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3.4 La maîtrise des règles

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 131-139)

Pour être un interlocuteur « convenable », c’est-à-dire quelqu’un avec qui il est possible d’entamer l’échange et de le poursuivre, il faut que je montre ma maîtrise des règles en vi- gueur dans le contexte donné. Pour ce faire, il n’est pas nécessaire que j’exprime verbale- ment la règle : il suffit que je montre que je l’ai intériorisée, il suffit que j’agisse conformé- ment aux règles d’usage. En d’autres termes, la connaissance des règles se manifeste avant tout dans une conscience pratique, dans un « savoir-faire ». Dans nos activités quotidiennes, la plupart d’entre nous faisons généralement preuve d’une grande maîtrise et d’une grande connaissance de ces règles. Nous sommes ainsi capables d’agir et dans un ensemble indé- terminé de circonstances sociales.

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3.5.- Les différents registres normatifs

Reprenons ici l’ensemble des registres normatifs que nous venons de distinguer dans les pages qui précèdent.

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Ces registres normatifs définissent des normes de conduite qui précisent comment chacun doit ou devrait se comporter dans un certain nombre de circonstances, qui encadrent les façons de faire et/ou qui fixent un comportement de référence.

Il nous faut maintenant mettre de l’ordre dans les registres normatifs distingués. D’une part, parce qu’ils n’ont pas tous le même degré de précision.

D’autre part, parce qu’il y a des fautes ou des erreurs plus graves et plus lourdes de consé- quences que d’autres. Les risques sont donc plus grands si certains registres normatifs sont enfreints. Autrement dit, toutes les fautes et tous les registres normatifs ne se valent pas.

Premièrement, on peut distinguer les registres selon la façon dont ils ont été constitués.

Certains ont été codifiés – c’est-à-dire précisés et formulés dans des textes discutés, approu- vés puis publiés par des organes habilités à cette fin – ; d’autres sont formalisés avec un de- gré moindre de précisions – comme dans le cas de traités de savoir-vivre – et les derniers enfin restent très informels.

Deuxièmement, au sein des registres codifiés, certains occupent un rang supérieur et

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Normes Registres Sanctions

Informelles Tradition

Formalisées

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A la lecture de cet extrait de La Division du travail social, quelles considérations peut-on tirer au sujet des liens existant entre les registres normatifs ?

Les relations sociales peuvent se fixer sans prendre pour cela une forme juridique. Il en est dont la réglementation ne parvient pas à ce degré de consolidation et de préci- sion ; elles ne restent pas indéterminées pour cela, mais, au lieu d’être réglées par le droit, elles ne le sont que par les mœurs. Le droit ne réfléchit donc qu’une partie de la vie sociale et, par conséquent, ne nous fournit que des données incomplètes pour ré- soudre le problème.

Il y a plus : il arrive souvent que les mœurs ne sont pas d’accord avec le droit ; on dit sans cesse qu’elles en tempèrent les rigueurs, qu’elles en corrigent les excès forma- listes, parfois qu’elles sont animées d’un tout autre esprit.

Ne pourrait-il pas alors se faire qu’elles manifestent d’autres sortes de solidarité so- ciale que celles qu’exprime le droit positif ? Mais cette opposition ne se produit que dans ces circonstances tout à fait exceptionnelles. Il faut pour cela que le droit ne cor- responde plus à l’état présent de la société et que pourtant il se maintienne, sans raison d’être, par la force de l’habitude. Dans ce cas, en effet, les relations nouvelles qui s’établissent malgré lui ne laissent pas de s’organiser ; car elles ne peuvent pas durer sans chercher à se consolider. Seulement, comme elles sont en conflit avec l’ancien droit qui persiste, elles ne dépassent pas le stade des mœurs et ne parviennent pas à en- trer dans la vie juridique proprement dite. C’est ainsi que l’antagonisme éclate. Mais il ne peut se produire que dans des cas rares et pathologiques, qui ne peuvent même du- rer sans danger. Normalement, les mœurs ne s’opposent pas au droit mais au contraire en sont la base (Durkheim, 1893, pp.68-69).

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3.6.- L’identification des registres normatifs

Les registres informels ne laissent aucune trace matérielle : il faudrait donc les déduire de l’observation des différents contextes. Nous y reviendrons ultérieurement, au cours de l’analyse de la pratique du topless à la plage.

Les registres formalisés laissent une trace matérielle : il s’agit, par exemple, pour le registre moral, des livres religieux (Bible, Coran, Torah). Cela dit, dans la vie quotidienne, certaines personnes peuvent invoquer le registre moral sans ouvrir l’un de ces livres ni montrer la page et la citation précise qui lui permet de qualifier le geste, la parole ou l’acte posés. Il en va de même, du moins pour une partie, pour les registres codifiés : il est rare que nous croisions des personnes qui emmènent avec eux le Code civil ou le Code pénal, la Constitu- tion, mais cela ne veut pas dire que ces dispositions ne sont pas d’application dans une so- ciété donnée. Les lois sont rendues publiques et portées à la connaissance de tous les ci- toyens. C’est un principe du fonctionnement des Etats de droit, même si les modes de com- munication des lois sont discutables.

Nul n’est censé ignorer la loi

Etienne Cerexhe, Professeur émérite à l’Université Catholique de Louvain et aux Facultés Universitaires de Namur, Juge émérite à la Cour d’arbitrage, La Libre.be, Jeudi 8 mai 2003 Dans un Etat de droit, le respect de la règle de droit suppose que ses destinataires en aient connaissance, faute de quoi on risque de voir l’arbitraire s’installer. Comment un individu pourrait-il régler son comportement en fonction de normes dont il n’aurait pas eu connais- sance ? Exercer ses droits et respecter ses obligations impliquent une information préalable, information qui est une condition de la sécurité dans les rapports sociaux.

Cette exigence d’information n’est pas une condition de la validité d’une norme. Celle-ci existe dès qu’elle a été édictée par les autorités compétentes dans le respect des procédures prévues à cet effet, mais son application est subordonnée à l’accomplissement de certaines mesures de publicité.

Ainsi, pour nous en tenir aux normes législatives, expression de la nation souveraine, elles existent par le seul fait de l’accomplissement des formalités qui en font un acte législatif, à sa- voir le vote par les deux chambres et la sanction par le Roi, mais elles ne sont obligatoires, suivant l’article 190 de la Constitution, qu’après avoir été publiées, c’est-à-dire à partir du moment où les citoyens en sont informés ou au moins ont été à même d’en prendre connais- sance.

Cette publication se faisait exclusivement - il faut parler à l’imparfait - dans un journal officiel dénommé « Moniteur belge », dont la création remonte au 16 juin 1831. Elle avait pour effet de rendre la loi obligatoire... Le rapport présenté au Congrès national en 1830 en a clairement précisé la portée : « Cette publication est une notification solennelle qu’on fait au public ». Ce n’est qu’à partir de cette notification que les citoyens connaissent les lois ou sont censés les connaître et sont donc obligés de les respecter... Dès ce moment, s’applique l’adage « nul n’est

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censé ignorer la loi », peu importe que les intéressés en aient ou non une connaissance per- sonnelle. Cette présomption de connaissance a un caractère absolu, en ce sens qu’elle ne peut être renversée par la preuve contraire, même si, a déclaré la Cour de cassation, l’ignorance de la loi est due à un cas de force majeure ou à une impossibilité absolue d’en prendre connais- sance.

La publication des textes législatifs dans le « Moniteur » n’était certainement pas le moyen d’information le plus efficace, étant donné la diffusion relativement restreinte de celui-ci et sa lecture aride pour un non-initié. Mais c’était perdre de vue l’effet multiplicateur de la diffusion du « Moniteur » : dans toutes les administrations publiques, dans les palais de justice, dans les grandes entreprises, le « Moniteur » était mis en « circulation », comme d’autres publications, permettant à un nombre important de personnes d’en prendre connaissance, ne fût-ce que par une lecture rapide du sommaire. Ajouter à cela que tout citoyen pouvait se procurer le « Moni- teur » auprès de la direction du « Moniteur » et que le coût de l’abonnement était relativement modéré.

Aujourd’hui, depuis le 1er janvier 2003, le support papier du « Moniteur » a disparu, sauf pour trois exemplaires, dont l’un est conservé à la direction du Moniteur et peut être consulté par le public. C’est par l’intermédiaire du site internet du « Moniteur » que la publication des textes législatifs, prévue par l’article 190 de la Constitution, est assurée.

On reste perplexe devant les raisons, à peine évoquées dans les travaux préparatoires, essen- tiellement d’ordre financier, qui ont été invoquées pour la suppression du support papier du « Moniteur » et son remplacement par une publication via le site internet du « Moniteur ». Dorénavant, pour connaître les textes législatifs, il faudra disposer d’un ordinateur et d’une connexion internet, ce qui engendrera des dépenses considérables que ne peuvent supporter des citoyens de condition modeste.

Ensuite, la consultation du site internet ne peut se faire qu’à l’endroit où se trouve une confi- guration informatique, avec la lenteur inhérente à l’utilisation d’une telle configuration, con- trairement au « Moniteur » papier que l’on pouvait consulter quel que soit l’endroit où l’on se trouvait, à n’importe quel moment et moyennant un minimum de manipulations.

Enfin, se pose le problème non réglé dans la loi de la « foi » due aux différents modes de pu- blicité, puisque, outre la publicité sur le site internet, la publication sur un support papier sub- siste pour trois exemplaires, dont un seul peut être consulté par le public. Quel est celui des textes qui fera foi en cas de discordances entre les deux ? Sans doute, l’hypothèse sera-t-elle rare, mais techniquement parlant, elle n’est pas purement théorique.

Devant cette situation, on est en droit de se poser des questions. Quelle est encore la portée de l’adage « nul n’est censé ignorer la loi », dès lors que le législateur a rendu la connaissance de la législation plus difficile et surtout plus onéreuse, avec comme conséquence, que cette con- naissance sera réservée à certains privilégiés ? Or, celui qui dispose du savoir a généralement le pouvoir. Quelle est ensuite la signification de la notion d’Etat de droit que nos gouvernants invoquent régulièrement ? Elle implique que les gouvernants et les gouvernés, c’est-à-dire les citoyens, respectent la règle de droit. Encore faut-il que ces derniers en aient connaissance, si- non l’Etat de droit est un mythe. Enfin, la démocratie n’est-elle pas tronquée dès lors qu’elle repose sur une société profondément inégalitaire dans la connaissance du droit ?

Il ne s’agit pas de refuser les progrès de la technique dans les modes de communication du droit, encore faut-il que ce soit dans le respect de l’Etat de droit et de la démocratie. Les con-

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traintes des restrictions budgétaires ne peuvent justifier que certains principes fondamentaux du droit soient méconnus.

http://www.lalibre.be/debats/opinions/nul-n-est-cense-ignorer-la-loi-51b87dece4b0de6db9a89e15, publié le 08/05/2003, consulté le 26/08/2016

Par contre, il est fréquent que les registres codifiés subalternes, tels que les règlements d’ordre intérieur, soient affichés, dans un format papier, sur les lieux mêmes des établisse- ments concernés. Ils sont donc plus directement consultables et ils sont accessibles à un ob- servateur extérieur.

Dans cette partie de notre approche des échanges sociaux, nous avons répertorié les re- gistres normatifs qui se situent en arrière-plan des contextes observés : ces registres peu- vent être activés à certains moments par ceux qui échangent entre eux. Mais ils ne sont pas nécessairement activés. Ce n’est pas parce qu’un fait pénalement répréhensible est commis qu’il sera nécessairement sanctionné. Il n’est donc pas toujours simple pour un observateur extérieur d’identifier les différents registres normatifs. Il peut néanmoins identifier les choses qui ne se font pas pour les acteurs présents dans le contexte observé. Nous verrons plus tard comment.

Pour un observateur de la vie sociale, il convient toutefois de garder en tête que derrière les échanges et les réactions individuelles d’indignation, de réclamation, de protestation,…, des registres normatifs existent. Une connaissance de ces registres paraît donc un atout supplé- mentaire pour celui qui entend comprendre ce qu’il se passe, par exemple, lorsque deux personnes sont en désaccord.

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Evaluation formative n°3

Après avoir procédé à une description des faits qui se donnent à voir sur ces quatre photo- graphies, identifiez ce qu’elles ont en commun.

Pointez ensuite le ou les risques communs à ces quatre situations.

Relevez les registres normatifs susceptibles d’être invoqués dans ces quatre situations. Formulez une règle générale commune relative à ces quatre situations.

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4.- Légitimité et légitimation

Résumons-nous.

Une règle, c’est donc un code de conduite qu’il faut respecter. Elle indique comment il faut agir, se comporter ou se tenir dans une situation sociale donnée ; elle indique les choses

normales.

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 131-139)