés. Les fondements de ce pas en avant semblent se trou-ver à plusieurs niveaux. L’analyse en cours des inte-ractions socio-écologiques apportera, c’est aisément prévisible, des connaissances plus pertinentes et des usages nouveaux.

Mais au-delà se posent les questions de com-plexité. Les associations des composantes de la biodiversité sont-elles la somme des propriétés de chacune ou en émerge-t-il des propriétés collec-tives qui n’étaient pas prévisibles. S’il est trop tôt pour répondre, on sent bien que ces questions se

posent par exemple à propos des microclimats, des transformations localisées des sols, de l’éven-tuelle élaboration de nouvelles formes vivantes - y compris par les hommes. Autant de sujets qui sont dans le champ des réserves de biosphère !

Et le hasard ? On sait qu’il intervient inévita-blement dans le renouvellement des individus

La parole du MAB

Dans le document La démarche MAB: la voie de l'optimisme (Page 137-140)