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De la maîtrise à la démaîtrise : puissance du Vivant

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 89-120)

DE LA CONNAISSANCE À LA MAÎTRISE DU VIVANT : PROMESSES DE LA GÉNÉTIQUE ?

III. De la maîtrise à la démaîtrise : puissance du Vivant

Une volonté de maîtrise intrinsèque à l’homme, associée à une technique qui semble augmenter nos capacités d’agir sur la vie dans sa qualité comme dans sa temporalité… la génétique offre bien une révolution du savoir et une révolution de la médecine. Cette révolution se situe peut-être davantage dans la représentation que la société se fait de la génétique que dans ses réelles capacités actuelles de prédiction et d’intervention sur les gènes. Nous l’avons vu dans les chapitres précédents, la génétique a modifié certains de nos rapports à la vie et au temps, comme certains de nos rapports à la médecine. NBIC, thérapie génique, tests prédictifs, diagnostics prénataux et préimplantatoires, la maîtrise de notre présent et futur semble à notre portée. La capacité de choisir de nous doter d’un patrimoine génétique plus performant semble à portée de main. Mais cette médecine moderne technoscientifique est aussi une médecine en difficulté, en crise, régulièrement en proie aux critiques, voire considérée comme inhumaine par les patients et les professionnels de santé. Plusieurs questions se posent alors. Une médecine peut-elle être scientifique et humaine ? Quid des incertitudes et des erreurs inhérentes à toute pratique humaine ? Que nous en dit le vivant lui-même ?

Selon le paradoxe dit de Tocqueville, plus une situation s’améliore, plus l’écart avec la condition idéale paraît insupportable. Naît alors l’impatience d’accéder au but recherché, nous l’avons vu, mais peut-être également la perception que cet idéal ne pourra être atteint ; plus on comprend, plus le but que l’on s’était imaginé, que l’on avait désiré, s’éloigne. La progression des connaissances ne semble pas toujours entraîner un recul de l’ignorance. De la maîtrise à la démaîtrise, le mystère s’invite et dialogue avec l’utopie de la prédiction et l’idéologie de la santé parfaite projetées sur la génétique.

Une médecine scientifique peut-elle être humaine ?

La médecine à l’heure de l’avènement de la génétique et du règne des nombres et des statistiques peut-elle restée humaine, peut-elle continuer à être relation ? Si l’imagerie, les tests génétiques, les tests sanguins parlent d’eux-mêmes, a-t-on encore besoin de parler au patient ? La médecine moderne et scientifique se réduirait à une science de guérir.

La médecine : une science de guérir ?

Je laisse ici quelques instants la parole à Dominique Folscheid117 :

« Est-ce à dire que la médecine aurait dû rester ignorante et inefficace pour sauver son âme ? Sûrement pas. Simplement, elle a sauté trop vite et trop loin dans un univers qui lui était étranger et qu’elle n’a pas su ou pas pu réaménager selon ses exigences propres. Bref, elle s’est laissée phagocyter.

Georges Canguilhem nous l’explique fort bien. En 1878, année décisive, Pasteur faisait sa célèbre communication à l’Académie des sciences et Robert Koch publiait l’ouvrage dans lequel il démontrait la causalité spécifique des micro-organismes dans les infections : les ‘‘microbes’’ découverts par Charles Sédillot (Canguilhem 1994 : 392). Conséquence immédiate, précise Canguilhem, ‘‘le terme rationalisme surgissait alors de toutes parts pour caractériser cette médecine de l’avenir’’. Claude Bernard pouvait triompher, qui déclarait dans un texte de 1860 : ‘‘La médecine est l’art de guérir mais il faut en faire la science de guérir. L’art c’est l’empirisme de guérir. La science c’est le rationalisme de guérir’’ (Canguilhem 1994 : 394).

Confusion regrettable, lui reproche Canguilhem. Pour s’exprimer correctement, Bernard aurait dû se contenter de médecine ‘‘rationnelle’’, le rationalisme étant un terme spécifique de l’histoire de la philosophie. Mais

117 FolscheidD., « Médicalité unique, rationalité multiple », in Le pluralisme médical en Afrique - Colloque international de Yaoundé (3-5 février 2010). Hommage à ÉricdeRosny, dir. L. Lado, Khartala, 2012, pp. 395-418.

c’est avec Husserl que l’on mesure mieux l’étendue du désastre. Dans sa conférence de Vienne de 1935, il écrit ceci : ‘‘Partons d’un fait bien connu : la différence entre la médecine, prise au niveau des sciences de la nature, et ce qu’on appelle l’art naturel de guérir’’118. »

Considérer la médecine comme la science de guérir ou encore le rationalisme de guérir dès le XIXe siècle rend compte de cette soif de connaissance jusqu’à devenir « maîtres et possesseurs ». De même, nous comprenons alors aisément le passage de care à cure, l’insatisfaction des médecins quand ils ont le sentiment de ne plus rien pouvoir réaliser ou proposer pour une personne au niveau thérapeutique (quand l’amour, l’accompagnement, l’écoute et le soulagement des souffrances devraient pourtant être synonymes des soins indispensables qu’ils peuvent et doivent prodiguer), ou encore l’apparition de l’expression « droit à la santé », comme l’exprimait Jean Dausset.

La vie réduite à la molécule d’ADN ?

La génétique donne accès à nos gènes, à cette matière moléculaire qu’est l’ADN et qui détermine pour une grande part la vie. Elle s’associe à d’autres technologies permettant d’agir à l’échelle de l’atome. La science et la technique font par la génétique et ces autres technologies une entrée encore plus tonitruante dans la médecine que les techniques passées.

Révolution médicale par l’essor des NBIC et de la génétique en particulier : oui, mais pas forcément dans le sens que nous attendons ! Nous aimons à penser que la génétique rendra peut-être plus médicale la médecine. Par ses révélations, par ce qu’elle montre dans ses limites, par ce qu’elle montre de la puissance du vivant, après les phases d’euphorie et de fantasmes, la génétique remise à sa juste place permettra, nous l’espérons, au rationnel de reprendre le pas ; et les médecins, plus savants, pourront définitivement redécouvrir la personne à soigner et à accompagner au-delà de son génome.

118 Idem, p. 402.

« Les substructures naturelles de l’être humain ne commandent en effet que pour partie ses conditions d’existence. Or si nous ne sommes pas sans gènes, nous ne sommes pas nos gènes. De toute façon, il ne s’agit pas d’une programmation puisqu’il faut encore compter avec leur expression.

Néanmoins, c’est bien par leur truchement que la médecine se fait biologiste, s’éloignant le plus de l’être humain pris dans son existence temporelle pour rallier le cadre du laboratoire, dans lequel tout est réduit à l’espace. Que se passe-t-il en effet quand on procède à un diagnostic génétique ? On fait l’impasse sur ce que le sujet fera de son existence, donc sur sa destinée, pour lui présenter l’addition noir sur blanc, donc de réduire sa destinée à un destin génétique. Incertains au point de vue médical, les bénéfices que l’on pourra tirer de pareille approche sont en revanche évidents au niveau extra-médical.

En clair, c’est sur un eugénisme négatif — un kakogénisme — que l’on va inévitablement déboucher. L’éradication des handicaps par suppression de leurs porteurs, qui va aujourd’hui bon train, en est la preuve119. »

Le risque d’une médecine scientifique ou génétique, d’une médecine qualifiée par une science ou une technique en définitive, est de réduire la vie à de la matière, la personne à un objet avec des fonctionnalités, une destinée à un destin génétique.

Pourtant, par les variabilités d’expression des gènes et des mutations, par l’influence des gènes entre eux, par l’épigénétique, par les mutations de novo, nous voyons bien que les concepts de destin génétique comme de médecine prédictive ne sont pas opératoires. Le risque comme l’énonce Dominique Folscheid est un eugénisme négatif amplifié. Le bienfait, outre les avancées thérapeutiques envisageables par une meilleure compréhension des mécanismes conduisant à une pathologie, serait la prise de conscience des limites de la science génétique pour redécouvrir la puissance du vivant, de la personne humaine, qui ne se réduit pas à ses gènes et se révèle capable de déjouer toute statistique. La loi vaut pour l’ensemble, pas pour l’individu.

Bien sûr, il existe certaines mutations génétiques qui, par une pénétrance totale, donnent une prédiction réelle sur notre avenir. Pensons, par exemple, à la maladie de Huntington. Nous pourrons dans un développement ultérieur nous

119 Ibid., p. 408.

interroger sur l’intérêt de se savoir porteur ou non (chapitre II). La personne porteuse de la mutation impliquant l’expression de cette maladie neurodégénérative incurable à l’âge de 40 ans environ se réduit-elle pour autant à ce destin génétique ? Une médecine rationaliste ne nous conduirait-elle pas à éviter les naissances des embryons porteurs de cette mutation ?

Le diagnostic génétique semble ici rompre avec l’incertitude du jour et lieu de notre mort, incertitude qui est la condition même de notre capacité à nous projeter, à exprimer notre liberté, à vivre en somme. On imagine l’importance d’une telle levée de voile pour certains acteurs sociaux et économiques. L’incertitude et la démaîtrise, dimensions si caractéristiques de toute vie, semblent alors essentielles à l’existence humaine, à notre liberté. Mal interprété, le diagnostic génétique risque de passer sous silence la beauté et la valeur de toutes les expériences humaines susceptibles d’être vécues.

Incertitude et erreur ne seraient pas scientifiques ?

La médecine, confrontée par nature à de nombreuses hypothèses et donc incertitudes, est face à une société qui les refuse de plus en plus. L’erreur est quant à elle de plus en plus insupportable au regard de l’étendue des connaissances et des capacités d’action. Il n’est alors pas étonnant que l’on veuille s’adonner aux pseudo-certitudes que nous donnent les probabilités. Démultiplication des tests génétiques et accès au génome entier, la génétique sonnerait-elle pour une large part la fin des incertitudes et des erreurs en médecine ?

Incertitude, erreur : aux fondements de la recherche scientifique

Faisons un instant un détour par la place de l’erreur dans notre société et en particulier dans le domaine de la recherche médicale comme dans la médecine.

L’erreur se définit comme un acte de l’esprit qui tient pour vrai ce qui est faux ou inversement, faire une erreur de jugement, de raisonnement. L’homme est reconnu pour être sujet à l’erreur : errare humanum est. L’erreur peut aussi être perçue comme un aveuglement ou même un préjugé. Elle peut être également l’effet de la négligence ou de l’inadvertance.

L’erreur renvoie assez rapidement à la notion d’échec, revers éprouvé par quelqu’un qui voit ses calculs déjoués ou ses espérances trompées. Il est important de distinguer dès à présent les actes accomplis par ignorance ou manque d’information, dont on n’est pas responsable, des actes accomplis dans l’ignorance pour lesquels on est responsable de l’absence d’information. Aristote employait le sentiment de remords afin de distinguer ces deux attitudes. L’erreur, l’échec, l’insuccès n’est en effet moralement acceptable que si le sujet est de bonne foi. Mais ce principe de bonne foi suffit-il à rendre acceptable l’erreur par la communauté scientifique actuelle, dans la société actuelle ?

Définissons ce qu’est la recherche et tentons d’observer si cette définition correspond à ce qu’on lui demande d’être aujourd’hui. La recherche peut se définir comme l’action de chercher, l’effort pour trouver quelque chose, pour découvrir ou pour innover. Effort de l’esprit pour trouver une connaissance ou une vérité, ou

travaux réalisés pour trouver des connaissances nouvelles. Elle peut être considérée comme une interrogation, une remise en question des savoirs pour en formuler d’autres. Elle est ainsi une démarche évolutive. La question peut revenir à savoir si la recherche, en tant que démarche évolutive, peut, aujourd’hui, s’autoriser des erreurs ?

Si l’on admet que la recherche est un acte de remise en question, cela revient nécessairement à admettre que l’on a pu tenir pour vraies des notions fausses, ou qui ne sont vraies que dans un contexte particulier ou avec les moyens d’investigation et de mesure qui existaient alors. Il y a ainsi, en principe, acceptation du fait qu’on ne peut être certain de tout ce qui nous est donné comme

« connaissance », qu’il y a pu avoir des erreurs de jugement, de raisonnement. La génétique n’échappe pas à cette configuration à l’heure où tout ce qui est déchiffré n’est pas encore interprété. Lors de l’annonce d’un résultat négatif à un test génétique, les médecins généticiens précisent que ce sont des résultats conformes à l’état actuel des connaissances.

Essayons alors d’analyser les différentes étapes de la démarche scientifique afin de comprendre comment des erreurs pourraient survenir : la recherche veut aboutir à la science, mais qu’entendons-nous par science ? Qu’étudie-t-elle et par quels moyens ?

La science est une connaissance, elle est une opération de compréhension purement intellectuelle. La science, en outre, se veut objective ou à tout le moins tend à l’objectivité. En effet, elle repose sur des énoncés (des lois), des systèmes d’énoncés (des théories), devant toujours répondre à une double exigence, à un double système de critères : le critère de validité (cohérence logique interne) et le critère de vérité (mesure de l’adéquation entre l’énoncé et les faits). La règle de l’objectivité ajoutée à ces deux critères permet d’obtenir la reconnaissance de la communauté scientifique puis, dans un second temps, celle de la société civile.

Existe-t-il des sciences purement objectives ? Ne reste-t-il jamais des zones de subjectivité ?

Par ailleurs, nous pouvons dire que la science étudie des phénomènes dont elle cherche à établir les relations nécessaires et universelles entre eux. Il convient

de distinguer ici la relation de cause à effet d’une part, de la corrélation statistique utilisée d’autre part, notamment pour les tests génétiques dits « prédictifs ». Une réelle relation de cause à effet signifie que le phénomène ne peut pas ne pas apparaître lorsque les conditions de son apparition sont réunies. Et cette relation ainsi établie devient une loi. Enfin, la science, dégageant des lois universelles, autorise la prévision qui ne doit pas être confondue avec la prédiction.

Ainsi, la science peut s’entendre comme la somme de principes, une ou plusieurs méthodes et des conclusions. La science est non seulement fondée sur la théorie, mais également sur l’expérimentation, c’est-à-dire sur la mise en doute de l’hypothèse et de sa vérification. Pour Popper, la démarche scientifique authentique doit tenter de « réfuter » les hypothèses émises120.

Pour atteindre la science, définie comme le savoir, le chercheur doit formuler des hypothèses qu’il va chercher à vérifier grâce aux moyens mis à sa disposition.

Il s’agit de poser une hypothèse puis d’établir un protocole d’expériences qui donnera des données positives (qui confirment l’hypothèse) et/ou des données négatives (qui l’infirment). Ainsi décrite, la recherche peut s’apparenter à la réflexion et aux actions avec les moyens mis à sa disposition du médecin qui tente d’établir un diagnostic.

Un modèle ainsi défini s’apparente au modèle hypothético-déductif que décrit Descartes. Est-il toujours d’actualité avec l’essor de la génétique et du séquençage du génome à très haut débit ? Si oui, pour combien de temps encore ? Nous verrons à ce titre la distinction indispensable à faire entre différents types de tests génétiques dans le chapitre suivant.

La société et le « tout scientifique »

L’accumulation spectaculaire des connaissances a entraîné de nombreuses améliorations de la santé, de notre condition de vie, mais elle nous rend aussi toujours plus exigeants. La société supporte de moins en moins l’errance, les

120 PopperK.,Conjectures et réfutations, la croissance du savoir scientifique, Paris, Payot, [1963]

2006.

errements, les « je ne sais pas », les doutes, les erreurs, les risques. L’incertitude semble ne plus avoir sa place. Tout « doit » être mesurable, traitable. On passe à un modèle statistico-inductif.

Aujourd’hui, la science est omniprésente, sollicitée sur tous les sujets ou presque de la société : le « tout scientifique », « tout ce qui n’est pas scientifique, n’est pas éthique » (Jean Bernard). La recherche doit progresser, doit accroître les connaissances, toujours plus vite.

Par l’augmentation du financement par les groupes privés, la science est de plus en plus finalisée ; il s’agit d’être « maîtres et possesseurs de la nature » au sens propre : mieux comprendre la nature pour la posséder. Le chercheur doit trouver, et si possible trouver quelque chose de spectaculaire, la concurrence étant permanente dans les esprits et à tous les niveaux, politique, industriel, national, international, etc.

Les erreurs font perdre du temps or, le temps est de l’argent. Les chercheurs ont l’obligation de publier dans les meilleures revues. Ces dernières ne publient pas les données contradictoires, ne publient pas les erreurs, les échecs. Illustrons notre propos par l’article « One in three scientists confesses to have sinned » de Meredith Wadman, paru dans Nature le 9 juin 2005. Il nous livrait les résultats d’une enquête sur l’intégrité des chercheurs quant à la publication des résultats de leurs recherches.

Un chercheur sur trois aux États-Unis déclarait avoir déjà falsifié, plagié, repris des résultats. La tension est donc considérable pour le chercheur qui se retrouve juge et partie des résultats qu’il produit. L’objectivité et l’intégrité sont-elles envisageables dans un tel contexte ? En ne publiant que ce qui réussit, le système de publication ne joue-t-il pas le rôle de filtre « positiviste » ? Interrogations que formulait Jean-Claude Ameisen121. Interrogations que l’on peut également adresser aux médias de masse. Les règles de publications des essais thérapeutiques instaurant le partage des données pourraient être un exemple à suivre, à moins de considérer, que sauf en recherche médicale, où elle est parfois question de vie ou de mort, l’intégrité des résultats scientifiques n’a qu’une valeur relative.

121 Ameisen J.-C., « Avenir de la Recherche : enjeux éthiques ? », in La responsabilité scientifique dans une ère nouvelle, Cahier du Murs, 1er semestre 2005, p. 86.

La science étant omniprésente, confrontée à de plus en plus d’obligations de résultat — face à une multiplicité d’acteurs aux intérêts divergents — et à de plus en plus d’accusations quand elle se trompe, la tentation de l’inaction et de l’immobilisme est grande, sous-tendue par le principe de précaution. On n’accepte que la maîtrise.

Le modèle statistico-inductif se retrouve partout. Le normativisme effréné prévaut selon Dominique Foscheid.

« Or quelles sont ces normes sur lesquelles tous les patients doivent impérativement s’aligner ? Des moyennes. L’homme moyen de Quételet est ainsi devenu la référence omniprésente […] Les QALY’s établissent des scores chiffrés pour évaluer la balance entre coûts et bénéfices d’une action à entreprendre ou pas. On vise alors un traitement, mais plus largement la valeur d’une vie : faut-il soigner ou pas ? Les règles destinées à évaluer la douleur (de type EVA) souffrent des mêmes vices, car dans ce registre, tout est subjectif et relatif. Or les médecins actuels, hantés par les incertitudes multiformes de leur pratique, mais formatés aux sciences dures pendant leurs études, ont un appétit féroce pour tout ce qui leur paraît ressembler à un filet de sécurité. L’Evidence based medecine (EBM) remplit cette fonction à merveille. Elle fournit des banques de données permettant d’évaluer a priori, chiffres à l’appui, niveau de certitude bien classé, n’importe quelle situation.

Or jamais une probabilité quelconque ne permettra de juger que dans tel cas singulier, c’est telle décision qui est la bonne. Dans la réalité, c’est toujours 1 ou 0, “ça passe ou ça casse”122. »

Nous observons bien l’avènement rassurant du règne des nombres et des statistiques par un refus croissant des incertitudes et erreurs dans le domaine de la santé. La démultiplication des tests génétiques en est la preuve et pour partie le moteur. Ils ne sont pourtant pas tous prédictifs au sens strict, mais se contentent d’indiquer la plupart du temps un risque augmenté d’exprimer une maladie. Quelles

122 FolscheidD., « Médicalité unique, rationalité multiple », art. préc., p. 409.

règles pour l’action génétique dans cet incertain qui, bien que rejeté par la plupart

règles pour l’action génétique dans cet incertain qui, bien que rejeté par la plupart

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