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La recherche menée est exploratoire, qualitative et compréhensive dans le sens où nous cherchons à mieux comprendre les dynamiques individuelles qui ont conduit les étudiants à s’inscrire en sciences de l’éducation.

Nous présenterons, tout d’abord, la méthode choisie pour la recherche. Puis, nous aborderons le choix de l’échantillon en le mettant en parallèle avec les personnes qui ont effectivement participé à la recherche. Pour terminer, nous parlerons de la construction de la trame d’entretien et de la méthode d’analyse.

5.1 Méthode de recherche

Notre recherche est monographique, en ce sens elle préconise l’étude approfondie des dynamiques individuelles dans le choix d’engagement des étudiants. Elle se base sur l’étude de cas concrets faisant référence à l’expérience vécue. L’instrument de recueil de données a été l’entretien compréhensif. Nous avons choisi cette méthode afin de ne pas orienter les réponses des interlocuteurs tout en nous laissant la possibilité de rediriger le discours si nécessaire. L’objectif était de comprendre les raisons qui ont guidé leur choix tout en gardant à l’esprit que nous désirions reconstruire la dynamique identitaire du sujet. Selon Kaufmann (1996), dans l’entretien compréhensif, « l’enquêteur s’engage activement dans les questions, pour provoquer l’engagement de l’enquêté; lors de l’analyse de contenu l’interprétation du matériau n’est pas évitée mais constitue au contraire l’élément décisif » (p. 17). Cette méthode préconise des questions axées autour des différentes thématiques élaborées au préalable par le chercheur (nous les présenterons en troisième partie) mais ne se contente pas de réponses fermées ni de questions entièrement ouvertes (où l’interlocuteur est totalement libre dans son discours). Pour cet auteur, il s’agit de considérer les personnes interviewées en tant qu’informateurs en découvrant leur manière d’agir et de penser à travers leur discours.

25 L’entretien compréhensif permet au chercheur d’adapter ses interventions au discours de la personne interrogée. Ainsi, le chercheur peut aider cette dernière à développer certains aspects qui vont au-delà de la question initialement posée afin d’obtenir des informations plus précises sur un thème traité. Ces interventions spontanées et non planifiées à l’avance font la richesse des entretiens compréhensifs. C’est pour cela que nous n’avons pas opté pour la passation d’un questionnaire, dans le cadre duquel les questions posées sont standards et identiques pour les personnes interrogées, puisque nous désirions mettre en avant la particularité des dynamiques individuelles des étudiants. Dans le cadre des entretiens compréhensifs, les relances sont essentielles car elles permettent d’amener le sujet à développer davantage sa pensée et le conduisent vers une réponse plus profonde prenant en compte ses émotions, son ressenti. L’approfondissement de certains souvenirs ou moments-clés dans le parcours de vie de l’étudiant, précédent son engagement en formation, est nécessaire pour aboutir à des résultats qui permettent de répondre à la problématique et aux questions de recherche.

Si l’interrogateur parvient à instaurer un climat de confiance, l’entretien mené peut tendre vers une discussion riche, orientée autour de la découverte de la personne et de son vécu.

Celle-ci permet de comprendre davantage la manière dont le processus décisionnel d’engagement en formation s’est mis en place et l’importance de certains choix au cours du parcours de vie précédent l’entrée en formation.

Par ailleurs, il convient de rappeler que cette méthode de recherche nécessite une préparation rigoureuse. Les thématiques élaborées au préalable permettent de cadrer l’entretien mais le chercheur ne doit pas se contenter de les présenter d’une manière linéaire. Au contraire, il est nécessaire qu’il garde à l’esprit les questions de recherche et qu’il saisisse chaque opportunité de rebondir sur les réponses données afin d’approfondir son entretien. La difficulté réside dans la formulation des questions afin qu’elles soient suffisamment claires pour être comprises par le sujet tout en laissant une certaine liberté à l’interrogé dans la formulation de sa réponse. Les questions ainsi que les relances ne doivent pas influencer le discours de la personne mais tentent de l’orienter vers une récolte

26 d’informations en lien avec la problématique. Le chercheur doit s’assurer que la personne interrogée décrive l’action vécue tout en s’y impliquant.

5.2 Echantillon sélectionné

Pour ce travail, l’échantillon des personnes à interroger a été choisi de manière à mettre en valeur l’aspect monographique permettant de rendre compte des dynamiques individuelles qui ont conduit les étudiants vers l’entrée en sciences de l’éducation, dont les résultats mettent en avant la singularité de leur parcours de vie orientant leur choix. Des recherches sur les représentations du métier d’enseignant et le rapport à la formation ont mis en relief le lien entre les expériences antérieures dans l’exercice de la profession et la motivation initiale d’engagement en formation. De même, si nous considérons que les représentations du métier passent par les images que nous avons de la profession et de l’exercice de celle-ci, les enfants de parents étant enseignants ont construit une représentation sociale du métier qui peut orienter leur choix d’engagement en formation basé sur le vécu de l’entourage.

C’est pour ces raisons que nous avons décidé de choisir des étudiants en tronc commun qui n’avaient pas eu d’expériences en lien avec l’enseignement primaire (responsabilité d’une classe) et dont les parents n’exerçaient pas cette profession. Nous n’avons pas réalisé une sélection des étudiants en fonction de l’âge ou du sexe puisque nous avons choisi de mener une recherche monographique. Au contraire d’une recherche expérimentale, il n’était pas pertinent de sélectionner des variables à vérifier. Par ailleurs, étant donné que la première année en sciences de l’éducation fait office de tronc commun, les étudiants engagés en formation initiale peuvent se destiner également à la formation d’adultes et non uniquement à l’enseignement primaire. Compte tenu de notre question de recherche, nous avons choisi des étudiants désirant poursuivre la voie de la formation d’enseignant primaire.

De plus, étant donné que nous désirions écarter la variable « expérience professionnelle dans l’enseignement », nous devions interviewer les étudiants au cours du premier semestre avant qu’ils ne commencent les stages en école dans le cadre desquels ils sont amenés à prendre en charge partiellement la classe.

27 Nous avons retenus huit étudiants que nous avons vus à différents moments, de manière individuelle, pour des entretiens d’environ quarante-cinq minutes. Ces derniers se sont tous inscrit en 2010 en sciences de l’éducation mais trois d’entre eux avaient déjà entamé une formation universitaire après l’obtention de leur diplôme de maturité. Nous avons retenu trois entretiens qui nous semblaient apporter une plus grande richesse en termes d’éléments d’analyse issus des dynamiques identitaires. Les informations personnelles sur les étudiants retenus pour l’analyse se trouvent en annexe 1.

5.3 Construction de l’entretien

Le canevas d’entretien a pour fonction d’apporter un cadre à la discussion axée autour de la profession enseignante et de l’engagement en formation. La trame d’entretien pour cette recherche a été construite autours de trois thèmes.

Le premier concerne l’engagement en formation. A travers ce thème, nous demandions à l’étudiant de retracer les étapes dans son choix d’orientation en sciences de l’éducation, tout en s’attachant à connaître les alternatives qui se sont présentées. Nous nous centrions sur les éléments qui l’ont influencé, les circonstances dans lesquelles le choix a été fait et les sources d’informations obtenues sur la formation au moment où la décision d’entrer en sciences de l’éducation a été prise. Parmi ces questions, nous désirions savoir si l’étudiant à été influencé dans ses choix tout en s’attachant à connaître l’origine (entourage, conseiller) et l’impact (positif/négatif) de ses éléments incitatifs. De plus, en considérant l’étudiant engagé en formation, nous avons voulu connaître ses domaines d’intérêts ainsi que ses attentes en termes d’apport formatif (ce que la formation lui apporte au moment de l’entretien). Cet aspect nous a permis d’identifier les éléments qui ont conduit à l’engagement.

Le deuxième thème concerne le regard sur la profession. Nous nous sommes centrés spécifiquement sur la profession, les éléments caractéristiques et attractifs du métier. Les étudiants étaient amenés à présenter leur vision du métier d’enseignant et ce qu’ils estiment

28 être important pour l’exercice de la profession (qualités humaines, compétences etc.). De même, les étudiants ont été amenés à parler de leurs souvenirs d’école et des personnes qui les ont marqués durant leur scolarité (camarades, enseignants). A travers ce thème, nous relation pédagogique, aspect didactique, etc.) ou s’ils considéraient que les éléments caractéristiques du métier les mettaient en contact avec une image positive de soi.

Le troisième thème concerne les perspectives futures. Cette partie accorde une place importante à la définition des buts par le sujet. Les étudiants ont été amenés à parler de leurs buts à court terme et à long terme en lien avec leur engagement en formation. De même, l’avenir professionnel a été abordé en relation avec la formation suivie et le désir d’exercer le métier d’enseignant. Cette thématique a été approfondie pour comprendre si la formation investie par l’étudiant constitue un moyen d’atteindre les buts poursuivis par celui-ci.

Voici le canevas qui a permis de mener les entretiens en sachant que les thématiques n’ont pas été abordées les unes à la suite des autres mais selon l’ordre naturellement imparti par la discussion.

Guide d’entretien

Caractéristiques de l’étudiant : éléments à caractère sociodémographique et scolaire

Âge

Situation familiale

Parcours scolaire antérieur à la formation suivie

Dernier diplôme obtenu

Expérience(s) socio-professionnelle(s) antérieure(s)

Année d’inscription à l’université de Genève, en FPSE

L’engagement en formation

Décrivez-moi le choix de votre engagement ? comment ça s’est déroulé (les circonstances) ?

Pouvez-vous décrire succinctement les étapes de votre choix d’orientation ?

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Quelles sont les raisons (motifs) de votre choix d’entrée en formation ?

Quels sont les éléments de la formation qui vous intéressent particulièrement ?

Quelles ont été vos sources d’information sur cette formation ?

Ce choix a-t-il fait l’objet d’alternatives ? Regard sur la profession

Quels sont vos souvenirs de l’école ?

Comment définiriez-vous la profession enseignante ? (c’est quoi être enseignant ?)

Si vous deviez présenter la profession de manière attractive, quels éléments mentionneriez-vous ?

Perspectives futures

Quels sont les raisons qui vous conduisent vers le choix de devenir enseignant ?

Comment voyez-vous votre avenir professionnel ? Quels sont vos projets ?

Quels sont les buts que vous avez dans le cadre de cette formation ?

Les caractéristiques personnelles nous ont permis d’obtenir des informations complémentaires sur le sujet afin d’affiner l’analyse des entretiens. Précisons qu’un entretien exploratoire a été effectué au préalable afin d’affiner les questions et d’améliorer la conduite de l’entretien permettant de mieux centrer la discussion sur les éléments que nous cherchions à obtenir en favorisant des relances pertinentes.

5.4 Déroulement des entretiens

Le choix d’étudiants en première année de tronc commun souhaitant poursuivre leur formation dans le domaine de l’enseignement primaire s’est fait à la sortie d’un cours réservé exclusivement aux étudiants poursuivant la voie de la LME (Licence Mention Enseignement) en leur présentant la recherche menée et en demandant des volontaires pour les entretiens à réaliser.

Ces entretiens ont été enregistrés et retranscrits. Nous avons présenté la recherche en début d’entretien et expliqué la clause de confidentialité des données. Afin de favoriser l’entrée dans la discussion pour permettre à l’étudiant d’investir l’entretien, nous avons débuté par la question concernant les étapes qui l’ont conduit à s’inscrire en sciences de l’éducation. Etant donné que nous voulions obtenir le plus d’informations possibles sur le

30 vécu de la personne interrogée, il s’agissait de la conduire à s’impliquer dans le récit de son vécu, en décrivant les actions entreprises mais également les raisons de ses choix comme le conseille P.Vermersch dans son ouvrage (1994). Sans avoir recours aux questions trop directes qui auraient pu créer un malaise chez l’interlocuteur, nous avons sollicité les explications afin de saisir les raisons plus profondes qui sous-tendent ses choix. Pour cela, nous avons souvent fait recours aux formulations telles que : « pourrais-tu me dire en quoi cela est-il important pour toi ? » en évitant de formuler des questions trop « agressives » (nous avons fait abstraction du « pourquoi » ?) qui auraient induit chez l’interviewé à

« donner une explication et il y a peu de chance que ce soit autre chose que des justifications, des jugements (…) qui le conduiront à parler de tout ce qu’il sait déjà et lui évitera (l’empêchera) de parler de son vécu » (Vermersch, 1994, p.86).

Nous avions essayé de suivre les recommandations de J-C Kaufmann (1996), tel le respect du rythme de l’entretien, de le sentir et de le contrôler. C’est pour cela que les silences nous ont permis parfois d’aller au-delà de l’explication initialement donnée grâce à un temps de réflexion suffisant. La prise de notes tout au long des entretiens a permis, d’une part, de noter des éléments-clés sur lesquels il était intéressant de rebondir, mais également d’entrecouper l’entretien de silences bénéfiques à la réflexion personnelle. La thématique de recherche a conduit les étudiants à parler d’eux-mêmes et à livrer des informations d’ordre personnelles. Cependant, le risque a été que ces derniers perçoivent les questions comme une intrusion alors que la démarche était clairement compréhensive et que nous cherchions à instaurer un climat de confiance sans apport d’aucun jugement de valeur.

Lorsque nous sentions que certaines questions ou interruptions étaient source de malaise, nous reformulions la question posée ou nous changions de thème de discussion tout en gardant à l’esprit de pouvoir y revenir par la suite de manière indirecte.

Ces moments parfois difficiles nous ont permis de déceler la présence de tensions identitaires chez le sujet. Ces aspects ont été utiles au travail d’analyse des entretiens comme le souligne Kaufmann : « l’enquêteur a un monde à découvrir, plein de richesses inconnues. Chaque univers personnel a ses richesses qui ont immensément à nous apprendre » (L’entretien compréhensif, 1996, pp.51-52).

31 Lors de certains entretiens, les informations obtenues étaient plus complètes et plus riches (en termes de dynamique identitaire) à la fin de l’entretien mené. De même, il s’est avéré que la discussion s’est prolongée, avec certains étudiants, hors enregistrement audio où les informations obtenues se rapportaient à des aspects de leur vécu qui les ont affectés ; une sorte de confession. Selon Kaufmann « l’indiscrétion du thème peut inciter aux dissimulations et aux mensonges pour protéger ses petits secrets » (1996, p.65). Les interviewés n’ont pas vraiment caché la vérité mais ils se sont parfois rattachés à ne dévoiler que la partie supérieure de leur identité et de leur questionnements intérieurs. C’est à ce moment que le climat de confiance, instauré par le chercheur, est primordial afin de transformer un cadre de travail trop formel en un lieu de discussion où l’interviewé ne se sent pas jugé mais écouté.

5.5 Méthode d’analyse

Au terme de chaque entretien mené, nous avons réalisé, à chaud, un résumé des éléments essentiels abordés en se référent aux thématiques choisies (cf. construction de l’entretien).

Par la suite, nous avons sélectionné les entretiens qui nous semblaient les plus riches en se référant à la question de recherche. Pour rappel, nous désirions déterminer comment la dynamique identitaire se manifeste dans l’engagement en formation des étudiants qui n’ont pas eu d’expériences d’enseignement ni de parents exerçant ce métier. C’est pour cela que nous n’avons retenu que trois entretiens sur les huit menés puisque nous sommes parvenus à nous plonger davantage sur les questions identitaires aves ces sujets.

En outre, la recherche étant qualitative et compréhensive, il ne s’agissait pas d’étendre l’analyse à davantage d’entretiens puisque l’échantillon serait de toute manière trop restreint pour pouvoir rendre les résultats généralisables et ceci n’était pas l’objectif poursuivi. La spécificité d’une recherche monographique est qu’elle rend compte des particularités de chaque individu, en faisant ressortir que les buts poursuivis se distinguent et que leur investissement en formation diffère selon le lien qu’ils établissent entre la poursuite de celle-ci et l’atteinte de leur buts.

32 Nous avons lu plusieurs fois les entretiens car nous estimions qu’au début, nous restions trop attentif à l’aspect fonctionnel et donc aux buts opératoires poursuivis par les sujets. Or, à travers notre recherche nous ne souhaitions pas nous arrêter à une analyse linéaire de l’entretien mais nous cherchions à nous plonger davantage dans le fonctionnement intérieur du sujet en rapport à sa dynamique identitaire qui guide ses actions.

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