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Chapitre II. – Les critères d’inscription au compo

1. La bataille des biens nobles

1.2. La confection du cahier des biens prétendus nobles

Face à l’acharnement que les religieuses des Salenques et certaines familles nobles mettent à défendre la nobilité de leurs biens, il convient d’éclaircir quel enjeu fiscal représentent les biens nobles à Montesquieu pour chacune des parties.

L’adjonction d’un cahier des biens nobles au cadastre d’une communauté est assez peu répandue jusqu’à la fin du XVIIe siècle, bien qu’elle soit prévue par la jurisprudence de la Cour

des aides de Montpellier348. Déjà mentionné par l’arrêt de permission de réfection du compoix

rendu par la Cour des aides en faveur de Montesquieu-Volvestre, le cahier des biens nobles n’est explicitement évoqué dans les délibérations consulaires que tardivement, en juin 1662 : le livre terrier est achevé mais le conflit sur les biens nobles n’est pas réglé, et la rédaction d’une liste « des biens prétendus nobles » doit apparaître comme une solution de compromis349. Mais la

façon de faire est révélatrice des réserves de la communauté : les biens nobles sont inscrits à la fin du compoix, et non sur un cahier spécial ou un deuxième registre, et le qualificatif de « biens prétendus nobles » laisse la porte ouverte à des contestations ultérieures si les titres les justifiant venaient à disparaître. À titre d’exemple, le compoix de Bruguières, dans la proche banlieue

346 Les minutes du notaire de Cazères n’ont été conservées que jusqu’en 1710, ce qui laisse supposer que le dernier volume de sa pratique est perdu.

347 Alphonse Brémond, Nobiliaire toulousain…, vol. 1, p. 280.

348 « En cette estimation et cotisation sont compris les biens prétendus nobles, comme il se juge tous les jours en ladite Cour, notamment cela y a été jugé le 8 mars 1638 contre le sieur de Generargues, en faveur des consuls dudit lieu, dont toutefois ont fait cahier à part, et on renvoie les oppositions en la Cour, comme il se juge tous les jours en ladite Cour, et notamment y a été jugé par arrêt de règlement donné pour le lieu de Magualas le 22 novembre 1638 » (Antoine Despeisses, Traité des tailles et autres impositions…, p. 303-304).

349 ADHG, 2 E 1357, Délibération du 5 juin 1662 : « D’une commune voix a été délibéré que le livre et département de la taille se fera aujourd’hui… sur les livres allivrantes qui se trouveront dans les livres sur lesquelles le département sera fait, et sur celles du bien prétendu noble, desquelles sera fait un cahier à part ainsi qu’est porté dans l’arrêt que la ville a obtenu de la Cour des aides de Montpellier ».

toulousaine, en 1695, pousse le raffinement jusqu’à séparer le « Cayer des biens nobles » du « Cayer des biens prétendeux nobles » et du « Cayer des biens ruraux »350.

On a vu qu’en pays de taille réelle, l’exemption fiscale porte sur la terre et non sur la personne : l’expression de « terre noble » désigne donc toutes les terres qui échappent à l’impôt, quelle que soit la qualité de son propriétaire – noble, ecclésiastique ou roturier. C’est ce que conclut l’auteur de l’Examen d’un recueil des Loix sur la nobilité des biens de l’évolution de la législation : « de la facilité qu’ont eu les roturiers de s’introduire peu à peu dans la possession des terres nobles, est venu le préjugé où nous sommes depuis l’ordonnance de Blois (1579) que la propriété des terres nobles n’est pas une preuve de la noblesse du propriétaire, et que l’immunité de la personne et celle des fonds ne concourent plus ensemble. Parce que le roturier, en payant le droit de franc-fief, peut posséder des biens nobles, comme le gentilhomme possède des biens roturiers en payant la taille. Le roturier n’avilit pas la terre seigneuriale par son acquisition, ni par sa jouissance, elle demeure toujours noble, de même que le gentilhomme n’ennoblit point la terre rurale »351.

La première conséquence en est que le nombre de privilégiés peut augmenter sans que la répartition de l’impôt en soit affectée. La législation royale a en effet progressivement interdit l’anoblissement des terres en Languedoc : « jusqu’à Charles VII, la possession des armes avait donné la nobilité aux fonds de nos guerriers ; la noblesse de la personne passait jusqu’aux domaines que les nobles possédaient en roture » mais ce privilège a été strictement limité par l’ordonnance de 1464 puis par l’édit de 1543 « parce que les Présidents des Cours du Parlement de Toulouse et des Aides de Montpellier, les Nobles et gens d’Église (non pas les Églises), à cause de leurs états, offices et qualités de leurs personnes, attribuaient la nobilité aux biens roturiers qu’ils achetaient, et dont les prédécesseurs possesseurs souloient payer les tailles et subsides. Les fiefs et les seigneuries avaient encore le privilège d’ennoblir ceux à qui elles passaient par vente ou donation. Elles étaient devenues le seul titre des distinctions des familles. Mais depuis 1579, ce privilège a été abrogé par l’article 258 de l’ordonnance de Blois, comme l’autre l’avait été par celui de 1464 »352. À partir de 1464, la législation royale tend par conséquent à empêcher les nobles –

d’épée ou de robe – et les ecclésiastiques d’étendre leurs exemptions fiscales sur les biens roturiers, sans pour autant remettre en cause l’immunité des biens nobles353. Théoriquement,

350 Christiane Sartolou-Ville, « Un compoix terrien de 1695 : Bruguières », Annales du Midi, 1965, p. 231.

351 Jean-Louis Lebel, Examen d’un recueil des Loix sur la nobilité des fonds de la province de Languedoc, s. l. 1770, p. 162- 163.

352 Jean-Louis Lebel, Examen…, p. 160.

353 Au sujet des ordonnances de 1464 et 1535 : « il est donc établi que les biens acquis qui étaient tributaires avant l’acquisition sont et demeurent toujours tributaires. Mais il est également certain que les biens qui ne l’étaient pas avant la vente, ou la donation, ne le deviennent point, sous prétexte de l’acquisition. Ce serait anéantier la maxime de droit, res transit cum sua causa, et dégrader les propriétés contre les Lois les plus solennelles, qui veulent que

l’extension des biens nobles a donc atteint son maximum au milieu du XVe siècle, et ne put que

diminuer par la suite354 : « les fonds reconnus roturiers dès la première ordonnance de 1446 qui

fixe la perpétuité des tailles ne peuvent en aucun temps être nobilisés ; ils seront à jamais sujets aux impositions royales »355.

Dès le règne de François Ier, s’impose par conséquent l’idée selon laquelle tout bien doit être

présumé roturier si son propriétaire ne peut en prouver la nobilité. La tentation des consuls d’encadastrer de leur propre autorité les biens nobles, en comptant sur l’incapacité du propriétaire à présenter ses titres ou à engager un procès long et coûteux, est contrecarrée par un édit de février 1543 qui ordonne que l’assujettissement aux tailles doit être limité aux biens ruraux encadastrés et qui y contribuaient auparavant356. Mais depuis l’ordonnance de 1464, c’est l’extrait

des anciennes estimes ou de l’ancien cadastre qui est considéré en justice comme la meilleure preuve de la nobilité ou de la ruralité d’un bien357.

Les parties en présence dans la « bataille des biens nobles » engagée lors de la réfection du compoix de Montesquieu-Volvestre semblent parfaitement maîtriser ce cadre juridique. Même si la confection d’un cahier des biens prétendus nobles n’est décidée qu’en juin 1662, la communauté place dès le début de l’année 1661 le débat sur la capacité des propriétaires à prouver la nobilité de leurs biens, dès que deux nobles commencent à élever des protestations : les consuls et syndics sont chargés de demander aux nobles qui prétendent avoir des biens nobles dans la juridiction « de nous vouloir donner des extraits de leurs actes de nobilité pour voir si on peut se garantir de procès »358. Les procès-verbaux des délibérations consulaires permettent de

l’acquéreur jouisse des mêmes droits, facultés et prérogatives dont jouissait librement le vendeur » (Jean-Louis Lebel,

Examen d’un recueil des Loix sur la nobilité des fonds de la province de Languedoc, s. l. 1770, p. 129).

354 Georges Frêche, Toulouse et la région Midi-Pyrénées…, p. 134 : « la superficie noble est une masse compacte héritée du Moyen Âge qui peut diminuer au cours de procès sur le fait de la nobilité des terres mais qui, en aucun cas, ne saurait augmenter ». C’est bien ce qu’observe également Émile Appolis dans le diocèse de Lodève au milieu du XVIIIe siècle : « dans la plupart des communautés, l’étendue des biens nobles est en sensible recul depuis un siècle. Cette régression provient soit des baux à emphytéose perpétuelle, consentis par les seigneurs pour certaines de leurs terres, soit de l’action des communautés, qui ont réussi à faire déclarer en roture certains terrains, autrefois prétendus nobles par leurs possesseurs » ; l’auteur en donne de nombreux exemples (Émile Appolis, Un pays languedocien au milieu

du XVIIIe siècle : Le diocèse civil de Lodève. Étude administrative et économique, Albi, 1951, p. 90).

355 Jean-Louis Lebel, Examen…, p. 162.

356 Dispositif de l’édit de février 1543 cité dans l’Examen d’un recueil des Loix sur la nobilité des fonds, p. 162 : « Déclarons que dans les susdits édits (1446, 1464, 1483, 1535, 1540, 1543), nous n’entendons ni n’avons entendu que les nobles et roturiers tenant biens nobles en fiefs de nous, puissent être cotisés pour raison desdits biens, esdites tailles réelles et prédiales ou autres impositions, auxquelles les biens ruraux desdits pays sont contribuables ; et pour raison d’iceux biens nobles tenus et possédés par eux et leurs prédécesseurs noblement, puissent être vexés, mis ou tirés en procès, ni les biens de la qualité susdite mis ou couchés en leurs cadastres des biens ruraux, et contribuables auxdites tailles prédiales et réelles, dues pour raison desdits biens ruraux »

357 « Les actes translatifs ne changent jamais la qualité des fonds, soit nobles ou roturiers… Un acte d’acquisition tel quel ne suffit donc pas pour faire déclarer un bien roturier, s’il n’en résulte qu’il l’est par la qualité du vendeur, ou du donateur laïque, par les compoix ou cadastres qui justifient que ces biens ont ci-devant contribué » (Jean-Louis Lebel, Examen d’un recueil des Loix sur la nobilité des fonds de la province de Languedoc, s. l. 1770, p. 130)

suivre pas à pas les procédures judiciaires et parajudiciaires lancées pour la vérification de la nobilité des biens revendiquée par certains nobles et par l’abbesse des Salenques.

Après le coup de force de la famille de Hunaud à l’été 1661, la communauté accepte de conférer avec les nobles réfractaires à l’allivrement de leurs biens en janvier 1662 mais cherche à étayer sa position en droit en demandant une consultation à un avocat montpelliérain pour vérifier l’authenticité et la validité des actes de nobilité359. Ses députés sollicitent un avocat

prestigieux en la personne de Me Guillaume d’Ortoman (ca 1585-après 1664), docteur ès droit, qui fut viguier royal du Vigan et maître d’hôtel du connétable de Montmorency360 ; son père,

Nicolas d’Ortoman, originaire des Pays-Bas, était professeur à l’Université de médecine de Montpellier et premier médecin du roi Henri IV361. Cet avocat conclut à la ruralité des biens des

sieurs d’Escavaignous et du Barry mais ne se prononce pas sur ceux du sieur de Palays, faute de disposer du texte de la transaction que celui-ci aurait passée avec la communauté, sans doute chez un notaire de Rieux362.

En 1662, le conflit des biens nobles tourne donc à la bataille de papier, et l’évêque de Rieux, seigneur de Montesquieu et abbé commendataire de Lézat, est appelé à intervenir à la fois en tant qu’autorité morale et politique et en tant que détenteur des précieuses archives susceptibles de trancher la question. Alors que la communauté vient d’imposer que la collecte de la taille se fasse à partir du nouveau livre terrier – et frappe implicitement les biens nobles –, l’évêque de Rieux

359 ADHG, 2 E 1357, Délibération du 27 décembre 1661 : les députés de la communauté à Montpellier « prendront un avocat le plus intelligent que se pourra trouver pour véritifer les actes que les Messieurs de la noblesse produiront et s’ils sont bons et valables et, de tout ce qui sera allégué, lesdits sieurs Salinié et Dupin en feront rapport à l’assemblée pour voir après ce que la communauté devra faire ». Ils reçoivent 200 lt pour faire le voyage.

360 Guillaume d’Ortoman passe une procuration le 5 novembre 1622 devant maître Samuel Vidal, notaire à Montpellier, en tant que maître d’hôtel du gouverneur de Montmorency. On le trouve cité dans Les observations de

médecine de Lazare Rivière et François Deboze (Lyon, 1680) : « au mois d’avril 1631, la femme de Guillaume

d’Ortoman, avocat de Montpellier, fut subitement attaquée de grandes douleurs d’estomac et sur la région de la rate, qu’on ne put apaiser ni par les fomentations, ni par la purgation, mais lui ayant fait tirer une bonne quantité de sang du bras gauche, toutes ces douleurs se dissipèrent » (observation XLIV – Une colique de l’estomac, p. 51). La femme dont il s’agit est Isabeau de Bouques, que Guillaume d’Ortoman, docteur et avocat à Montpellier, a épousée en secondes noces le 14 janvier 1631 (Prosper Falgairolles, « Un Nîmois célèbre, Jean de Varanda et sa famille d’après des documents originaux inédits », Mémoires de l’Académie de Nîmes, 1898, p. 222). D’après les recherches généalogiques de Francis de Stordeur, il est encore attesté en 1664 : le 17 mars, Guillaume Dortoman, docteur ès droit, ci-devant viguier pour le Roi en la ville et viguerie du Vigan, rend hommage à l’évêque de Montpellier pour les 50 séterées de terre à Mauguio, en franc-fief, à lui inféodées en 1643 sous l’albergue noble et annuelle d’un cierge de cire blanche du poids d’une livre (AM Montpellier, BB 154, fol. 224).

361 La famille d’Ortoman habite depuis longtemps la maison de la Cure, située rue de la Cure (devenue rue Collot) : « le compoix de 1544 la porte sous le nom de Nicolas d’Ortoman, docteur régent en médecine, puis de Pierre, docteur en médecine, ensuite de Laurens d’Ortoman, avocat, secrétaire de la chambre du roi (1598-1600). Le 27 avril 1718, noble Guillaume d’Ortoman, capitaine, la vendit à la ville 2 890 livres pour servir de cure » (Grasset- Morel, « Montpellier, ses sixains, ses îles et ses rues », Société languedocienne de géographie, 1905, p. 147).

362 ADHG, 2 E 1357, Délibération du 6 février 1662 : « Après avoir ouï le récit de leur députation, ils ont porté une consulte du sieur d’Ortoman, avocat de Montpellier, par laquelle il fait voir en quelque façon le bien du sieur d’Escavaignous et Dubarry roturiers et pour celui du sieur de Palais, on ne les en a point su bien éclairer parce qu’il faut chercher quelques transactions passées entre la communauté et les successeurs du sieur de Palais ». Une délibération du 19 février 1662 mentionne des frais engagés pour obtenir d’un notaire de Rieux, Dangès, « l’expédition

envoie le 16 mai aux consuls « les actes et titres pour raison des biens que Mre d’Escavaignous possède et prétend être nobles » pour que le conseil politique se prononce363. C’est désormais en

sollicitant la médiation de l’évêque de Rieux et en exigeant l’examen de ses titres que Jean de Hunaud, sieur d’Escavaignous, compte, avec d’autres, faire reconnaître ses droits par la communauté. Il obtient de fait une concession majeure le 5 juin suivant puisque le conseil politique ordonne la confection d’un « cahier des biens prétendus nobles ».

La communauté prend cependant bien soin de désigner ces biens comme « prétendus nobles » et non comme « nobles » : elle conserve ainsi la possibilité d’en contester ultérieurement la nobilité en justice. Surtout, elle se donne les moyens d’user de ce droit en entretenant un procureur à Montpellier, Me Pujol, pour rédiger les actes nécessaires à la conduite des procédures devant la Cour des aides, et en sollicitant des avocats spécialisés – Guillaume d’Ortoman à Montpellier et Nicolas de Parisot à Toulouse – pour présenter en justice, à travers leurs consultations, des avis autorisés. À l’inverse de Rafe Blaufarb pour la Provence, nous n’avons pas trouvé de mentions d’associations ou d’organisations des communautés relatives au procès des tailles, ni de désignation de syndics provinciaux chargés de représenter les intérêts du tiers état en justice ou devant le Conseil du roi à Paris364 : en Languedoc, chaque communauté peut se

pourvoir devant la Cour des aides de Montpellier pour trancher les conflits liés, entre autres, à l’assiette des biens ruraux et, avant la mise sous tutelle par l’intendant, elle a toute latitude pour y affecter les moyens nécessaires, que ce soit en payant un procureur permanent ou en finançant les députations de ses membres. Le procès des biens nobles est l’occasion d’entériner le nouvel arpentage en s’adressant à nouveau à la Cour des aides – après l’arrêt de permission de réfection du compoix de 1660 – et joue, en même temps, un rôle dissuasif contre des propriétaires qui pourraient être tentés de contester leur allivrement. La poursuite des procédures est certes coûteuse, mais il apparaît à travers les délibérations consulaires que la communauté considère, comme ses adversaires, qu’elle est un moyen de faire en permanence pression sur la partie adverse pour arriver à un accord négocié dans les meilleures conditions. Une décision en justice est fragile, elle peut sans cesse être remise en question : une transaction bien négociée, sous l’égide d’un médiateur aussi légitime et prestigieux que l’évêque de Rieux, et dans lequel chacun trouve satisfaction, a plus de chances de durer.

363 ADHG, 2 E 1357, Délibération du 17 mai 1662 : « Par le sieur Rivals a été représenté que hier au soir, Monseigneur de Rieux lui envoya pour y dire nos raisons, c’est pourquoi a été délibéré que ledit Sr Rivals et ledit sieur Dupin sont priés d’aller à Rieux parler avec le seigneur évêque lui porter la consulte de Montpellier et déduire sur ce nos intérêts ».

364 Rafe Blaufarb, « Vers une histoire de l’exemption fiscale nobiliaire. La Provence des années 1530 à 1789 »,

La poursuite des procès devant la Cour des aides a un autre objectif, moins visible. La correspondance que la communauté entretient avec son procureur à Montpellier lui permet en effet de se tenir informée de l’évolution de la législation fiscale et de la jurisprudence de la Cour des aides intéressant ses affaires. La Cour enregistre la plupart des arrêts de règlement qui émanent du Conseil du roi sur les matières fiscales ; or, celui-ci prend périodiquement la décision de faire participer les biens-fonds nobles aux dépenses extraordinaires des communautés et l’ordinaire lui-même est susceptible de modifications réglementaires circonstanciées qu’il importe de bien connaître. L’administration des communautés ne peut en conséquence faire l’économie d’un fondé de pouvoir dans l’une des deux capitales de la province : on voit ainsi la communauté de Montesquieu solliciter en 1663 l’avis de son procureur à Montpellier, Me Pujol, sur la façon de faire vérifier ses dettes car il est alors le greffier de la commission de 1662365. Les procureurs sont

en effet les spécialistes de la procédure : maintenant leurs clients à distance des juges, ils agissent néanmoins dans leur intérêt et les conseillent sur les gestes et les actes appropriés à poser. Si la charge de procureur a été définitivement érigée en office royal en 1620, elle est loin de procurer une dignité comparable à celle des magistrats : les procureurs restent de petits officiers, les contreparties de la finance qu’ils ont versées se mesurant à l’aune de leur clientèle et de leur accès aux bonnes affaires. Ainsi que l’a récemment montré Claire Dolan, « pouvoir se réclamer du titre de procureur auprès d’un tribunal, c’est mettre en avant une compétence, mais aussi un réseau de relations ; c’est faire état d’un accès privilégié, c’est aussi faire appel à une image d’homme de confiance qui sait user de ruses et de finesse pour servir au mieux celui qui l’engage »366. Au vu de