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défi nies et garanties

Dans le document La démarche MAB: la voie de l'optimisme (Page 68-71)

P. Pilard, LPO

Les règles d’accès et

d’exploitation doivent être

ou le remplacement des puits traditionnels par des puits modernes a globalement permis d’aug-menter leur rendement. Leur cheptel a grossi alors que les pâturages demeuraient soumis aux mêmes aléas pluviométriques. Cela s’est traduit par une surcharge de bétail et une augmenta-tion de la désertifi caaugmenta-tion, aggravée en période de sécheresse. L’accès à l’eau, ainsi facilité, a incité les propriétaires des puits à, d’une part, accroître la taille de leur troupeau sans remettre en cause les rapports sociaux traditionnels et d’autre part, à limiter leur mobilité, exacerbant les tensions avec les éleveurs dénués de droit de priorité à l’eau. Pour les nouveaux puits, aucun usage antérieur ne régulant l’accès à l’eau, l’absence de droits, le libre accès et usage s’est traduit par la surexploi-tation des ressources. Face aux confl its et aux besoins d’entretiens techniques, les tentatives d’établissement de règles de « tours » pour l’eau furent un échec en maints endroits et beaucoup de pasteurs retournèrent à leurs pâturages tradi-tionnels, renonçant aux nouveaux puits. Ce court exemple illustre comment un progrès technique peut générer des problèmes écologiques inatten-dus ainsi que des confl its sociaux par défaut de compréhension des règles et usages traditionnels en place.

Au cours de l’histoire, et dans la pratique, l’oc-cupation d’une terre et la nécessité d’utiliser une ressource pour vivre de son travail ont façonné les droits d’accès et d’usages. C’est l’exemple des colons nord-américains. Mais ces droits d’accès et d’usages peuvent tout aussi bien avoir été édictés par des droits de propriétés de l’État. C’est notam-ment le cas des pays anciennenotam-ment colonisés par les pays occidentaux. Lorsque les droits d’accès et d’usages sont gérés par des droits collectifs d’une

population locale et qu’ils ne sont pas reconnus par leur État, les confl its entre les deux parties sur l’accès aux ressources peuvent dégénérer en tragédies. En Indonésie, par exemple, l’État a accordé des concessions d’exploitation forestière à des entreprises privées qui n’étaient pas com-patibles avec la gestion des ressources naturelles par les populations locales. Cet antagonisme s’est traduit par une surexploitation des ressources. Les entreprises ont fait valoir leur droit puis les populations locales ont d’elles mêmes exploitées leur forêt... La destruction à dessein ou par négli-gence des systèmes de régulation traditionnels entraîne des appropriations individuelles des res-sources par des autorités extérieures au système local et peuvent déséquilibrer les sociétés loca-les. Ces créations de privilèges d’accès et d’usage ont contribué à éroder les liens de solidarité et de confi ance qui pouvaient unir les usagers de ces espaces. Ils ont aussi indirectement participé à la dégradation des milieux et de la biodiver-sité. La non-reconnaissance des droits locaux par un pouvoir central et les dysfonctionnements, en particulier liés à la corruption, de la gestion

Les règles d’accès et d’exploitation On distingue classiquement cinq types de droits liés à l’accès et à l’exploitation

■ Le droit d’accès permet d’accéder à une ressource dont l’usage n’implique pas sa consommation.

■ Le droit de prélèvement autorise de prélever des éléments de la ressource.

■ Le droit de gestion détermine comment, quand et où un prélèvement peut avoir lieu.

■ Le droit d’exclusion défi nit les autorités possédant les droits d’accès, de prélèvement et de gestion et celles qui en sont exclues.

■ Enfi n le droit d’aliénation autorise la vente ou la location de la ressource à un tiers.

Ordinairement, ces droits peuvent être cumulés. Ainsi, le droit de gestion inclut le plus souvent ceux relevant de l’accès et du prélèvement. Plus les acteurs détiennent de droits et plus ils exercent un contrôle effi cace sur la ressource et l’évolution des principes qui régissent ces droits. Ce qui signifi e que tout projet de gestion de la biodiversité ne peut se concevoir sans une analyse des arrangements institutionnels qui régulent les ressources naturelles afi n de mieux évaluer les impacts sociaux et stratégiques des projets de conser-vation et de développement. © P. Pilard, LPO La surcharge de bétail a contribué à l’intensification de la désertification au Sahel.

offi cielle des droits d’accès et d’usages engendre des confl its et fragilise les plus pauvres. Aussi, de nombreux groupes sociaux et ethniques tels que les Inuits au Canada, les Kanaks en Nouvelle Calédonie et les communautés amérindiennes du bassin amazonien, revendiquent désormais une autonomie de gestion de leur territoire et de ses ressources naturelles. Chacun de ces groupes veut préserver ses fondamentaux, contrôler les acteurs économiques externes et en tirer eux-mêmes une rente. Toute la question est ensuite de savoir si ces revendications politiques et économiques permettent une réelle autonomie au sein des ter-ritoires nationaux et comment ces sociétés comp-tent gérer leurs espaces de biodiversité une fois le pouvoir de décision décentralisé ou cédé.

D

ESENJEUXÀL

ÉCHELLE PLANÉTAIRE

Avec la marchandisation de la diversité biolo-gique, on ne considère plus aujourd’hui les res-sources biologiques comme un patrimoine com-mun, libre d’accès et gratuit. La mondialisation, à la fois des échanges mais aussi de la production, a entraîné la création de marchés, de brevets, de privilèges d’accès et d’usage, sur des séquences génétiques, des savoirs locaux, des droits à pro-duire, à commercialiser, à chasser, à pêcher, à « polluer »... Cet accroissement des enjeux d’ap-propriation à la fois de l’espace et des ressources a des répercussions sur la conservation de la biodi-versité. Les conventions internationales et les cer-tifi cations environnementales sur les ressources exploitées durablement ont permis de faire res-pecter certains droits et de favoriser des pratiques douces pour l’environnement. La Convention sur la diversité biologique a aidé à la reconnaissance de la souveraineté des États sur leurs ressour-ces génétiques, principalement utilisées dans le domaine de l’agriculture, de la pharmacie et de la cosmétique par le biais des biotechnologies. Elle les a aussi mis en face de leur responsabilité dans la gestion et la conservation de ces ressources. Les États doivent donc défi nir les droits d’accès et d’usage sur leurs ressources génétiques végétales, animales et microbiennes. Ces droits ont, depuis 1992, été alloués soit aux institutions – comme les ministères en charge de l’exploitation des forêts dans certains pays africains –, soit aux popula-tions locales dans le cadre de droits de propriété collectifs – dans certains écosystèmes forestiers

du Mexique – soit à des entreprises par un droit de propriété privée sur les ressources considérées – comme certaines compagnies pharmaceutiques en Amérique latine.

En sachant aujourd’hui que la gestion de la biodiversité est avant tout l’objet de connaissan-ces et de pratiques locales, on ne peut plus igno-rer les communautés qui vivent de leur territoire. La volonté d’intégrer ces communautés, d’encou-rager un développement durable, doit se tradui-re par la promotion d’un partage équitable des bénéfi ces de l’exploitation des composantes de la biodiversité. À une nature protégée, dont le trait essentiel était l’exclusion des humains, répond aujourd’hui des territoires de biodiversité et une nature instituée comme production sociale des communautés locales.

Plus que jamais, la construction de dispositifs interdisciplinaires d’interactions entre chercheurs, acteurs locaux, bailleur de fonds et gestionnaires est nécessaire pour développer des dispositifs collectifs garantissant un accès aux ressources et une participation équitable des partenaires. Alors que la mondialisation, le développement de mar-chés, l’immigration, la pauvreté et une démogra-phie croissante participent à un affaiblissement général des systèmes traditionnels de régulation sociale, le défi est de promouvoir les valeurs que sont l’équité, le partage des bénéfi ces matériels et immatériels, la sauvegarde des identités culturel-les et l’établissement de règculturel-les d’accès.

Pour en savoir plus

•BAROUIN, C. 2003. L’hydraulique pastorale, un bienfait

pour les éleveurs du Sahel ? Afrique contemporaine,

1 (205) : 205-224.

• HANNA, S., FOLKE, C., MALER, K.G. 1996. Rights to Nature :

Ecological, Economic, Cultural, and Political Principles of Institutions for the Environment. Island Press, Washington.

• MATHEVET, R., 2004. Camargue incertaine : sciences, usages et natures. Buchet Chastel, Paris.

• OSTROM, E. 1990. Governing the Commons: the Evolution of Institutions for Collective Action. Cambridge University Press.

• SACHS, I. 1980. Stratégies de l’écodéveloppement. Éditions

ouvrières.

• TIELKES, E., SCHLECHT, E., HIERNAUX, P. 2001. Élevage et gestion de parcours au Sahel, implications pour le dévelop-pement. Atelier régional ouest-africain sur « La gestion des pâturages et les projets de développement : quelles perspectives ? », 2-6 octobre 2000, Niamey, Niger. Verlag Grauer.

E

N 2002, après dix ans de tergiversations, la France transmettait à Bruxelles, une liste étendue de sites Natura 2000 avec leurs documents d’objectifs. Elle se mettait ainsi en conformité avec les exigences de l’Union euro-péenne. Cependant, faute d’un instrument juri-dique, et surtout d’un instrument financier, cette transmission restait lettre morte sur le terrain. L’épisode, toujours d’actualité, montre combien la priorité de la politique française n’est pas celle de la conservation de la biodiversité. Pourtant, conférences et signatures de conventions interna-tionales sur la protection de la biodiversité n’ont jamais été aussi nombreuses... De fait, les moyens consacrés à la préservation de la biodiversité res-tent très faibles comparés aux autres politiques publiques, et en particulier celles concernant l’agriculture. Ce constat général porte aussi bien sur les politiques internationales que sur les choix et arbitrages nationaux. Alors d’où vient cette contradiction entre le niveau national de mise en œuvre des politiques publiques et les discours de portée internationale ? Faut-il y voir l’effet de la duplicité des hommes politiques, jouant sur les mots et profitant de l’ambivalence des textes, ou d’une traduction fidèle des valeurs et priorités de la société ?

Pour cela, il est nécessaire de comprendre que la modernisation agricole du XXe siècle a véhiculé un modèle très particulier sur les rapports entre l’agriculture et la nature. Aujourd’hui, les milieux agricoles – incluant de fait les agriculteurs et leurs organisations – montrent une très grande résis-tance face à la politique européenne de biodiver-sité, et de façon générale, à toutes les politiques environnementales. Ces politiques sont vécues comme techniquement illégitimes, peu crédi-bles ou comme des contraintes dont la légitimité sociale est contestée. Or, cela est primordial dans les enjeux de la conservation de la biodiversité en Europe et dans les pays développés puisque la nature est en grande majorité gérée par les agri-culteurs. La formation et l’éducation dispensées aux agriculteurs depuis maintenant plus d’un demi siècle ne sont pas étrangères à ce rejet. Leur modèle agronomique élaboré au XIXe siècle et perfectionné au siècle précédent s’est construit avec les progrès de la chimie organique et la dif-fusion massive des insecticides et des pesticides. L’objectif étant de libérer la production agricole des « contraintes » de la nature, comme la fertilité naturelle des sols, pour se rapprocher des con-ditions de production industrielle. Mécaniste, le modèle intellectuel répondait à chaque problème

Politiques publiques et biodiversité :

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