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2.3 Pour aller plus loin dans la compréhension de la notion d’État de droit

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 124-127)

La notion d’État de droit est au cœur des préoccupations et des modèles de gouvernance portés par les grandes institutions politiques.

L’Organisation des Nations Unies, dans un rapport de 2004 formulé par le Secrétaire Général des Nations Unies et adressé au Conseil de sécurité, précise ce que recouvre ce terme.

Il désigne un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même, ont à ré- pondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon iden- tique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transpa- rence des procédures et des processus législatifs (Rapport du Secrétaire général sur l’état de droit et la justice transitionnelle dans les sociétés en proie à un conflit ou sor- tant d’un conflit (S/2004/616), par.6).

(http://www.un.org/fr/peacekeeping/documents/rule_of_law_indicators.pdf)

La Commission européenne, dans la présentation de sa politique d’élargissement à d’autres pays et dans le contrôle de dispositions légales prises au sein de l’Union européenne, définit elle aussi la notion d’État de droit.

L’Union européenne (UE) est fondée sur l’État de droit, c’est-à-dire que toute action entreprise par l’Union découle des traités, auxquels l’ensemble des États membres ad-

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hèrent démocratiquement et de leur plein gré. Tout nouveau pays qui adhère à l’UE doit aussi respecter les droits et les obligations inscrits dans la Convention européenne des droits de l’homme, la Charge des droits fondamentaux de l’Union européenne. (http://ec.europa.eu/enlargement/policy/policy-highlights/rule-of-law/index_fr.htm) L’UE prend des mesures pour protéger l’État de droit (12/03/2014). L’UE introduit un « outil d’alerte » afin de traiter les problèmes de manière précoce et de garantir le res- pect de l’État de droit par les pays membres.

Des procédures sont déjà en place pour agir à l’encontre des pays qui violent systéma- tiquement l’État de droit, un ensemble de principes de droit visant à préserver les va- leurs fondamentales de l’UE, notamment en garantissant à tous les citoyens un traite- ment égal devant la loi et en veillant à ce que la puissance publique exerce ses pou- voirs dans le respect du droit. Dans les situations extrêmes, l’article 7 du traité de Lis- bonne autorise l’UE à suspendre les droits de vote d’un pays en cas de dégradation systémique de l’État de droit.

(…) Ces dernières années, l’UE a été confrontée à plusieurs reprises à des problèmes de respect de l’État de droit, en particulier lors de la crise des Roms survenue en France, en 2010, lors de la crise politique survenue en Roumanie, en 2012, qui a fait peser des menaces sur l’indépendance du pouvoir judiciaire.

(http://ec.europa.eu/news/justice/140312_fr.htm)

L’équipe Perspective Monde de l’Université de Sherbrooke (Canada) précise le concept d’Etat de droit dans les termes suivants.

Fondamentalement, un État de droit signifie que les pouvoirs publics doivent exercer leurs fonctions selon les balises définies par un ensemble de normes juridiques. Ainsi est fondée la légalité administrative ou rule of law ou primauté du droit, des termes essentiellement équivalents. L’État de droit peut aussi être résumé par la formule : « Nul n’est au-dessus de la loi ». Plus généralement, cet ordre regroupe un ensemble de règles juridiques qui prémunissent les citoyens contre les formes arbitraires du pou- voir (exécutif). Pour qu’un État de droit existe, il faut que les obligations qui émanent de l’État soient officielles, impersonnelles, impératives et sanctionnables. En d’autres termes, les lois doivent 1) être connues (publiques), 2) personne ne peut y échapper, 3) elles doivent s’appliquer réellement et 4) la transgression de la loi doit entraîner des sanctions.

Un État de droit suppose des normes juridiques qui sont elles-mêmes hiérarchisées d’une manière explicite. La décision d’un policier vaut ainsi moins qu’une loi. L’ordre hiérarchique des normes juridiques place au sommet la constitution du pays, puis les ententes internationales signées par l’État, puis les lois, et ensuite les règlements. Toutes les décisions administratives prises quotidiennement par les organes de l’administration publique se situent au dernier échelon de cet ordre. Le pouvoir d’un fonctionnaire n’est donc pas absolu parce qu’il est encadré par cette hiérarchie. Un ci-

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toyen, devant un abus présumé ou réel, pourra ainsi utiliser les normes juridiques su- périeures pour demander une correction ou une réparation. Après avoir examiné la te- neur de la requête, les tribunaux rendront un jugement en se référant à la hiérarchie des normes.

La démocratie fondée sur l’État de droit, s’oppose ainsi à l’État autoritaire dans lequel l’arbitraire d’un dictateur ou d’un tyran règnerait. Elle s’oppose aussi à un État chao- tique ou anarchique dans lequel les lois seraient inexistantes ou bien ne seraient pas respectées, appliquées ou observées. De nos jours, l’État de droit suppose l’existence effective (même minimale) de libertés individuelles et collectives (liberté de croyance, d’association, d’opinion) et l’indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis des pou- voirs politiques. Il suppose aussi des lois connues, publiques, appliquées par les forces publiques (police et tribunaux particulièrement) y compris à l’endroit d’elles-mêmes. (http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1493)

On le voit, l’État de droit est donc une modalité d’organisation politique basée sur les normes juridiques. En d’autres termes, il s’agit ici d’organiser le règlement des différends, des désaccords, des conflits qui surviennent entre les membres d’un groupe social, la sanc- tion et la réparation des dommages causés aux personnes et aux biens, sur la base de règles juridiques qui valent pour tous. L’État de droit s’oppose à d’autres formes d’organisation ou à l’absence de toute organisation : l’arbitraire lié au règne du plus fort (qui impose sa loi ou sa force) ; la loi du talion (« Œil pour œil, dent pour dent ») ; l’État de police où l’autorité administrative est toute puissante. Notons que la loi du talion peut être considérée comme un premier pas fait pour limiter l’arbitraire, puisqu’elle constitue un principe général valable pour tous et introduit une idée de proportionnalité. Mais elle ne permet pas d’apaiser les rapports conflictuels, parce qu’elle laisse à la victime l’opportunité de régler elle-même ses comptes et d’enclencher de la sorte un cercle vicieux de représailles…

L’État de droit n’est dès lors pas une réalité statique, il s’agit d’un modèle de référence qui permet d’orienter les décisions concrètes lorsqu’il s’agit de régler les différends ou les con- flits liés à toute vie sociale.

Une importante précision doit être mentionnée ou rappelée. L’État de droit ne doit pas être confondu avec la démocratie. Nous avions déjà pointé cette nuance dans le syllabus, lors- qu’il était question, avec Xypas (2003) de distinguer les dimensions politique et juridique de la citoyenneté (voir page 37 du syllabus). L’équipe Perspective Monde de l’Université de Sherbrooke précise ce qui suit.

Globalement, un État de droit n’est pas nécessairement démocratique mais tout État démocratique est un État de droit. L’État de droit apparaît ainsi comme une première étape dans la formation d’un État démocratique. Le philosophe Claude Lefort écrivait : « L’État de droit a toujours impliqué la possibilité d’une opposition au pouvoir, fondée sur le droit – opposition qu’ont illustrée les remontrances au roi ou le refus d’obtempérer à l’impôt dans des circonstances injustifiables, voire le recours à

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l’insurrection contre un gouvernement illégitime. Mais l’État démocratique excède les limites traditionnellement assignées à l’État de droit. Il fait l’épreuve des droits qui ne lui sont pas déjà incorporés, il est le théâtre d’une contestation, dont l’objet ne se ré- duit pas à la conservation d’un pacte tacitement établi, mais qui se forme depuis des foyers que le pouvoir ne peut entièrement maîtriser » (dans Droits de l’homme et poli- tique, L’invention démocratique, 1979).

http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMDictionnaire?iddictionnaire=1493

Dans le document Questions complémentaires de sociologie (Page 124-127)