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Chapitre premier – La conception du compoix : le cadre juridique et technique

2. Les « hommes du cadastre »

2.3. Le métier d’arpenteur

On sait peu de choses des arpenteurs et des techniques d’arpentage à l’époque moderne, non seulement parce que les actes de la pratique accordent peu de place à leur travail proprement dit (ce n’est pas leur objet), mais aussi parce que la recherche s’en est longtemps désintéressée. Des travaux récents ont progressivement fait découvrir ce personnel et son activité, surtout pour les périodes antique et médiévale.

L’arpentage comprend plusieurs actions différentes : borner les terres et délimiter les biens, mesurer les surfaces, évaluer les superficies, voire découper une étendue et la lotir en parcelles. Les recueils de législation et les dictionnaires de jurisprudence de la fin du XVIIIe siècle donnent

quelques éléments de définition sur les arpenteurs de l’époque moderne. D’après Denisart, « l’arpentage est l’art de mesurer les terreins, c’est-à-dire de prendre les dimensions de quelques portions de terre, d’en lever un plan et d’en trouver l’aire » et l’arpenteur est « celui qui mesure, ou dont l’état est de mesurer les terreins, et de les évaluer par arpens »206 ; pour l’Encyclopédie

méthodique éditée par Panckoucke, « l’arpentage est l’art ou l’action de mesurer les terres ;

l’arpenteur est celui dont l’office est de faire les arpentages »207.

Les Cavanac de Montesquieu-Volvestre correspondent bien à ces définitions : il arrive qu’ils interviennent lors d’une mutation foncière pour arpenter le bien en jeu. De nombreux actes attestent le fait que la superficie des terres vendues n’est pas toujours bien connue : le vendeur et l’acheteur se mettent alors d’accord pour la faire mesurer et planter de nouvelles bornes. C’est ce qui se produit à la fin de l’année 1654 dans une transaction entre un nommé Ladevèze et Arnaud Pons au sujet de la vente d’une pièce de bois et terre inculte à Montesquieu : la quittance du 31 décembre attestant du paiement de la somme de 83 lt 5 s mentionne le fait que le bien en question « a été arpenté du depuis (la signature de l’acte de vente) et mis bornes et limites par les parties »208. C’est à Dominique Cavanac que Simon Naudy et Jean Macary, l’un laboureur, l’autre

vigneron, font appel en juin 1666 pour déterminer la contenance d’une pièce de terre labourable sise à Montesquieu que le premier vend au second209.

206 Jean-Baptiste Denisart, Collection de décisions nouvelles et de notions relatives à la jurisprudence actuelle, Paris, t. I, art. « Arpentage, arpenteur », p. 154.

207 Encyclopédie méthodique : Jurisprudence dédiée et présentée à Monseigneur Hue de Miromesnil, Garde des Sceaux de France,

etc., éditée par Charles-Joseph Panckoucke, Paris, 1782, t. I, p. 456.

208 ADHG, 3 E 15447, Quittance pour Ladevèze contre Arnaud Pons, 31 décembre 1654.

209 ADHG, 3 E 15459, Achat pour Macary contre Naudy, 15 juin 1666. Même mention de l’intervention de l’arpenteur dans un acte de vente du 8 avril 1674 entre Antoine Laborde et Jean Louis Lafailhe pour un pré au lieu- dit de Lugrou à Montesquieu (ADHG, 3 E 15464).

On a vu que les communautés font appel à des arpenteurs, et notamment aux Cavanac, lors de la réfection de leurs cadastres pour effectuer la mesure des biens estimés par d’autres ; il arrive assez souvent qu’ils soient également sollicités pour faire la mise au net, surtout dans de petites communautés qui ne peuvent pas forcément rémunérer en plus un notaire. Dans le prolongement de cette activité de « service public », ils sont utilisés par le pouvoir royal : en août 1711, Arnaud Cavanac, arpenteur juré de la ville de Montesquieu, fait partie avec le notaire Alexis Biros et un bourgeois de Rieux, André Barthe, du groupe d’experts nommé par les commissaires ordinaires du diocèse « pour procéder à l’estimation, allivrement et arpentement des biens nobles, faute par les maire et consuls dudit diocèse de Languedoc d’avoir satisfait à la première ordonnance rendue par l’intendant le 29 avril précédent sur le même sujet »210.

On fait enfin appel aux Cavanac en justice, pour arpenter un bien qui est l’enjeu d’un contentieux : lorsqu’en 1660, un marchand de Montesquieu, Pierre Gaubaing – qui fut le curateur d’Yzabeau Cavanac, sœur cadette de Dominique –, se plaint devant le juge de Rieux que sa maison est surchargée de taille, c’est Dominique Cavanac qui est commis à l’arpentage de celle- ci211. De même, l’arpenteur est sollicité comme expert en justice dans le cas de contestation sur

des actes de vente : le 14 juillet 1663, Bernard Dubuc et Jeanne Manaud passent un acte d’accord devant le notaire Jean Poytou pour clore le procès qui les opposait sur le délaissement d’une pièce de terre que Manaud avait vendu à Dubuc à Montesquieu « avec clause expresse qu’en cas ladite pièce de terre contiendrait moins de neuf sesterées six mesures, lesdits Bourgaus lui diminueraient du prix convenu à quarante livres la sesterée comme aussi en cas il y en aurait davantage que de neuf sesterées six mesures, ledit Dubuc leur payerait le surplus au susdit prix »212. Dominique

Cavanac est nommé dans cet acte pour déterminer la contenance précise de la pièce de terre, en présence des parties : il rend sa relation le jour même, qu’il signe de sa main, et par laquelle il établit que la pièce de terre en question ne mesure que neuf séterées, permettant à Bernard Dubuc d’obtenir une diminution de prix de 30 livres. La fonction d’expert en justice pouvait faire glisser la mission de l’arpenteur de la mesure d’un terrain, comme le montrent les cas précédents, vers l’estimation de sa valeur : on le voit clairement dans les relations d’experts rendues par Jean Pierre Lacoste et Pierre Cavanac à la fin du XVIIIe siècle. Il est possible de trouver des cas bien

antérieurs d’implication d’un arpenteur dans une relation d’experts : en 1665, lors de l’estimation

210 AN, H1 748267*, Registre du dixième des biens nobles du diocèse de Rieux, 1711.

211 ADHG, 2 E 1357, Délibération du 22 août 1660 : « Suivant l’appointement de Me le Juge de Rieux, Dominique Cavanac, agrimanseur, a arpenté la maison de Pierre Gaubaing ; sur quoi a été délibéré que les sieurs consuls lèveront la relation pour voir combien de florins fait ladite maison et que néanmoins on demandera en justice que ledit Cavanac prêtera le serment plus tôt que faire ladite relation ».

d’une pièce de terre et vigne située à la Rivière de Thouars, les deux experts ne parvenant pas à s’accorder font appel à un tiers qui n’est autre que Dominique Cavanac213.

Ces quelques éléments réunis sur la pratique des Cavanac montrent que leurs compétences techniques leur permettent d’intervenir dans des domaines variés, mais il est difficile de préciser quels sont exactement leur statut et leurs compétences techniques. Dominique Cavanac, dans les certificats qu’il signe en tête de ses cadastres comme dans les délibérations consulaires et dans le compoix de 1662 de Montesquieu-Volvestre, est qualifié de « maître agrimenseur »214 ; on trouve

aussi l’expression d’« arpenteur juré » et « arpenteur royal », surtout au XVIIIe siècle. Ces intitulés

témoignent de l’appartenance des Cavanac à un corps d’officiers semi-publics, sans qu’on puisse en apporter plus de preuves. L’appellation d’arpenteur juré qu’adoptent Arnaud Cavanac et ses successeurs atteste du fait qu’ils sont assermentés devant l’autorité judiciaire qui les a créés et dans le ressort de laquelle ils exercent.

Les traces les plus visibles de l’activité des Cavanac de Montesquieu les rattachent à la tradition des arpenteurs professionnels dont l’apparition est liée au développement des villes et des villes neuves, avec le besoin accru de mesurer les parcelles des agglomérations et de tracer des lotissements, urbains comme agraires215. L’essor de ce métier traduit assurément un contrôle de

plus en plus précis de l’espace rural, par l’intermédiaire du monde urbain216. Le titre de « maître »

accompagne le nom du détenteur de cette fonction qui renaît de ses cendres au XIIIe siècle217 et

213 ADHG, 3 E 15458, Relation pour Maury et Boureilh, 18 février 1665.

214 Dans le Midi de la France, des agrimensores, terme de tradition antique, sont cités à partir de 1225 et apparaissent ensuite régulièrement, jusqu’au XVIIe siècle au moins ; le terme d’arpenteur devient dominant par la suite : il est originaire de la région parisienne (XIVe siècle), où l’on compte en arpents.

215 Dans un article de synthèse sur les bastides, Charles Higounet rappelle qu’au moment de leurs fondations, « des officiers et même des arpenteurs professionnels intervenaient pour tracer le plan du village. On connaît le nom d’un notaire d’Agen, Pons Maynard, qui fut chargé en 1255 de dessiner Montréal ; un certain maître Gérard de Turri est désigné à Baâ en 1287 ad ordinadum bastidam ; à Libourne, des prud’hommes compétents ont ‘ordonné et arayé la novele vile’ » (Charles Higounet, « Pour l’histoire de l’occupation du sol et du peuplement de la France du Sud- Ouest, du XIe au XIVe siècle », Paysages et villages neufs du Moyen Âge, Recueil d’articles, Bordeaux, 1975, p. 392).

216 C’est la thèse de Jean-Loup Abbé, qui signale par exemple l’intervention d’arpenteurs pour délimiter des juridictions et des propriétés près de Narbonne, à l’embouchure de l’Aude, en 1281, et dans les étangs littoraux de Maguelone en 1301 (Jean-Loup Abbé, À la conquête des étangs. L’aménagement de l’espace dans le Languedoc méditerranéen

(XIIe-XVe siècles), Toulouse, 2006, p. 145-146).

217 La disparition, dans les actes de la fin du XIe siècle, de l’indication de la mesure des côtés des parcelles au profit des unités agraires fondées sur l’ensemencement, est un phénomène assez général dans le Midi, observé en bas Languedoc (Monique Bourin, « Délimitation des parcelles et perception de l’espace en bas Languedoc aux Xe et XIe siècles », in Mornet E. éd., Campagnes médiévales : l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, PUPS, 1995, p. 73-85) et en Toulousain (Aline Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc (XIe-XIIe siècles), Toulouse, PUM,

1998, p. 154-175). Il faut en déduire l’absence jusqu’au milieu du XIIIe siècle dans les actes de la pratique du mesurage des parcelles au profit du seul bornage (cf l’analyse critique menée par Mireille Mousnier des verbes pelzire,

esdegare et limitare mentionnés dans les cartulaires de Lézat et de Berdoues). La fréquence de l’indication des confronts

dans les actes portant sur des biens-fonds plaide dans le même sens. La pratique du mesurage semble donc réapparaître et se développer au milieu du XIIIe siècle, c’est-à-dire au moment où s’opèrent le regroupement des hommes (congregatio hominum) dans le cadre des bourgs et la division normée de l’espace, qui l’accompagne ; ce passage du bornage des biens-fonds à l’arpentage des parcelles se double d’un changement profond des acteurs et des techniques (Cédric Lavigne, « Assigner et fiscaliser les terres au Moyen Âge. Trois exemples », Études rurales, 2005, p. 81-108).

qui s’institutionnalise rapidement. Cédric Lavigne distingue, à cette époque, deux groupes d’arpenteurs : les arpenteurs communaux d’une part, qui sont nommés par l’autorité seigneuriale et/ou municipale et sont investis d’une véritable charge publique, comme le stipule par exemple la charte de Merville (1307) : « la dimension banale est patente puisqu’il s’agit de contrôler la mesure en contrôlant celui qui mesure… Ils œuvrent aussi pour les particuliers et ils ont capacité à opérer au-delà du territoire quand ils sont sollicités par un de ses habitants »218. Les arpenteurs

royaux, d’autre part, exercent au sein de l’administration royale, constituant tout un corps de techniciens autour du sénéchal de Toulouse, représentant local du roi de France et administrateur de son domaine. La personnalité originale de Bertrand Boysset (vers 1355/1358-vers 1416), arpenteur arlésien auteur de deux traités techniques219, se rattacherait au premier groupe : « ses

manuscrits révèlent que son activité se partageait entre des missions, que l’on qualifierait aujourd’hui ‘de service public’ (réforme des mesures de la ville, etc.) et des prestations privées »220.

Le cadre seigneurial ou municipal dans lequel l’activité des arpenteurs se développe au Moyen Âge221 ne résiste pas à l’entreprise de monopolisation de ces fonctions par le pouvoir royal dans la

seconde moitié du XVIe siècle, qui accompagne le travail juridique de redéfinition du domaine

royal222. Ce processus commence par l’institutionnalisation du corps des arpenteurs en 1555 à

partir du noyau constitué par les arpenteurs des forêts royales : les lettres patentes du 24 mars 1555 établissent un grand arpenteur général ordinaire à titre d’office ; un édit de février 1554 (ancien style), qui vise à uniformiser l’administration forestière du royaume, avait créé, à côté des arpenteurs des maîtrises des eaux et forêts, six offices d’arpenteurs par bailliage (auxquels quatre autres s’ajoutent par un édit de juin 1575). C’est auprès du Grand Arpenteur désormais que les arpenteurs de bailliage doivent prendre leurs provisions d’offices ; ils peuvent porter le qualificatif de « royal » et sont pourvus de privilèges aussi recherchés que l’exemption de logement des gens

218 Mireille Mousnier, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », Histoire et Sociétés

rurales, 2004, p. 36.

219 Son œuvre a fait l’objet de nombreux travaux depuis l’édition de ses traités par Pierre Portet : Pierre Portet,

« Bertrand Boysset, arpenteur arlésien de la fin du Moyen Âge (vers 1355/1358-vers 1416) et ses traités techniques d’arpentage et de bornage », thèse de doctorat, 3 vol., Université de Toulouse-Le Mirail, 1995 ; Alain Guerreau, « Remarques sur l’arpentage selon Bertrand Boysset (Arles, vers 1400-1410) », in E. Mornet éd., Campagnes médiévales :

l’homme et son espace. Études offertes à Robert Fossier, Paris, PUPS, 1995, p. 87-102 ; Pierre Portet, « Arithmétique,

géométrie et arpentage au début du XVe siècle. L’arpenteur arlésien Bertrand Boysset et le calcul », Cahiers de

métrologie, 1996-1997, p. 47-74 ; Patrick Gautier-Dalché, « Bertrand Boysset et la science », Église et culture en France méridionale (XIIe-XVe siècle), Cahiers de Fanjeaux 35, 2000, p. 261-285.

220 Cédric Lavigne, « Assigner et fiscaliser les terres au Moyen Âge. Trois exemples », Études rurales, 2005, p. 101. 221 Dans les sources de la fin du XIIIe ou du début du XIVe siècle, en particulier dans les chartes de franchises dépouillées par Mireille Mousnier et Cédric Lavigne, les arpenteurs sont souvent au service d’une ville ou de l’administration royale. Ainsi, à Beaumont-de-Lomagne, terres et emplacement sont arpentés et assignés par deux arpenteurs de la sénéchaussée, Pierre Garin, notaire mesureur des terres du roi dans la sénéchaussée de Toulouse, et Pierre Bigore, mesureur communal de Toulouse (Mireille Mousnier, « Mesurer les terres au Moyen Âge. Le cas de la France méridionale », Histoire et Sociétés rurales, 2004, p. 35). Pierre Portet signale par ailleurs la mention d’un arpenteur juré des terres royales des sénéchaussées de Carcassonne et de Toulouse en activité à Saint-Sulpice la Pointe (Tarn) en 1313 (Bertrand Boysset, la vie et les œuvres techniques d’un arpenteur médiéval…, t. I, p. 217, n. 267).

de guerre, de collecte de la taille, de tutelle et curatelle. Ne limitant par leur activité au seul domaine royal, ils ont le pouvoir d’arpenter partout privativement. Surtout, ils sont considérés comme « juges référendaires et crus de leurs rapports » : les pièces qu’ils apportent contribuent aux instructions judiciaires et sont reçues comme absolument authentiques223. La réduction des

pouvoirs judiciaires seigneuriaux et municipaux est l’effet mécanique de l’affirmation du pouvoir royal, qui institue en juin 1575 un monopole régalien sur la profession d’arpenteur en défendant à tout seigneur de haute, moyenne et basse justice et à tout autre sujet de ne créer aucun office d’arpenteur.

Suspendue en 1676 au prétexte de prévarications, la charge de grand arpenteur disparaît en 1688 : l’arrêt du conseil du 2 juillet 1689 porte que les arpenteurs doivent désormais prendre leurs provisions d’office directement du roi. Après la suppression de tous les anciens offices d’arpenteurs en 1690 est aussitôt recréé un corps d’experts-priseurs et arpenteurs-jurés224, offices

héréditaires à côté desquels existent toujours les arpenteurs des maîtrises des eaux et forêts régis par l’ordonnance de 1669. Nouvelle volte-face en 1698 : les offices d’experts-priseurs et d’arpenteurs jurés sont supprimés en Languedoc225. Un édit de mai 1702 recrée des arpenteurs en

titre d’office au nombre de deux dans chaque bailliage ou juridiction royale et d’un pour chaque autre ville ou bourg du royaume226 : ils « sont communément appelés arpenteurs experts parce

qu’ils ont été unis aux jurés experts des bâtiments par différents édits »227 ; leurs vacations sont

fixées à 3 lt dans les lieux de leur résidence et 5 lt en dehors.

La progressive institutionnalisation de la fonction d’arpenteur n’empêche cependant pas, à l’époque moderne, que persiste une grande diversité dans les missions exercées. Certains arpenteurs annexent leur fonction à une autre, plus rémunératrice, comme celle de notaire, à l’exemple des Furgole à Castelferrus et des Ferran à Martres-Tolosane pour ne citer que des exemples haut-garonnais228. Même les arpenteurs attachés à une maîtrise des Eaux et Forêts dont

l’activité était plus strictement réglementée pouvaient en même temps opérer pour le compte des

223 Mireille Touzery, « Naissance et crépuscule de l’arpenteur-juré », 2000 ans d’arpentage. Le géomètre au fil du temps, Paris, 1999, p. 38-39. L’édit de décembre 1690 porte même que, lorsqu’il n’est question que de mesurage, les experts arpenteurs ne sont pas tenus de se servir du ministère d’un greffier de l’écritoire : ils peuvent eux-mêmes rédiger leurs procès-verbaux d’arpentage et rapport, et en délivrer des expéditions aux parties.

224 ADHG, 1 B 1141, Arrêt du Parlement de Toulouse portant enregistrement de l’édit créant, en titre d’offices, en toutes les villes où se trouve un siège de juridiction royale, des experts, priseurs et arpenteurs jurés, janvier 1691.

225 ADHG, 1 B 1206, Arrêts du Parlement de Toulouse portant suppression des offices d’experts, priseurs et arpenteurs jurés et des greffiers de l’écritoire en Languedoc, janvier 1698.

226 ADHG, 1 B 1888, Arrêt du Parlement de Toulouse portant enregistrement de l’édit créant des offices d’arpenteurs et mesureurs de terres, 27 juin 1702, fol. 23.

227 Encyclopédie méthodique : Jurisprudence dédiée et présentée à Monseigneur Hue de Miromesnil, Garde des Sceaux de France,

etc., éditée par Charles-Joseph Panckoucke, Paris, 1782, t. I, p. 457.

228 Benjamin Faucher, Archives départementales de la Haute-Garonne. État civil et documents cadastraux. Répertoire numérique

des sous-séries IV E et V E et des documents analogues conservés aux archives communales, Toulouse, imprimerie et librairie

communautés, comme Durand Pron-Raby et Pierre Sirven, arpenteurs à la maîtrise de Comminges qui réalisent en 1671 le cadastre de Mauran à la requête du commissaire chargé du renouvellement du papier terrier en Languedoc229.

Les actes de la pratique sont de peu de secours pour connaître les méthodes d’arpentage : « s’ils indiquent volontiers les superficies, ils ne montrent pas l’action de mesurer »230. On verra

que les mentions des outils de l’arpenteur sont extrêmement rares. Lorsqu’il est question, dans un acte de vente par exemple, de planter des bornes pour délimiter une terre ou d’en refaire l’arpentage pour vérifier la validité de la superficie portée sur l’acte, il n’est jamais fait allusion au travail de l’arpenteur proprement dit. Certes, la jurisprudence nous apprend comment étaient posés les « témoins en fait d’arpentage et de bornes », ces petites tuiles, pierres plates ou autres marques que l’arpenteur faisait mettre sous les bornes « pour montrer que ces bornes sont des pierres posées de la main d’homme et pour servir de bornes. Quand on doute du fait qu’une pierre soit ou non une borne, on ordonne souvent qu’elle soit levée pour voir s’il y a dessous des témoins qui marquent que ce soit effectivement une borne »231. Mais quels instruments

l’arpenteur utilisait-il ? Quels savoirs mobilisait-il ?

Cédric Lavigne note avec raison que « la recherche sur l’arpentage médiéval [et moderne] achoppe depuis toujours sur la question de la formation des praticiens. On sait que la principale victime de l’étroitesse des programmes scolaires et universitaires au Moyen Âge était la culture scientifique et technique : l’enseignement des disciplines du quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie) y était peu développé »232. Un genre nouveau, dit de géométrie pratique,

émerge au début du XIIe siècle, mais Pierre Portet a montré qu’il était coupé de toute visée