• Aucun résultat trouvé

Les espèces non rentables ont été sciemment oubliées

Dans le document La démarche MAB: la voie de l'optimisme (Page 72-75)

Lisa Gar nier

Les espèces non rentables

ont été sciemment oubliées.

sont préservés et les agriculteurs indemnisés lors-qu’ils sont victimes de leurs dégâts. Tel est aussi le cas en Australie, où les recettes du tourisme ont dépassé celles des secteurs miniers et agricoles, et où la protection de la Grande Barrière de corail est devenue une priorité nationale, qui impose ses contraintes à ces secteurs.

En France, la diversité des paysages est recon-nue comme ayant une valeur patrimoniale et identitaire, mais aussi comme constituant une ressource à préserver. Or, les paysages et la biodi-versité sont étroitement liés à travers les habitats et les écosystèmes. Le niveau local serait-il alors mieux à même que le niveau national de perce-voir et de gérer les complémentarités d’intérêts ? Toute la difficulté réside ici dans la disproportion de moyens entre ce que peuvent dégager les col-lectivités territoriales comme les établissements publics de coopération intercommunale et les syndicats intercommunaux, et ceux dédiés au développement des grandes politiques sectoriel-les. Ainsi, le budget de la politique agricole est bien supérieur à celui des Parcs naturels régio-naux et à ceux qu’affectent les communes à

déve-lopper leur tourisme. Néanmoins, cela ne signifie pas que les politiques locales sont vouées à une faible efficacité. Bien au contraire. Un fort con-sensus autour d’un projet de développement local ou des initiatives locales coordonnées peut avoir des effets bien plus durables et structurants que des politiques nationales de redistribution de revenus.

L

ESAGRICULTEURSÀ LARESCOUSSE

Si les consommateurs ressentent le besoin de produits de consommation variés et de modes de vie différents, ils peuvent plus facilement com-prendre que la biodiversité est importante aussi dans la nature. Cela peut induire un change-ment de priorités, au niveau local d’abord, puis au niveau national et européen. Mais ces besoins nouveaux de diversité, de services et de qualité de l’environnement doivent rencontrer un écho auprès des agriculteurs et les appellent à une modification profonde de leurs références et de leurs pratiques. Nous défendons l’idée que c’est au niveau local que la rencontre peut se produire, notamment parce que les agriculteurs ont un

inté-©

Jean-Marc Angibault

Quelques pays

ont inversé leur priorité : préserver leur faune sauvage pour attirer les touristes du monde entier.

rêt direct dans le développement des nouveaux biens et services liés au paysage et à la biodiver-sité. Il faut cependant prendre conscience du travail intellectuel, social et informatif qu’il faut déployer pour faire converger les schémas intel-lectuels et les pratiques des agriculteurs avec les attentes nouvelles de la société.

Il est assez évident qu’une telle « révolution », déjà largement entamée au niveau local et mise en pratique par de nombreux agriculteurs, ne pourra se faire sans une évolution concomitante des modes de pensée et d’expérimentation de la recherche elle-même, qu’elle soit agronomique ou écologique.

Un des exemples les plus frappants de la redé-couverte du rôle de la diversité en agriculture provient paradoxalement d’une des innovations les plus controversées de ces dernières décennies. Aux États-Unis, alors que des variétés de plantes génétiquement modifi ées résistantes à des insectes nuisibles, avaient été mises en culture depuis plu-sieurs années, on s’est rapidement rendu compte que l’on avait induit l’apparition d’insectes capa-bles de surpasser la résistance de ces plantes. En conséquence de quoi, la culture de zones sans plantes génétiquement modifi ées – dites refuges – est aujourd’hui conseillée pour conserver une diversité parasitaire et éviter l’apparition de résis-tances. Ni nouveau, ni différent du phénomène d’apparition des résistances aux antibiotiques ou pesticides, la promotion de ces zones refuges autour des cultures de plantes génétiquement modifi ées est une innovation qui témoigne d’une prise de conscience des limites de la toute puis-sance de l’homme sur la nature. Mais aussi de l’in-térêt agronomique et économique de conserver la diversité biologique ! D’autre part, le modèle de production fondé sur la standardisation, la duction de masse et la dissociation entre la pro-duction agricole et la nature – incluant la biodi-versité et les paysages – commence à être remis en cause par des études scientifi ques, comme en témoigne l’étude de Bernard Chevassus-au-Louis publiée en 2006.

Dès la fi n de la seconde guerre mondiale, des scientifi ques confrontés aux dégâts engendrés par l’utilisation massive des insecticides de synthèse comme le DDT ont imaginé utiliser les mécanis-mes de régulation observés dans la nature pour contrôler les ravageurs des cultures. Le concept

de contrôle biologique, aujourd’hui symbolisé par la vente en grandes surfaces spécialisées de coc-cinelles pour lutter contre les pucerons, était né et montrait que l’on pouvait utiliser les connais-sances écologiques sur la biodiversité au profi t de l’agriculture. Aujourd’hui, l’Organisation inter-nationale de lutte biologique et intégrée (IOBC) recense et vulgarise les cas d’utilisation effi cace des méthodes préconisées, leurs échecs, et leurs protocoles.

Enfi n, un autre exemple de recherches ayant un intérêt et un impact direct, à la fois pour la conservation de la biodiversité et pour l’agricul-ture est celui de la découverte récente du rôle de la diversité des habitats au niveau local, comme support de la biodiversité. Les éléments de pay-sage hors champs, haies, bandes boisées le long des rivières et cours d’eau, bosquets et bois, etc. constituent autant d’habitats pour des espèces uti-les à l’agriculture. Ces fonctions de la biodiversité sont aujourd’hui reconnues au niveau internatio-nal par le Millenium Ecosystem Assessment. Elles doivent être traduites en termes de conception de systèmes de production agricole intégrés aux éco-systèmes. L’heure est donc à la « révolution silen-cieuse » de la recherche agronomique !

Pour en savoir plus

•BENTON, T.G., VICKERY, J.A., WILSON, J.D. 2003. Farmland

biodiversity : is habitat heterogeneity the key ? Trends in

Ecology and Evolution, 18 (4) : 182-188.

• BOLLER, E.F., HÄNI, F., POEHLING, H.M. 2004. Ecological Infrastructures, Ideabook on Functionnal diversity at the Fram Level, Temperate Zones of Europe, www.iobc.ch

• BOURQUET, D., DESQUILBET, M., LEMARIÉ, S. 2003. Le dis-positif des zones refuges pour le maïs Bt aux États-Unis,

Le Courrier de l’Environnement de l’INRA, N° 48.

• CHEVASSUS-AU-LOUIS, B. 2006. Biodiversité un nouveau regard : refonder la recherche agronomique. Angers, ESA, Leçons inaugurales.

• DEBATISSE, M. 1963. La révolution silencieuse. Calmann-Lévy, Paris.

• GRAVEL, N. 2005. Une analyse économique de la liberté

de choix. Dans : Leçons de Philosophie économique, A. LE

-ROUX, P. LIVET (eds.). Economica, Paris.

• LIFRAN, R., SALLES, J.M. 2004. Préservation de la biodi-versité et politiques communautaires : de la confrontation

à l’intégration ? Déméter 2005 : 193-242.

• PEARCE, D. 2007. Do we really care about biodiversity ?

Environment and Resources Economics, 37 : 313-333.

• PINTON, F. et alii. 2007. La construction du réseau Natura 2000 en France. La Documentation française.

• VEBLEN, T. 1978. Théorie de la classe de loisir. Gallimard, Paris.

CHAPITRE 3

Une conservation dynamique

Dans le document La démarche MAB: la voie de l'optimisme (Page 72-75)